Une vision pour Montréal? Un espoir pour l’espace public!

Espace public, espace privé ? Une métropole culturelle doit avoir une vision diversifiée et démocratique de son espace public. Certaines problématiques pourraient guetter Montréal, tout comme la plupart des métropoles mais, justement, démarquons-nous! 

À Toronto,  qui se targue de son essor culturel, la place publique est souvent tenue par des associations de commerçants qui ne veulent pas d’un art qui met en lumière les problèmes urbains ou mondiaux. Les places publiques sont de moins en moins ombragées car les arbres empêchent de voir les publicités grands formats perchées sur les buildings environnants. Aucun banc de parc à vue mais de belles fontaines que l’on peut allumer certes quand il fait chaud, mais aussi quand des citoyens indésirables osent s’incruster sur le territoire. Souhaitons autre chose pour notre métropole culturelle. Une place véritablement publique, un espace public résolument citoyen.
 
Parlons d’unidimensionnalité. Comme plusieurs artiste, j’ai peur d’une métropole culturelle qui se servirait de nous uniquement comme du monde qu’on engage pour distraire et faire rouler l’économie plutôt que comme des créateurs de sens pour questionner et redéfinir la ville. De plus en plus, nous sommes dans un monde de promoteurs événementiels qui demandent à des firmes de leur concevoir des événements, des programmations. Que devient alors la place des artistes, quel pouvoir veut-on leur concéder… ou pas? Serait-il plus facile de travailler avec ces firmes qui répondent à un appel d’offre balisé d’avance qu’avec des personnes qui remettent en question les schémas établis?
 
En fait, cette façon de percevoir l’espace public pourrait-elle devenir une manière détournée de privatiser ce dernier? L’on s’entend tous que la culture est un extraordinaire moteur économique et loin de nous l’idée de dénigrer ce fait qui est une retombée très positive sur la société. Mais, si la vision d’un style événementiel orienté pour plaire aux touristes se veut la raison principale qui vaut les dollars qu’on veut bien y investir, si le rendement sur investissement est le créneau central recherché, davantage que l’encouragement de la pluralité des pratiques et des voix, alors la créativité des artistes et la liberté d’expression est en jeu tout comme leur pouvoir à être réellement des acteurs de l’espace public.

L’espace public est un espace… public. On se doit de le respecter comme un espace commun et d’agir en citoyen responsable. Par contre, ce n’est pas un privilège de le fréquenter…c’est un droit fondamental. Un balisage strict du portrait événementiel des quartiers finira par tuer la liberté d’expression à Montréal et à faire le contraire des visées voulant faire de Montréal une métropole culturelle audacieuse.

Tout comme l’ensemble des quartiers, le Quartier des Spectacles se doit d’être un facilitateur à l’écoute des forces culturelles en présence tout en étant un injecteur d’idées nouvelles et si manne d’animation il y a, elle devrait profiter aussi à ceux qui travaillent sur ces territoires depuis longtemps et qui font partie de l’écologie naturelle des lieux. C’est une question de préservation des milieux contre la monoculture. Jusqu’à maintenant, il y a une écoute, et bien qu’il y ait des ajustements à apporter et que les artistes de l’espace public doivent être aux premières loges de ces discussions, on sent que la porte est ouverte. À partir de là, tous les espoirs sont permis, mais attention, les milieux précaires (pratiques divergentes, émergentes, politiques) sont fragiles et ont besoin eux aussi d’injection de fond.
 
Bâtissons un Montréal qui facilite la création multiple dans l’espace public sans vouloir la contrôler en monopole au point ou tout finira par se ressembler et à gouter trop sucré. Assurons-nous que les artistes qui l’occupent ne se sentent tels des étrangers en permission sur leur propre terrain de jeu. Donnons-leur à eux aussi les moyens de sortir de leur marginalité, d’aller au bout de leurs rêves, et de devenir des mentors pour une relève avide de s’exprimer. Ayons la confiance que l’impact, s’il n’est pas toujours économique, porte le réel sens d’une métropole culturelle en cela qu’elle fait la part belle à la création et au risque, tout comme à l’accessibilité de ses espaces pour ses acteurs culturels existants et le développement de leurs différents publics. C’est comme cela que l’on devient une société intelligente, une métropole culturelle unique!
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