PASSER LE FLAMBEAU
Après trente années d’existence, la direction de la
revue Parachute a décidé de mettre fin à ses
activités. Nous, soussignés, croyons fermement qu’il
faut réagir à cette décision consternante.
Cofondée en 1975 par France Morin et Chantal
Pontbriand, la revue Parachute a constitué une tribune
bilingue privilégiée pour l’art contemporain. Pendant
de nombreuses années, elle a réussi à faire se côtoyer
les pratiques locales, nationales et internationales,
dans un dialogue unique en son genre. Mettre fin à la
revue serait éteindre ces voix, laisser s’effondrer un
réseau construit au fil des ans et créer un vide dans
le milieu des arts actuels, tant sur la scène locale
qu’internationale.
Nous comprenons qu’après avoir dirigé Parachute
pendant toutes ces années, la direction actuelle
puisse souhaiter passer à autre chose. L’exigence du
mandat ainsi que la constante précarité financière,
qui est le lot généralisé des organismes à but non
lucratif dans le milieu culturel, finissent par user
les esprits les plus déterminés. Cette décision ne
devrait pas entraîner pour autant la disparition de la
revue, cette dernière n’étant pas la propriété
exclusive d’une personne, si déterminante fut-elle
dans le parcours de celle-ci. La revue est le fruit du
travail des petites équipes de production successives
qui l’ont animée ; elle a constamment été portée par
un milieu (artistes, auteurs, galeries, centre
d’artistes, musées. la liste est longue) qui en est la
raison d’être. Surtout, elle a été subventionnée dès
le départ par les contribuables à travers les
instances publiques municipales, provinciales et
fédérales en raison de l’importance que l’on
reconnaissait au mandat qui est le sien, lequel peut
être, à l’instar de celui d’autres institutions, porté
par une nouvelle direction.
C’est pourquoi nous croyons que le temps est venu de
demander à la direction actuelle de passer le flambeau
tout en lui disant merci pour les années qu’elle a
consacrées à la revue.
Ce faisant, et avec l’appui du conseil
d’administration seul décideur en cette matière, une
nouvelle direction pourrait ainsi s’attaquer au
nécessaire redressement financier, réaffirmer la ligne
éditoriale de Parachute, consolider les bases d’une
collaboration entre le milieu local et le milieu
international, et assurer son développement tant au
plan artistique qu’administratif; en somme, lui
insuffler une impulsion nouvelle.
Il faut impérativement rassembler nos voix pour
assurer la survie de Parachute!
Johanne Lamoureux, Professeure en histoire de l’art,
Université de Montréal
Thérèse St-Gelais, Professeure en histoire de l’art,
Université du Québec à Montréal
Marie-Ève Charron, Historienne de l’art/critique d’art
Eduardo Ralickas, doctorant en Histoire de l’art
Svp, faites circuler dans vos réseaux//Faites part de
votre appui, commentaires et suggestions au courriel
passezleflambeau@yahoo.ca
Le Devoir, les samedi 2 et dimanche 3 décembre 2006
“Parachute fermé” : chronique d’une mort annoncée
Le milieu culturel de l’art contemporain a appris avec consternation la suspension de la publication de la revue d’art contemporain PARACHUTE, le 21 novembre dans le journal Le Devoir. Stéphane Baillargeon titrait son article Parachute fermé, non pas Parachute ferme, formule moins lapidaire qui aurait sans doute pu faire briller quelque lueur d’espoir quant à la possibilité d’un changement dans le cours des opérations. Oeuvrant depuis presque 15 ans dans un organisme culturel subventionné et reconnu par les conseils (le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts de Montréal), comment peut-on en arriver à fermer une institution culturelle et publique telle que PARACHUTE. Je me pose ces questions. Comment peut-on interrompre des activités en émettant un communiqué où tous et chacun se retrouvent devant un fait accompli, sans aucun droit de parole. Comment peut-on cesser les activités d’un organisme public sans devoir les rétrocéder à un autre organisme qui a un mandat similaire de façon à ce que le financement ne se perde pas? Pourquoi donner l’impression de briguer ainsi une réputation bien établie et enviée par d’autres organismes culturels au Québec et au Canada alors que le débat est effectivement ailleurs et concerne le sous-financement de la culture en général et le manque flagrant d’intérêt de la part de nos élus et du public?
Le plafonnement d’organismes culturels essentiels à notre rayonnement (et qui ont été des pionniers dans ce domaine) tel que PARACHUTE, dont la subvention n’a pas été augmentée depuis 7 ans – la revue pourtant la plus en vue sur la scène internationale – laisse perplexe quant à la qualité et à la rigueur dont fait preuve le comité rédactionnel. Ceci peut expliquer en partie ce retrait momentané de la part de la direction. Cependant, il n’est pas circonstanciel à une relève qui, contrairement à ce qui a été dit et écrit est belle et bien présente dans le milieu.
