Manon LaBrecque et Caroline Cloutier, vernissage le jeudi 16 janvier à Clark

Objets de cris et de vents
Manon LaBrecque

 
Le croisement de l’inanimé et de l’animé occupe une place de choix dans la pratique multidisciplinaire et protéiforme de l’artiste Manon LaBrecque. Avec l’exposition Objets de cris et de vents, elle poursuit ses explorations en sculpture cinétique et sonore en présentant des formes gonflables qui s’animent grâce à des ventilateurs de soufflage et à des interactions avec des mécanismes en bois motorisé. L’artiste a puisé dans la vaste morphologie du vivant (protozoaires, insectes, algues, mammifères et représentants de la surprenante faune abyssale) pour façonner ces formes aux comportements quasi vivants qui constituent une sorte de bestiaire fabulé. Épurés et rendus dans une forme simple, ces objets se meuvent et se transforment sous l’action des ventilateurs et les mécanismes. Les créatures hybrides n’existent donc pas en vase clos, car elles sont étroitement et visiblement liées aux dispositifs qui les animent avec un souffle et une dynamique machinaux. Il s’agit d’une sorte d’expérience du vivant où des formes instables se déploient sous l’influence de forces venant du dehors, un microcosme qui émerge grâce à l’interaction du mécanique et de l’organique et dans lequel tout apparaît régi par un semblant d’ordre. Pourtant, dans ces formes qui se gonflent, se dégonflent et qui font naître d’étranges cris, chuchotements et sifflements, il y a quelque chose d’insondable, un être-là sans finalité qui est au cœur même du vivant. Devant cette étrange performance microcosmique, le spectateur est renvoyé à son propre corps et à ses états intérieurs tout aussi instables et variables, tout aussi soumis à des forces extérieures qui agissent sur eux.
 
Bernard Schütze
 
 
Manon LaBrecque tient à remercier le Centre Clark, Natacha Chamko, Peter King et Yan Giguère de l’Atelier Clark, le Centre Turbine (résidence d’exploration 3D) et le Conseil des Arts du Canada
 
Circuits électroniques conçus et réalisés par Diane Morin
 
Vertige
Caroline Cloutier
 
L’effet d’instabilité et d’étrangeté qui se dégage des objets cinétiques créés par LaBrecque trouve un écho sur un tout autre registre dans l’installation Vertige, de l’artiste Caroline Cloutier. C’est à partir de l’espace même dans lequel s’inscrit le corps du spectateur que l’œuvre de Cloutier provoque une sensation d’instabilité et de désorientation. En entrant dans la petite salle de CLARK, le visiteur se trouve confronté à un espace apparemment vide, mais qui semble avoir subi une étonnante expansion tout en demeurant égal à lui-même. Des trompe-l’œil, qui simulent et prolongent l’espace, sont disposés à des endroits stratégiques à même les quatre murs de la salle. Composée de sept bandes de vinyle autocollant simulant photographiquement un dégradé de lumière sur une cimaise blanche et de quatorze miroirs installés par paires à la jonction de chaque bandeavec le plancher et le plafond, l’installation transforme le volume architectural du lieu au moyen d’une illusion d’optique. La salle d’exposition est ainsi démultipliée par sept corridors perpendiculaires dont on ne peut repérer l’issue. Comme on doit se déplacer pour trouver le bon angle pour chaque corridor, et puisquil est impossible d’embrasser le tout d’un seul coup d’œil, la perception de l’espace est susceptible de devenir instable et vertigineuse. Avec ses passages fictifs mais vraisemblables, Vertige met le cube blanc en abyme en jouant sur les propriétés mêmes de ce lieu surcodé. La fonction réfléchissante inhérente à l’image spéculaire et photographique est ici inversée pour en faire le vecteur d’un éclatement de l’espace, qui n’est plus l’objet d’une réflexion ou d’une représentation. Cloutier déplie l’espace selon des codes minimalistes pour le replier dans un prolongement optique ; une opération qui n’est pas étrangère à l’esthétique baroque dans laquelle des plis et replis font déborder l’espace matériel dans des cavités illusoires d’une étendue incommensurable. C’est aussi dans cette perspective que l’installation Vertige constitue une sorte d’hétérotopie : un espace autre qui, tout en renvoyant à la présence réelle du lieu, le rend du même coup irréel en l’ouvrant sur des passages fuyants où l’imaginaire est appelé à déambuler dans un ailleurs sept fois multiplié.
 
Bernard Schütze
 
Le second volet du projet Vertige sera simultanément présentée à la Galerie Nicolas Robert du 1er février au 1er mars 2014, au 372 Sainte-Catherine O., espace 524 (Montréal). Les photomontages de l’exposition Vertige : les miroirs, poursuit la réflexion de Cloutier sur la mise en abîme photographique en dialogue avec l’installation présentée chez CLARK.
 
Caroline Cloutier tient à remercier le CALQ, le Centre Sagamie, Circa, Nicolas Robert, Lisa Charpentier et Louise Viger.
 

 

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