Mika Goodfriend, Roulotte, inkjet print, 61 x 76 cm

Vernissage le jeudi le 28 février à 17h à la galerie FOFA

Snowbirds
Mika Goodfriend
vitrines york corridor

L’étude sociodocumentaire Snowbirds met en scène le parc de maisons mobiles Breezy Hill. Situé au cœur de Pompano Beach, en Floride, ce complexe accueille des retraités québécois francophones qui forment une communauté étroitement unie.

J’ai abordé la série à la manière d’un anthropologue visuel examinant une « espèce en voie de disparition ». Les résidants du parc sont en définitive les survivants d’une ère culturelle et socioéconomique depuis longtemps révolue, et les gardiens d’une tradition en voie de s’éteindre. Derniers de leur genre à migrer en masse vers la Floride durant les mois d’hiver, ils retrouvent chaque année leur vision du paradis et du « rêve américain » derrière les clôtures blanches de Breezy Hill.

Commémorant un chapitre particulier de l’histoire du Québec et un aspect précis de son identité, Snowbirds propose un éclairage personnel sur une culture qui me demeure singulièrement étrangère. Dans ce contexte, l’appareil photo me donne accès à un espace favorisant la compréhension et la collaboration. En montrant ces photographies, je révèle énormément de choses sur mon parcours d’artiste et sur moi. Dans mon travail, je m’applique en effet à créer des œuvres qui offrent une synthèse de mes intérêts : la frontière entre le moi et les autres, l’exploitation d’une esthétique kitsch éclatante et l’exploration visuelle de l’identité et de la culture québécoises par rapport aux miennes
 
Mika Goodfriend

Même si je suis né et que j’ai grandi à Montréal, je ne me suis jamais réellement senti Québécois. Toutefois, je ne me suis jamais, non plus, identifié à la culture juive dans laquelle j’ai été élevé. Dans ma famille, je ressentais une opposition entre le mode de vie juif et la culture québécoise. Une dichotomie entre « nous » et « eux » en découlait. Je percevais des préjugés et un sentiment de supériorité latents, fondés sur des critères intellectualistes et liés à la classe sociale. La géographie des lieux, ma culture et ma langue ainsi que l’idée que je me faisais des Canadiens français limitaient mon exposition à la culture québécoise.

À la fois expérientielle et profondément personnelle, mon approche artistique constitue une recherche d’identité, de sens et d’appartenance. En observant les routines et les espaces d’inconnus, je commence à former la trame de leur vie. Ainsi, dans les efforts que je déploie pour combler les lacunes de ma propre psyché, grâce à eux, en fait, j’apprends. Je cherche continuellement à repousser mes limites et à remettre en cause mes idées sur le monde. En ce sens, mon processus s’apparente à celui d’un explorateur. Je tente de tisser des liens, épiant les moments où je me sentirai accepté, les occasions favorables à la collaboration et à la bonne entente entre les cultures. Peut-être parce que je ne les ai jamais véritablement vécues, les relations et l’intimité exercent sur moi une fascination lancinante. Néanmoins, j’estime que l’absence d’intimité m’a ouvert des perspectives uniques sur le monde et la nature humaine.

Je fais de la photographie pour découvrir ma propre identité, la comprendre et la faire évoluer. L’appareil photo me donne accès à des cultures et à des situations qui me sont tout à fait étrangères. Je montre mon travail et, en même temps, je m’expose. En tant qu’artiste, je m’applique à créer des œuvres qui offrent une synthèse de mes intérêts : la frontière entre le moi et les autres, l’exploitation d’une esthétique kitsch éclatante et l’exploration visuelle de l’identité et de la culture québécoises par rapport aux miennes.

Site de Mika Goodfriend

 

falling through the mirror

Emily Jan/Tammy Salzl

À propos

Dans cette exposition conjointe que monteront Tammy Salzl et Emily Jan, huiles de grandes dimensions et installations sculpturales livreront un récit détaillé sous forme de chroniques du monstrueux.

