Nouvelle lettre du comité de suivi du Musée d’art contemporain de Montréal

Musée d’art contemporain de Montréal. Encore un effort, svp !
Le 4 juillet 2009, les médias publiaient ou se faisaient l’écho d’une lettre ouverte signée par 67 personnes du milieu des arts visuels (artistes, commissaires, universitaires, critiques, galeristes, travailleurs culturels …), adressée au conseil d’administration du Musée d’art contemporain de Montréal (MACM) avec copie à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCCFQ). Le but de cette démarche était de souligner des incongruités dans le processus de sélection pour le poste de direction générale du Musée. Elle pointait également plusieurs problèmes ayant trait à la gouvernance du MACM, à sa vision à moyen et long terme et à son leadership dans la promotion de l’art contemporain aux plans local et international. La surprise et la déception s’exprimaient alors spontanément sur ce qui semblait être une occasion manquée de renouveler la vision du Musée qui stagnait depuis trop longtemps et envers lequel le capital de sympathie et de patience était à découvert. Où en sommes-nous, un an après ce premier envoi et comment la situation du MACM a-t-elle évolué depuis ?

La lettre eut, selon les positions occupées, divers effets qui se sont partagés entre l’enthousiasme, le silence et la dénégation. Après la publication de la missive, le nombre de signataires a rapidement doublé (119 au total), mais il ne s’est trouvé aucune voix provenant du milieu des arts visuels, hormis certains médias, pour prendre la défense du Musée sur la place publique. Quant à la direction du Musée, elle adopta une position de prudence, niant les problèmes cités, tout en acceptant cependant d’écouter les propositions.

À la suite de cette première intervention, la journée d’étude LE MACM EN QUESTION fut organisée le 13 novembre 2009 à la Société des arts technologiques (SAT). Y participèrent 175 personnes, issues de toutes les générations qui représentaient la diversité du champ de l’art contemporain et s’étaient déplacées de partout au Québec. Réunies afin d’approfondir les enjeux soulevés dans la lettre de juillet, toutes se sont entendues pour dire que le Musée se trouve depuis trop longtemps isolé de la communauté des producteurs et des diffuseurs de l’art contemporain et de ses publics, et que la collaboration et l’ouverture sont urgentes et nécessaires à son meilleur fonctionnement. Bref, c’est la culture de l’entreprise, l’esprit qui anime le Musée qu’il faut transformer. À l’issue de la journée, un comité de suivi composé de 8 personnes fut formé et un rapport* substantiel fut déposé, le 16 décembre 2009, au Musée et au MCCCFQ. Des rencontres eurent lieu entre des délégués de ce comité et le président, des membres du conseil d’administration et l’équipe de direction du Musée, mais également avec la conseillère politique responsable du dossier des musées au ministère. Toutes ces discussions eurent lieu au cours de l’hiver et du printemps 2010.

Pendant ce temps, la nouvelle directrice a posé plusieurs gestes dont il faut reconnaître qu’ils vont dans le sens des demandes soumises dans toutes nos communications, même si l’on affirme de son côté qu’ils étaient déjà prévus. On pense ici à la remise sur pied du comité de programmation; à la nomination d’une conservatrice en chef possédant une vaste expérience de terrain en art contemporain; à l’annonce de l’engagement de commissaires extérieurs, invités à préparer un projet spécifique; à une programmation axée sur des sujets soulevés en art actuel et moins tournée vers la célébration d’un artiste; à la mise en place de partenariats pour la production de ses expositions; à des programmes publics organisés avec d’autres structures et à une offre accrue d’activités scientifiques. Toutes ces avenues sont autant de bonnes nouvelles dans ce vaste chantier de réformes structurelles, nécessaires pour permettre au Musée de jouer pleinement son rôle de diffusion de l’art du Québec, ici et à l’étranger. Le comité de suivi LE MACM EN QUESTION prend acte, félicite la direction et poursuit sa veille.

Un point, entre autres, absolument crucial, ne semble pas encore avoir trouvé écho auprès de nos interlocuteurs : celui de la gouvernance de l’institution. Le noeud dans l’évolution des changements nécessaires réside en effet dans la représentativité du conseil d’administration et sa capacité de réagir aux défis que pose le MACM.

Un certain nombre d’entraves empêchent le conseil actuel d’assumer ses fonctions visant l’orientation du Musée et son bon fonctionnement. Si le conseil met progressivement en place des mesures permettant de régulariser la durée des mandats des administrateurs, il demeure que leur trop grand nombre (la loi en prévoit 9 et le Musée en compte maintenant 15), leurs différents statuts, leur faible capacité à dynamiser l’institution, de même que l’homogénéité de leur provenance professionnelle et ethnoculturelle constituent des problèmes importants et non reconnus face à la lettre et à l’esprit de la Loi sur les musées nationaux. Cette situation a des répercussions directes sur le rythme de travail du conseil et le contenu de ses décisions, alors qu’il doit être prompt à s’adapter aux changements sociaux en raison même de la nature de l’institution « contemporaine » dont il est le fiduciaire. L’état actuel des choses représente donc un risque tant pour la bonne conduite des affaires du MACM que pour la mise à jour diligente de sa mission, en particulier face à sa collection d’art moderne.

Alors que la société et la culture sont en constante mutation, la délégation entière des orientations artistiques et muséologiques à la direction par le conseil d’administration, qui ne comprend aucun expert en muséologie de l’art contemporain malgré l’inscription de ce critère dans la Loi, nuit à l’indépendance du conseil face à la direction, à sa capacité d’évaluation du rendement global de l’institution et affaiblit l’orientation du Musée.

Nous attendons donc maintenant que le conseil d’administration et le ministère réforment le processus de nomination et d’évaluation des membres du conseil afin d’assurer leur représentativité et leur implication. La présence de personnes plus au fait des différentes fonctions du Musée est une clé dans le succès du MACM, institution essentielle à la définition et à l’interprétation de la culture au Québec et à son positionnement dans le monde.

Le comité de suivi de la journée d’étude LE MACM EN QUESTION

Dominique Blain, artiste
Emmanuel Galland, artiste/commissaire, consultant cultures & communications
Patrice Giroux, artiste et consultant en muséologie
Sylvie Lacerte, théoricienne de l’art et des musées, commissaire indépendante
Laurier Lacroix, professeur associé, UQAM
Johanne Lamoureux, professeure d’histoire de l’art, Université de Montréal
Anne-Marie Ninacs, commissaire et chercheure indépendante, doctorante en histoire de l’art, Université de Montréal
Louise Viger, artiste
* Le rapport de la journée d’étude LE MACM EN QUESTION est disponible à l’adresse :
questionMACM@gmail.com

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