Stéphane Gilot

Gilot, Winkler et Köperl, vernissage le samedi 8 mai à 15h chez Optica

Stéphane Gilot
La cité performative

Depuis 2001, Stéphane Gilot s’emploie à redéfinir notre relation à l’espace à l’aide de constructions hybrides, lieux imaginaires au sein desquels le public est invité à participer à un véritable inventaire de situations. Désignés par l’appellation «plans d’évasions», ces dispositifs constituent des «mondes-modèles», un ensemble d’unités autonomes qui prennent part à l’édification de la «cité performative», un projet en constante évolution. La représentation de ces structures – dessins, maquettes, habitacles et composantes vidéos – trahit un intérêt marqué pour l’organisation sociale des villes, nos habitus et comportements, ainsi qu’une anthropologie renouvelée de l’habitat. Proposant une synthèse de ces environnements, Gilot agit cette fois comme commissaire : il actualise les «mondesmodèles », y ajoute de nouveaux quartiers et pose un regard réflexif tant sur le processus en soi que sur les relations d’auteur et d’autorité entretenues avec ceux et celles qui sont appelés à habiter la cité.

Rediffusée en vidéo, la capacité (ou non) à vivre ensemble des participants met à nu les imperfections d’une (sur)modernité perçue comme un spectacle vivant. Bien que la dimension ludique soit pleinement investie, elle illustre de façon probante la virtualisation effrénée d’un monde où l’accès et la vitesse de transmission des informations donne l’impression de parcourir l’univers tout en restant immobile (ce que rappelle le rapport entre espace d’exposition et espace urbain). «L’époque actuelle serait peut-être plutôt l’époque de l’espace», affirmait Michel Foucault dès 1967. «Nous sommes à l’époque du simultané, […] de la juxtaposition, […] du proche et du lointain, du côte-à-côte, du dispersé. […Le] monde s’éprouve moins […] comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau.»1

Ces zones intermédiaires articulant unicité et pluralité des mondes sont bien présentes dans la «cité performative». Par ailleurs, cette perception rejoint le concept d’hétérotopie développé par le philosophe français, cette idée de «lieu sans lieu» qui «[…] juxtapose en un lieu réel […] plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles»2. Faisant habilement écho à cet enchevêtrement des espaces – tel qu’expérimenté au théâtre par exemple –, Gilot prend acte et réunit dans une même oeuvre différents lieux utopiques qui agissent alors comme interfaces entre réalité et fiction, renversant nos relations avec le réel et l’imaginaire tout en nous plaçant en situation de reconnaître et de croire à leur fonctionnalité dans l’organisation de la cité.
– Marie-Josée Lafortune

 

Originaire de Belgique, Stéphane Gilot vit et travaille à Montréal depuis 1996. Sa «cité performative» comprend, en tout ou en partie, les «mondes-modèles» présentés à :

Jeu vidéo – vitrine, UQÀM, Montréal (2004), Jeu vidéo – monde 1, Paul Petro Contemporary Art, Toronto (2005), Centre Oboro, Montréal (2006), Jeu vidéo – monde 2, Transmediale 06, Berlin (2006), Centre Cinéplastique, Pierre-François Ouellette art contemporain, Montréal (2006), Cineplastic Station, Paul Petro Contemporary Art, Toronto (2007), Cineplastic Station 2, Galerie F. Desimpel, Bruxelles (2007),Cineplastic Center 2, Salvaging Utopia, Truck Gallery, Calgary (2007), Hurricane Building, Vowles Building, Flux Gallery, New York (2007), Cineplastic Campus, Blackwood Gallery, Mississauga (2008)

 

Sylvia Winkler + Stephan Köperl
URBANG

Les interventions dans l’espace public de Sylvia Winkler et Stephan Köperl proposent un point de vue critique sur la planification urbaine des villes qu’ils visitent. Ils les commentent en vidéo, composant des chansons engagées qui dénoncent avec ludisme les projets immobiliers et leurs modes d’implantation. Déconstruisant le message des promoteurs, le duo allemand nous alerte sur les processus actuels d’uniformisation et d’appropriation de l’espace citoyen. Les vidéos «Jin Bi Lu» (1997), «3rd Space» (2007) et «Make No $mall Plans» (2008) font état des changements du tissu urbain dans les villes de Kunming et Chengdu en Chine et dans le quartier Griffintown à Montréal.

«Jin Bi Lu» (1997) traite de l’exode de familles autrefois aisées, issues des vieux quartiers de la ville de Kunming, au sud de la Chine. Celles-ci quittent des bâtiments historiques en mauvaise condition, dont la démolition fait écho à la dégradation de l’économie et du tissu social de la région. L’air de «Gold-Jade- Avenue» (Jin Bi Lu) – que Köperl chante en parcourant les décombres en triporteur – reprend la mélodie d’une chanson fort populaire à l’époque.

«3rd Space» (2007) est le nom commercial attribué à l’un des nombreux projets immobiliers en construction dans le centre de Chengdu. Cherchant à asseoir le projet sur des assises intellectuelles solides, la brochure promotionnelle cite les écrits de Virginia Woolf et renvoie aux concepts de philosophie sociale et urbaine de Jürgen Habermas et Ray Oldenburg. Adoptant le ton d’une speakerine, Winkler reprend intégralement le texte et le récite à trois endroits sur le chantier.

«Make No $mall Plans» (2008) a été réalisée à la suite d’une manifestation contre les plans de réaménagement du quartier Griffintown. Impressionnés par l’ampleur du débat, Winkler et Köperl ont fait de cette question controversée une partie intégrante du travail réalisé pendant leur résidence internationale du Conseil des Arts du Canada à la Fonderie Darling. Écrites sur un air connu que le groupe Deep Purple a commercialisé à la même époque où le quartier a été développé, les paroles qu’ils chantent en duo commentent la situation à Griffintown et manifestent leur appui aux activistes; le titre et le refrain se réfèrent plutôt à l’énoncé de mission de la compagnie immobilière concernée.
– Geneviève Bédard + Marie-Josée Lafortune

Sylvia Winkler et Stephan Köperl forment un duo d’artistes depuis 1997. Diplômés de l’Académie des Beaux-Arts de Stuttgart, leurs interventions urbaines à caractère in situ se développent à partir d’observations dans l’espace public qu’ils transforment en actions où la situation initiale observée est toujours reconnaissable, bien que diverses modifications établissent un nouveau contexte.

Oeuvres présentées en galerie
Jin Bi Lu, République populaire de Chine 1997, 7’
3rd Space, République populaire de Chine 2007, 2’
Make No $mall Plans, Montréal 2008, 5’30’’

Abonnez-vous au bulletin du Réseau art Actuel