Dans l’entrevue qu’elle accordait au Devoir, Chantal Pontbriand, directrice de la revue, disait que si elle n’avait pas réussi avec sa grande expérience et ses contacts à rétablir la situation, comment une autre équipe pouvait-elle prendre la relève dans le contexte financier actuel. Il est surprenant de lire qu’un contexte financier, à lui seul, peut limiter d’envisager de penser à une relève. Habituellement, les grandes entreprises et institutions culturelles optent pour perdurer en léguant leurs actifs et leurs passifs à des générations futures.
Vraisemblablement, ce n’est pas le choix du conseil d’administration de Parachute et de sa directrice qui retirent un bien public, un savoir de la sphère publique comme s’il s’agissait d’un bien privé. À cet effet, l’annonce de la suspension de la publication peut faire songer aussi à l’argumentaire de plusieurs grandes entreprises qui ferment des unités par manque de rentabilité mais le plus souvent, en raison de la compétitivité des marchés auxquels ils doivent s’adapter. Ceci permet d’expliquer aux membres et collaborateurs la nécessité de la fermeture de leurs activités dans un secteur particulier de production, par exemple. Les sections économiques des journaux font régulièrement état de ces changements de direction qui affectent des emplois. Bien sûr, il est rare de retrouver ce discours en art contemporain de la part de la direction d’un imprimé. Effectivement, une revue n’est pas uniquement le support d’une pensée critique, c’est aussi un objet de consommation.
En “sonnant le glas” ainsi (formule utilisée par la directrice dans l’éditorial du dernier numéro), le conseil d’administration et la direction de PARACHUTE privent les artistes et les auteurs d’ici de même que les musées, les galeristes et les centres d’artistes d’une tribune exceptionnelle à l’étranger. Je suis certaine que la directrice est bien au fait du vide irremplaçable que ce retrait provoquera dans la communauté artistique immédiate. Je suis aussi très consternée par ce repli qui s’ajoute à d’autres démissions dans le milieu. Enfin, j’espère ardemment que des actions seront entreprises par le milieu et tous ceux qui sont concernés, pour faire en sorte que PARACHUTE demeure un bien d’intérêt public.
Marie-Josée Lafortune
Directrice
Optica, un centre d’art contemporain
http://www.ledevoir.com/2006/12/05/124187.html
PASSER LE FLAMBEAU
Après trente années d’existence, la direction de la
revue Parachute a décidé de mettre fin à ses
activités. Nous, soussignés, croyons fermement qu’il
faut réagir à cette décision consternante.
Cofondée en 1975 par France Morin et Chantal
Pontbriand, la revue Parachute a constitué une tribune
bilingue privilégiée pour l’art contemporain. Pendant
de nombreuses années, elle a réussi à faire se côtoyer
les pratiques locales, nationales et internationales,
dans un dialogue unique en son genre. Mettre fin à la
revue serait éteindre ces voix, laisser s’effondrer un
réseau construit au fil des ans et créer un vide dans
le milieu des arts actuels, tant sur la scène locale
qu’internationale.
Nous comprenons qu’après avoir dirigé Parachute
pendant toutes ces années, la direction actuelle
puisse souhaiter passer à autre chose. L’exigence du
mandat ainsi que la constante précarité financière,
qui est le lot généralisé des organismes à but non
lucratif dans le milieu culturel, finissent par user
les esprits les plus déterminés. Cette décision ne
devrait pas entraîner pour autant la disparition de la
revue, cette dernière n’étant pas la propriété
exclusive d’une personne, si déterminante fut-elle
dans le parcours de celle-ci. La revue est le fruit du
travail des petites équipes de production successives
qui l’ont animée ; elle a constamment été portée par
un milieu (artistes, auteurs, galeries, centre
d’artistes, musées. la liste est longue) qui en est la
raison d’être. Surtout, elle a été subventionnée dès
le départ par les contribuables à travers les
instances publiques municipales, provinciales et
fédérales en raison de l’importance que l’on
reconnaissait au mandat qui est le sien, lequel peut
être, à l’instar de celui d’autres institutions, porté
par une nouvelle direction.
C’est pourquoi nous croyons que le temps est venu de
demander à la direction actuelle de passer le flambeau
tout en lui disant merci pour les années qu’elle a
consacrées à la revue.
Ce faisant, et avec l’appui du conseil
d’administration seul décideur en cette matière, une
nouvelle direction pourrait ainsi s’attaquer au
nécessaire redressement financier, réaffirmer la ligne
éditoriale de Parachute, consolider les bases d’une
collaboration entre le milieu local et le milieu
international, et assurer son développement tant au
plan artistique qu’administratif; en somme, lui
insuffler une impulsion nouvelle.
