Un bilan par le Mouvement pour les arts et les lettres des quatre années de Line Beauchamp à la tête du ministère de la Culture et des Communications

Rendre à César…

Eh bien, oui : une autre année a pris fin. Et tandis que l’imminence d’élections au fédéral comme au provincial s’impose avec un caractère de plus en plus inéluctable, l’heure est au bilan. Dans l’arène politique québécoise, le Mouvement pour les arts et les lettres s’intéresse plus particulièrement au legs de la ministre de la Culture et des Communications, Mme Line Beauchamp, qui a été l’interlocutrice privilégiée des artistes, travailleuses et travailleurs culturels au cours des dernières années. Puisqu’il faut rendre à César ce qui lui revient, reconnaissons d’entrée de jeu que ce n’est pas rien, quatre ans à la tête de ce ministère dont on ne cesse de nous répéter qu’il est au cœur des priorités du gouvernement du Québec – même si les récentes administrations ne lui ont guère donné les moyens de concrétiser ce credo. Ce n’est pas rien, quatre ans, quand on songe au nombre de titulaires qui se sont succédées à la tête de ce ministère pour de trop brefs mandats. C’est déjà le gage d’une stabilité et la possibilité de mettre en œuvre une véritable politique culturelle.

S’il faut en croire un Pierre Foglia, « la ministre actuelle de la Culture du gouvernement très à droite de M. Charest a fait plus pour la culture en moins d’un mandat que les péquistes de M. Landry et ceux de M. Bouchard » (La Presse, 9 décembre 2006). De cela, le Mouvement pour les arts et les lettres convient avec d’autant plus de bonne foi que la longévité de Mme Beauchamp garantissait cette possibilité. Et si « faire plus » doit être compris dans le sens d’amener davantage d’eau au moulin, davantage de revenus aux artistes, travailleurs et travailleurs culturels, à leurs partenaires diffuseurs, le Mouvement pour les arts et les lettres reconnaît que Line Beauchamp a fait mieux que ses prédécesseurs.

Depuis des lustres, le Mouvement réclame l’augmentation à 90 M$ du budget du Conseil des Arts et des lettres (CALQ), l’une des principales sources de financement public de la communauté artistique. Parlons peu mais bien. Ces dernières années, le Conseil a vu ses crédits augmenter de 950 000$ en 2004-2005, de 350 000$ en 2005-2006. Pour 2006-2007, on a annoncé de mesures compensatoires pour le désastreux boycott des activités culturelles dans le milieu scolaire de l’ordre de 1,75 M$, dont 350 000$ versés directement aux artistes et le reste aux organismes. On a parlé aussi d’une injection de 5 M$ supplémentaires dans le fameux Placement Culture, même si le programme est loin de faire l’unanimité, d’une autre de 500 000$ pour la scène Québec à Ottawa. On a parlé enfin d’un investissement additionnel d’environ 1,8 M$ sur trois ans, dont 450 000$ cette année, pour accroître le rayonnement international de notre culture – une annonce réjouissante qui fait presque oublier les coupes à blanc effectuées dans le budget de la diplomatie culturelle canadienne par le gouvernement Harper.

Des 72 M$ dont il disposait avant l’arrivée au pouvoir des troupes de Jean Charest, le budget du CALQ est passé à environ 81 M$. Si on prend en considération les 10 M$ injectés à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et dédiés à l’industrie du cinéma, somme qui aura des effets secondaires certains (mais pas structurants à long terme) sur la vie des artistes, travailleuses et travailleurs culturels réunis sous la bannière du Mouvement, si on pense aux investissements en immobilisation pour des infrastructures telles que le Théâtre Quat’Sous à Montréal ou le Palais Montcalm à Québec, aux nouveaux programmes dédiés aux musées et à la protection du patrimoine, on doit reconnaître que les réalisations accomplies par Mme Beauchamp ne sont pas négligeables.

Mais puisqu’il faut ajouter un bémol, le Mouvement doit déplorer que ces crédits supplémentaires aient toujours été octroyés sur le mode non-récurrent, en réponse à des crises ponctuelles. Pour que la politique culturelle du gouvernement québécois passe « de rempart à tremplin », ainsi que le voulait le programme électoral que défendait Line Beauchamp avant sa nomination au Ministère, il aurait fallu casser les réflexes de la gestion au jour le jour, investir des fonds récurrents, systématiser une vision à long terme. Il aurait fallu réaffirmer hors de tout doute que la préservation et le développement de la culture font partie d’une mission essentielle pour laquelle l’État doit se donner les moyens adéquats, sans rêver à d’hypothétiques partenariats avec le secteur privé pas toujours compatibles avec les intérêts des créateurs et créatrices.

Bref, il aurait fallu faire montre de davantage de vision. Et tout en applaudissant chaleureusement les réalisations de Mme Beauchamp, le Mouvement pour les arts et les lettres tient à adresser ce message à celui ou celle qui lui succédera éventuellement : serons-nous témoins, dans le prochains mois, d’un engagement politique ferme à l’égard d’un financement à long terme de la culture ?

Stanley Péan
Écrivain et président de l’UNEQ
Au nom du Mouvement pour les arts et les lettres

Le Mouvement pour les arts et les lettres regroupe huit organisations nationales du secteur des arts et des lettres (le Conseil québécois du théâtre, le Conseil québécois de la musique, le Conseil des métiers d’art du Québec, le Conseil québécois des arts médiatiques, le Regroupement québécois de la danse, l’Union des écrivaines et écrivains québécois, le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec, En piste, le regroupement national des arts du cirque) ainsi que les conseils régionaux de la culture de l’Estrie, de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Montérégie, du Saguenay, de la Mauricie, du Centre du Québec, de l’Outaouais, des Laurentides, de Lanaudière, du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord, de la Gaspésie et de la région de Québec.

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