Raccords 1975, vernissage le mercredi 16 novembre à 17h30 à Artexte

RACCORDS 1975
À partir des collections de Vidéographe et d’Artexte

Raccords 1975 est une conversation de type appel et réponse entre deux collections. Cette combinaison de documents vidéo et imprimés sélectionnés dans les collections de Vidéographe et d’Artexte adopte 1975 comme année critique où le rôle de l’artiste et sa valeur pour la société sont revisités et redéfinis. Les actions, mots et voix de personnes œuvrant en arts visuels à Montréal pendant les années 1970 sont les points de contact entre les documents produits lors de cette période catalytique. Les documents assemblés rendent compte du discours d’une communauté en crise et permettent de faire ressortir certaines réalités encore méconnues.

De nombreux centres d’artistes autogérés ont vu le jour entre 1970 et 1980. Beaucoup de ces nouveaux lieux d’exposition et de création ont été conçus en fonction des intérêts et besoins d’une nouvelle génération d’artistes, de conservateurs et d’administrateurs qui jugeaient primordiales la décentralisation et l’amélioration de l’accès aux arts visuels. Une poussée nationale vers l’autogestion est devenue la base d’une nouvelle forme de gouvernance dans ces organismes artistiques, qui, paradoxalement, fonctionnaient en grande partie grâce à un financement du Conseil des arts du Canada, et plus tard, des conseils des arts provinciaux. Bien que la dépendance aux fonds publics ait été critiquée par sa négation de facto de l’atteinte de l’autonomie, les centres d’artistes autogérés, au nombre de 29 au pays en 1975, ont joué un rôle essentiel dans la redéfinition de ce que pouvait et devait être une institution artistique.

Métaphoriquement, la formation de Vidéographe en 1971 et d’Artexte en 1981 ouvre et clôt la décennie. Vidéographe, le premier centre d’artiste autogéré spécialisé en vidéo au Canada, a été créé par des vidéastes pour des vidéastes dans le but de démocratiser la production et la diffusion d’un média alors relativement nouveau. Au début, l’objectif était essentiellement de donner la parole à des individus et communautés marginalisés et de rendre compte des visions et activités de la contre-culture. Les documentaristes – et plus tard dans les années 1970, les artistes vidéo – et leurs publics respectifs gravitaient autour de cette institution pivot pour avoir accès à l’équipement, à des projections publiques et à des services de diffusion.

Artexte, fondé par deux artistes et une historienne de l’art, répondait au besoin de faire circuler à l’échelle locale, nationale et internationale des informations écrites sur l’art contemporain. Les activités d’éditeur et de distributeur de livres d’Artexte appuyaient le travail d’artistes, de chercheurs et d’auteurs, et la librairie est devenue un lieu de lecture libre et de discussions sur les ouvrages d’art les plus récents. Comme Vidéographe, ses installations physiques étaient un point de rencontre, de découvertes et de discours sur l’art. Au fil du temps, les deux centres ont recueilli des collections de documents audiovisuels et textuels donnés par les membres de leur communauté ou acquis pour soutenir la production artistique. C’est ainsi que les deux organismes ont fini par acquérir une réflexivité concernant leur rôle de dépositaires de l’histoire de leurs communautés.

Raccords 1975 constitue le premier assemblage collaboratif et expérimental de documents entre Vidéographe et Artexte, et se veut un point de départ pour étudier les nombreuses harmonisations et corrélations discursives possibles entre ces deux collections. Dans le cadre de cet échange, tous les éléments ont été choisis pour leur pertinence dans la reformulation de la relation entre l’artiste, d’une part, puis le public et l’institution artistique d’autre part. Parmi les imprimés, on trouvera certains documents éphémères, correspondances, notes de travail et entrevues du conservateur, historien et critique d’art montréalais Normand Thériault, qui a fait don de ses archives personnelles à Artexte. L’exposition Québec 75, qu’il a organisée, est un point de convergence qui relie les documents vidéo et imprimés à travers une relecture des débats et conférences publics tenus dans le cadre de l’exposition, offrant à l’époque un forum essentiel pour une discussion ouverte. Des éléments choisis dans le fonds d’archives Normand Thériault se mêlent à d’autres de la collection d’Artexte et traitent des nombreuses questions essentielles posées par les contributions de Thériault aux arts visuels à Montréal.

Le film projeté est un montage d’extraits de vidéos tirées de la collection de Vidéographe, inspiré par la proposition fascinante et inhabituelle de Québec 75, document vidéo complexe réalisé par le groupe Télécap (André Gariépy, Pierre Éric Lapalme et Serge Brassard). Ce dernier rassemble des images d’événements militants politiques et culturels qui ont eu lieu à Montréal entre 1968 et 1975. Il expose une constellation d’événements charnières, y compris l’occupation de l’École des beaux-arts de Montréal en 1968 par les étudiants (qui a mené à la fondation de l’UQAM en 1969), des séquences de performances de l’Opération Déclic en 1968, des images de la crise d’Octobre en 1970 et des segments des conversations publiques organisées dans le cadre de l’exposition éponyme.

Les séquences sur les débats entourant l’exposition Québec 75 sont remarquables par l’absence presque complète de voix de femmes, à l’exception de celle de Fernande Saint-Martin, l’ex-directrice du Musée d’art contemporain de Montréal. Cette éclipse dans la version filmée des événements est particulièrement criante quand on la compare à l’abondance de documents textuels et sonores attestant de la présence de nombreuses femmes à ces discussions et au fait que dans le Montréal des années 1970, les femmes étaient plus nombreuses que jamais à administrer des centres d’art et à participer à des expositions. Afin de souligner cette absence et d’y réagir, nous avons remonté le film Québec 75 en y ajoutant des éléments de la série vidéo Télé-visite au Musée, conçue et réalisée pour la télévision de l’UQAM – mais jamais diffusée – par l’historienne de l’art et féministe Rose-Marie Arbour. Dans cette série, le rôle de l’institution artistique, le musée en particulier, faisait l’objet de discussions avec des invités choisis par Arbour. La fusion de ces deux sources vidéo, bien qu’expérimentale, se veut aussi un acte de réparation afin d’inclure les vues pertinentes des femmes qui manquent au film Québec 75.

 

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