Lucie Duval en résidence chez Sagamie

L’exposition Mainmises présentée à Montréal en mai 2006, s’est développée autour d’un objet usuel suscitant chez moi diverses réflexions. Gants pour travailleurs » made in China » retrouvés en paquet dans toutes les quincailleries. Mondialisation oblige, tout se fabrique à moindre coût en Chine au détriment des travailleurs d’ici. L’objet devient contradictoire : gants de travailleur (faits en Chine) versus chômeurs d’ici.

Toujours à partir de ces gants de travailleurs, une série de cent cinquante lapins. La forme du gant se prêtant particulièrement bien à celle du lapin. Ce dernier étant très prolifique, il devient en quelque sorte un symbole de la reproductibilité : de la productivité à la reproductibilité. Il y a quelque chose du travail à la chaîne, de la quantité produite, et de mon rendement à les fabriquer, à les personnaliser. Combien de lapins différents en utilisant toujours les mêmes matériaux : gant, molleton et fil ? Ils sont faits main, donc tous différents : par leur forme, leur caractéristique, leur personnalité…

Ces  cent cinquante lapins, ont été faits au rythme d’environs : un par jour. En plus de ce qui a été écrit sur ma motivation, une chose nouvelle est apparue. Inconsciemment le lapin fabriqué tel jour, révèle quelque chose de mon état à ce moment, de mon regard sur le monde. Journal de bord.

Dans l’atelier, toujours un peu plus nombreux, ces lapins ont tissé des liens. Des rumeurs sourdent, des histoires s’en suivent.
Je retrouve donc ce qui a toujours motivé ma démarche : mettre en relation images (ou objets) et mot(s).

La publication en préparation au Centre SAGAMIE, n’est pas un catalogue, mais un objet où les images et les mots vont s’entrecroiser, non sans chocs, où un soin particulier est apporté à la façon de » donner à voir «. Ne jamais oublier que ces lapins sont en quelque sorte des mutilés. Sous une première apparence candide, naïve et doucereuse, il a fallu couper des doigts (ceux des gants), coudre, raccommoder (ce qui est non sans rappeler certaines conditions de travail dans les manufactures).

Ces lapins-nounours sont des lapins cicatrisés. Les mots en seront d’autant plus aiguisés.  Des histoires à tirer par les oreilles !

Lucie Duval est née à Mont-Laurier. Elle vit et travaille au Québec. Elle a étudié à l’École des beaux-arts de Toulouse et a obtenu, en 1983, le Diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP). Son travail s’articule autour d’une interférence entre ce qui est lu et ce qui est vu, un parcours où les mots se jouent des objets et des images. Elle a exposé régulièrement en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Ses œuvres font partie de la collection de prêts d’œuvres d’art du Conseil des Arts du Canada et du Musée national des beaux-arts du Québec. Elle est représentée par la galerie Isabelle Gounod à Paris.

Elle prépare actuellement une exposition solo qui aura lieu au musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul du 29 mai au 11 septembre 2010 et fera également partie de l’exposition Femmes artistes, présentée au Musée national des beaux-arts de Québec, du 17 juin au 12 septembre 2010.

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