Pascal Gingras et Julie Lequin, vernissage le jeudi 8 mai à 20h à Clark

Pascal Gingras | AKA : FJ/VOLUME DOUX, ANTI ONTO CHACHACHA – FANTOMATICA
En continuité avec le projet La Joconde présenté à L’Œil de poisson en 2011, Pascal Gingras traite de la peinture et du dessin par l’intermédiaire de l’objet sculptural. Avec Anti-onto chachacha, l’artiste puise dans un vocabulaire riche en codes pour tenter de brouiller la spécificité des médiums. Il crée des sculptures, mais en empruntant la spontanéité du geste au dessin, et la couleur et la matière à la peinture. Ses objets se déploient dans la salle tels des dessins dans l’espace. La ligne y est donc importante, les surfaces et les rapports d’échelle entre les éléments s’entremêlent, et les matériaux industriels font en sorte que ses sculptures se rapprochent de la construction. Ainsi, plâtre et couleurs s’accrochent à des structures d’acier, qui disparaissent en partie sous cet ajout de matière. Dans sa recherche pour créer spontanément en sculpture, l’artiste utilise également le polyuréthane. Ce matériau polyvalent, coloré et spongieux est moulé en plusieurs copies qui lui permettent de créer directement des lignes dans l’espace. Les formes qui en résultent sont consciemment choisies par l’artiste en fonction de leur potentiel à brouiller les signes. Une forme peut ainsi faire émerger des références à des objets ou à des images, mais l’artiste s’amuse alors à annuler toute possibilité d’interprétation par l’ajout d’autres éléments. Pascal Gingras propose une esthétique de l’informe qui interroge le visiteur sur la nature même de ces objets qui tentent de s’affranchir de leur matière mais qui ne sont, en réalité, que matière. Cet entre-deux de la sculpture, qui mène vers une tension entre matérialité et immatérialité, est le point d’ancrage de cette démarche. Pascal Gingras cherche à créer une impasse dans notre perception par différentes approches formelles de la sculpture. De plus, l’artiste a recours à des effets optiques qui viennent brouiller la perception de la réalité. Une ouverture dans un des murs de la grande salle fait apparaître une présence fantomatique, proche de l’hologramme. Gingras crée ainsi une illusion de profondeur. L’artiste laisse en suspens ce qui est vrai et ce qui est faux. La réalité devient ainsi fragmentée, et l’expérience du dispositif dépend de l’orientation des formes dans l’espace et est intimement liée au déplacement du visiteur dans cet environnement installatif.
Manon Tourigny

 

 

Julie Lequin | la foire
Combinant dessins à l’aquarelle, objets et vidéos dans un dispositif qui ressemble à un bric-à-brac, la pratique de Julie Lequin flirte avec le mouvement D.I.Y. (do-it-yourself), proche de l’artisanat. Elle fabrique tous ses décors, accessoires et costumes avec des matériaux simples : feutrine, papier mâché, tissu, laine, etc. L’artiste convie le visiteur dans un univers coloré qui illustre sa vie.

Avec La foire, elle mène une sorte d’enquête personnelle sur les possibilités d’emploi qui s’offrent à elle en tant qu’artiste professionnelle, dans un contexte où le milieu traditionnel de l’emploi est plus ou moins adapté aux compétences qu’elle a acquises au cours de ses études universitaires. Par l’usage de l’autobiographie, l’artiste partage une partie de sa vie avec le public. Dans cette exposition, elle s’intéresse à la perception et à la subjectivité qui déterminent ses rapports avec les autres quand il est question de se trouver un emploi, même dans un domaine connexe à sa pratique artistique. C’est ce qu’elle met habilement en scène dans ses vidéos Job Interview 1 et 2. Au fil d’un récit qui oscille entre la réalité et la fiction, elle révèle avec humour les difficultés, idées préconçues et situations aberrantes rencontrées lors d’entrevues. L’artiste y joue tous les rôles et emprunte la voix de ses amies et amis pour recréer des mises en situation qu’elle a grossies pour en démontrer le ridicule. Les objets et décors utilisés dans ses vidéos sont disposés dans la salle d’exposition de sorte que le visiteur se trouve lui aussi partie prenante de l’œuvre et peut se projeter dans cet univers. Par ce foisonnement d’éléments, le visiteur est métaphoriquement convié à déambuler dans le cirque de la recherche d’emploi, tout en accédant à un environnement proche de l’atelier de l’artiste.

Sans tomber dans le narcissisme, le travail de Julie Lequin sert plutôt de catalyseur pour mieux comprendre les mécanismes qui existent dans ce genre de situation. Par la création de dialogues tirés de faits vécus et d’objets qui font référence à son quotidien, elle se met en scène pour parler de sa condition d’artiste sans tomber dans le pathos.
Manon Tourigny

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