Une lettre du RCAAQ sur les commentaires de certains médias concernant l’oeuvre de César Saëz

Une banane dans le ciel médiatique de Montréal

Depuis quelques jours, l’on assiste à une véritable tempête médiatique qui retient l’attention de plusieurs tribunes. Ce n’est pas la nouvelle en soi qui crée un tel remous mais les bourses au mérite artistique que les jurys de pairs du Conseil des Arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec ont octroyé à l’artiste César Saëz pour son projet intitulé : » Banane géostationnaire au-dessus du Texas «. À l’origine de toute cette presse, il s’agit d’un dirigeable en forme de fruit dont l’on discute la pertinence sous toutes ses coutures. La nouvelle de cette banane volante en partance du Mexique et survolant l’état du Texas à l’été 2008 a déjà fait le tour de la planète grâce à la rapidité de propagation des médias électroniques. Ceux-ci l’ont en général traitée comme une curiosité dont on surveillera massivement l’évolution dans le ciel américain. À l’opposé, le traitement, dont certains médias montréalais ont fait part à leur lectorat et à leur auditoire, a démontré la difficulté de dépasser le sarcasme voire le mépris lorsque l’on parle d’art et surtout, la difficulté de présenter objectivement un projet artistique qui n’a rien de révolutionnaire et qui opte au contraire pour le ludique.

Ce qui semble choquer cette presse, c’est la conception de la culture telle qu’elle est défendue par nos institutions publiques, lorsqu’elles ont à cœur le développement de la recherche et de la pratique artistique. L’argument des fonds publics est le premier invoqué lorsque l’on se retrouve face à une production singulière. Il dénote de la part de ses détracteurs leur méconnaissance du processus d’attribution au mérite comme modèle qui a fait ses preuves ici comme à l’étranger. À les entendre, l’on se demande si les artistes contemporains devraient se limiter à des lieux communs et se cantonner à des formes d’expression connues. Pourquoi devraient-ils renoncer à emballer le Pont-Neuf à l’exemple de Christo, ou réaliser des projections sur des façades d’édifices, à utiliser les satellites de communication ou l’Internet comme espace de diffusion? Car telle est la nature du projet de César Saëz, qui s’intéresse à d’autres formes d’art public et supports de diffusion.

Ce dernier n’a pas seulement retenu l’attention de jurys de pairs. Des membres de la communauté scientifique se sont aussi intéressés à son projet qui leur offre des défis techniques passionnants dans le domaine de l’aéronautique. Le site de l’artiste fort bien documenté montre le sérieux de sa démarche et fait valoir les questions d’éthique rattachées au projet. Dans le même esprit, soulignons que les conseils des arts sont réputés pour la gestion exemplaire des fonds que l’État leur confie. Leurs frais d’administration ne dépassent pas les 8%; ils distribuent un nombre important de bourses aux artistes et des subventions aux organismes professionnels à travers tout le pays en fonction de programmes constamment réévalués selon les pratiques artistiques. Les rapports financiers annuels des conseils démontrent à quel point les consultations auprès du milieu sont primordiales afin que leurs mandats reflètent la diversité de la recherche et de la production artistique contemporaine. C’est ainsi que les conseils peuvent être à la fine pointe de ce qui se passe au moment présent. C’est ce qu’ont reconnu les jurys de pairs à tour de rôle dans la pratique artistique de César Saëz. C’est ce qu’il faut continuer d’encourager comme modèle afin de s’assurer du rayonnement des arts dans notre quotidien, ici et à l’étranger.

Bastien Gilbert
Directeur général

Marie-Josée Lafortune
Présidente du conseil d’administration

Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec

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