À l’évidence, l’ambiguïté entourant les histoires de monstres présente un intérêt particulier pour les deux artistes. Le monstrueux – soit tout ce qui est inconciliable avec le statu quo social – relève du domaine inéluctable des anomalies, de l’Autre, de l’inconnu, de l’incompris ou de l’objet de crainte. En tant qu’artistes, Tammy Salzl et Emily Jan se rejoignent dans la sympathie qu’elles éprouvent; toutes deux compatissent et s’identifient avec ce qu’on a relégué à la marge. Pour elles, c’est paradoxalement là que se rencontre le sentiment d’humanité dans sa forme la plus profonde.

 
L’exposition falling through the mirror incarne cet autre monde créé par Tammy Salzl et Emily Jan. Représentant avec force détails des scènes quelque peu macabres à la manière de vignettes, les grandes toiles de Tammy Salzl tapissent les murs et nous cernent. De même, il est impossible d’échapper aux figures zoomorphes fabriquées à la main par Emily Jan. Ainsi, les œuvres favorisent l’immersion, nous conviant à passer de l’autre côté du miroir pour entrer dans un monde dont il est difficile de dire s’il s’agit du nôtre, d’une réalité parallèle, ou des deux à la fois.

Emily Jan

Le temps d’un chuchotement, le merveilleux croise le monstrueux, puis s’en éloigne. Le temps ralentit. Dans son sommeil, le rêveur sent son corps en suspension. Il tombe et flotte entre deux mondes, à la frontière entre l’émerveillement et la terreur. Nous avons tous vécu ces expériences, vite oubliées par nos esprits éveillés. La raison domine depuis longtemps le monde occidental. Toutefois, elle compte peu dans l’expérience humaine et ne laisse aucune place à l’Autre. Mes œuvres récentes portent sur des thèmes qui peuvent être perçus comme féministes ou postcoloniaux. Pourtant, il y est moins question de la relation entre la femme et l’homme ou entre le colonisateur et le colonisé que de l’opposition entre le milieu sauvage et la civilisation. En quelque sorte, elles relancent au visage de soi-disant dompteurs ce récit qu’ils nous imposent violemment dans l’intention de nous dompter, de nous assagir. Comment aborder le milieu sauvage de l’intérieur même de la civilisation? Un problème semblable se pose lorsqu’on veut traiter du sublime à partir d’un réel très émoussé et banal, auquel on ne peut se soustraire que temporairement. Je m’intéresse d’abord et avant tout à cet espace où récits et réalité se chevauchent et se brouillent : la jonction entre le probable et l’improbable, le lieu où les animaux entrent dans le mythique et où les légendes déteignent sur la vie quotidienne. Pour moi, le sublime prend naissance à cet endroit où le connu touche à l’inconnu.

Tammy Salzl

Les histoires que nous nous racontons sur qui nous sommes, qui nous étions et qui nous devenons sont implicites dans mon travail. La manière dont nous nous identifions par rapport à nos congénères, aux autres espèces et à notre environnement me fascine et me trouble.

Je considère les œuvres de ma nouvelle série comme des vignettes, de véritables paraboles tirées d’un livre de contes décrivant une société tordue et chaotique. Ces récits s’inspirent de la vraie vie : environnement moribond, psychologies sociales fragmentées, esprit indomptable, familles éclatées et potentiel illimité. Pour moi, les sujets de ces « instantanés » sont des créatures naïves. Seuls, anxieux, vulnérables, féroces ou forts, blessés, vainqueurs, barbares ou innocents, ils sont les reflets de nos ego versatiles. Par la peinture, j’arrive à créer des mondes fantastiques qui traduisent ma vision de l’humanité. J’explore la zone trouble de l’identité et de la psyché, et je tire sur les fils ténus qui relient la civilisation à la nature. Grâce à l’alchimie picturale, j’épure la culture populaire, la mythologie, l’histoire ainsi que mon propre paysage interne pour construire des récits familiers, mais troublants.

Liens

Site d’ Emily Jan

Site de Tammy Salzl

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