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Synonymes de Catherine Bodmer
La Galerie B-312 a le plaisir de clore sa programmation annuelle régulière avec Synonymes, la plus récente exposition de Catherine Bodmer. Débutée en 2010, la quête photographique de l’artiste autour des espaces verts de Mexico s’est poursuivie jusqu’en 2018 où elle s’est alors attardée plus particulièrement aux kiosques qui se trouvent dans le Viveros de Coyoacán, un parc public qui abrite également une pépinière et un marché de plantes. Ce dernier est fréquenté principalement par les citadins les mieux nantis, mais tenu par une coopérative de petites entreprises familiales.—Le jardin vu comme une utopie paradisiaque est une image génésiaque forte. Un lieu de paix et de sagesse, clos et protégé, où la nature est luxuriante. Par son ordonnancement, il est une figuration d’un idéal, changeant selon les régions, les époques et, il faut bien le dire, selon les visions de la classe dominante. Dompter la nature, la rendre symétrique, géométrique dans un ordre méthodique à la manière de Versailles ou créer un apparent désordre foisonnant à l’anglaise. Le jardin rapproche de la nature, il permet la rêverie et l’essor d’un certain imaginaire. Cependant, même dans sa version la plus idyllique, il demeure malgré tout une construction liée à une activité économique. Ainsi, l’installation Synonymes construit et déconstruit cette tension qui existe entre la réalité, ses contingences, et nos perceptions multisensorielles qu’autorise la visite d’un tel lieu.—Dans la petite salle de la galerie, l’artiste présente une série de photos où des manipulations numériques, minutieuses et maîtrisées, combinent les images et les textures des kiosques du marché. Les superpositions photographiques se déploient en diverses subtilités, des manipulations les plus imperceptibles jusqu’à une mise à distance quasi totale face à une image presque entièrement noire. Toutes induisent judicieusement la complexité des apparences et la coexistence polysémique des réalités. Dans la grande salle, Catherine Bodmer présente un ensemble d’œuvres qui se propose comme une déclinaison du même thème. S’attardant à l’arrière-boutique des kiosques et aux personnes qui y travaillent, elle se penche également sur la matérialité des images et des mots. Une série d’impressions monochromes sur soie montées sur panneaux reposent, ordonnées, sur une longue tablette. Des témoignages des travailleurs recueillis par l’artiste siègent sur une autre tablette avoisinante. Une grande image en noir et blanc avec une bande de couleurs côtoie des assemblages d’échantillons de papiers et d’autres matériaux. Intégrant la lumière dans ses recherches, des interventions colorées faites à même les fenêtres donnent un caractère immersif à l’entreprise, comme si elle cherchait à sortir de l’image pour faire vivre, ressentir le lieu en appelant autrement les sens. Finalement, notons l’exploration textuelle, dans une projection au sol et sous forme plus sculpturale, où une suite rhizomatique de synonymes cherche à saisir les figures d’un bonheur imaginé. Une exposition aboutie, sensible et complexe à voir et à revoir jusqu’au 23 juin.
—ISABELLE GUIMOND
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
le samedi 8 mai de 14h à 17h