Il faut impérativement rassembler nos voix pour
assurer la survie de Parachute!
Johanne Lamoureux, Professeure en histoire de l’art,
Université de Montréal
Thérèse St-Gelais, Professeure en histoire de l’art,
Université du Québec à Montréal
Marie-Ève Charron, Historienne de l’art/critique d’art
Eduardo Ralickas, doctorant en Histoire de l’art
Svp, faites circuler dans vos réseaux//Faites part de
votre appui, commentaires et suggestions au courriel
passezleflambeau@yahoo.ca
Le Devoir, les samedi 2 et dimanche 3 décembre 2006
“Parachute fermé” : chronique d’une mort annoncée
Le milieu culturel de l’art contemporain a appris avec consternation la suspension de la publication de la revue d’art contemporain PARACHUTE, le 21 novembre dans le journal Le Devoir. Stéphane Baillargeon titrait son article Parachute fermé, non pas Parachute ferme, formule moins lapidaire qui aurait sans doute pu faire briller quelque lueur d’espoir quant à la possibilité d’un changement dans le cours des opérations. Oeuvrant depuis presque 15 ans dans un organisme culturel subventionné et reconnu par les conseils (le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts de Montréal), comment peut-on en arriver à fermer une institution culturelle et publique telle que PARACHUTE. Je me pose ces questions. Comment peut-on interrompre des activités en émettant un communiqué où tous et chacun se retrouvent devant un fait accompli, sans aucun droit de parole. Comment peut-on cesser les activités d’un organisme public sans devoir les rétrocéder à un autre organisme qui a un mandat similaire de façon à ce que le financement ne se perde pas? Pourquoi donner l’impression de briguer ainsi une réputation bien établie et enviée par d’autres organismes culturels au Québec et au Canada alors que le débat est effectivement ailleurs et concerne le sous-financement de la culture en général et le manque flagrant d’intérêt de la part de nos élus et du public?
Le plafonnement d’organismes culturels essentiels à notre rayonnement (et qui ont été des pionniers dans ce domaine) tel que PARACHUTE, dont la subvention n’a pas été augmentée depuis 7 ans – la revue pourtant la plus en vue sur la scène internationale – laisse perplexe quant à la qualité et à la rigueur dont fait preuve le comité rédactionnel. Ceci peut expliquer en partie ce retrait momentané de la part de la direction. Cependant, il n’est pas circonstanciel à une relève qui, contrairement à ce qui a été dit et écrit est belle et bien présente dans le milieu.
Dans l’entrevue qu’elle accordait au Devoir, Chantal Pontbriand, directrice de la revue, disait que si elle n’avait pas réussi avec sa grande expérience et ses contacts à rétablir la situation, comment une autre équipe pouvait-elle prendre la relève dans le contexte financier actuel. Il est surprenant de lire qu’un contexte financier, à lui seul, peut limiter d’envisager de penser à une relève. Habituellement, les grandes entreprises et institutions culturelles optent pour perdurer en léguant leurs actifs et leurs passifs à des générations futures.
Vraisemblablement, ce n’est pas le choix du conseil d’administration de Parachute et de sa directrice qui retirent un bien public, un savoir de la sphère publique comme s’il s’agissait d’un bien privé. À cet effet, l’annonce de la suspension de la publication peut faire songer aussi à l’argumentaire de plusieurs grandes entreprises qui ferment des unités par manque de rentabilité mais le plus souvent, en raison de la compétitivité des marchés auxquels ils doivent s’adapter. Ceci permet d’expliquer aux membres et collaborateurs la nécessité de la fermeture de leurs activités dans un secteur particulier de production, par exemple. Les sections économiques des journaux font régulièrement état de ces changements de direction qui affectent des emplois. Bien sûr, il est rare de retrouver ce discours en art contemporain de la part de la direction d’un imprimé. Effectivement, une revue n’est pas uniquement le support d’une pensée critique, c’est aussi un objet de consommation.
En “sonnant le glas” ainsi (formule utilisée par la directrice dans l’éditorial du dernier numéro), le conseil d’administration et la direction de PARACHUTE privent les artistes et les auteurs d’ici de même que les musées, les galeristes et les centres d’artistes d’une tribune exceptionnelle à l’étranger. Je suis certaine que la directrice est bien au fait du vide irremplaçable que ce retrait provoquera dans la communauté artistique immédiate. Je suis aussi très consternée par ce repli qui s’ajoute à d’autres démissions dans le milieu. Enfin, j’espère ardemment que des actions seront entreprises par le milieu et tous ceux qui sont concernés, pour faire en sorte que PARACHUTE demeure un bien d’intérêt public.
Marie-Josée Lafortune
Directrice
Optica, un centre d’art contemporain
http://www.ledevoir.com/2006/12/05/124187.html