L’opéra du dimanche? Une lettre ouverte du Conseil québécois de la musique

 

L’OPÉRA DU DIMANCHE ?
Après 75 ans de présentation de L’opéra du samedi, la radio de Radio-Canada diffuse depuis peu, le samedi après-midi sur Espace musique, les émissions Pogopop, Vraiment top et C’est si bon. L’opéra du samedi présentait, entre autres, les diffusions en direct du Metropolitan Opera. Dorénavant, celles- ci ne seront plus en direct à la radio le samedi, mais seront plutôt diffusées le dimanche soir à 19 h. Or, il semble que plus de 4 millions de Québécois sont plutôt devant leurs téléviseurs le dimanche soir; au sein même de Radio-Canada, la grande majorité des fidèles auditeurs de l’opéra se trouveront ainsi en concurrence avec la populaire émission de télévision Tout le monde en parle. Les amateurs branchés auront, eux, la possibilité de préserver leur tradition du samedi après-midi en se tournant vers le portail espace.mu, qui maintiendra la diffusion en direct des opéras new-yorkais.
 
Dans un débat comme celui-ci, il est délicat de faire la part des choses. D’un côté, la radio d’État doit composer avec des impératifs contraignants, soit la réduction importante et regrettable de son budget par le gouvernement conservateur, ainsi qu’avec des préoccupations compréhensibles d’augmentation et d’élargissement de son auditoire. De l’autre côté, il y a les artistes, les créateurs, les artisans et surtout les milliers d’amateurs pour qui la place constamment décroissante de la musique classique dans notre paysage médiatique depuis plusieurs années est une source d’affliction. Nous avons besoin, comme tous les auditeurs partout au pays, de sentir que Radio- Canada, radio publique, nous représente dans une juste proportion, nous, nos valeurs et notre amour de la musique classique. La grande qualité des émissions proposées par Espace musique et la passion de ceux qui les animent et qui les préparent, pourraient nous prouver que ce souci est partagé par la direction de la chaîne. Cependant, le choix de cette nouvelle case horaire, le fait de couper la possibilité pour une immense partie des auditeurs d’écouter en auto, dans la cuisine, à la campagne les pages immortelles de Mozart, Verdi et Puccini nous amènent à douter de la solidité de cet engagement.
 
Cet émoi n’est pas sans rappeler le tollé qu’avait causé Radio-Canada en coupant la diffusion de cette autre institution qu’était La soirée du hockey. Le parallèle entre les raisons invoquées et les clientèles touchées est intéressant. Peu de choses unissent les deux solitudes qui peuplent notre grand pays; le hockey et l’art lyrique en sont. Plusieurs téléspectateurs déçus et non branchés au câble écoutent maintenant leur hockey en anglais, à CBC, et il est regrettable de penser qu’il en sera vraisemblablement de même pour tous ceux pour qui l’opéra se consomme d’abord et avant tout à la radio, médium intime et accessible à tous, partout.
 
La direction de la musique de Radio-Canada nous demande le temps de faire ses preuves avec cette nouvelle formule. Soit. Nous pensons cependant que pour rester dignes de l’héritage des Raoul Jobin, Joseph Rouleau, Léopold Simoneau, Pierrette Alarie et tant d’autres, pour continuer de contribuer au rayonnement des Marie-Nicole Lemieux, Karina Gauvin, Frédéric Antoun, Julie Boulianne et de tous les autres Québécois et Canadiens qu’il serait trop long de nommer, mais qui bâtissent avec leur talent la réputation du Québec et du Canada partout dans le monde, nous nous devons de nous assurer d’une représentation adéquate de cet art de la part de notre radiodiffuseur public.

 

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