Lisez la réplique de Maka Kotto au discours du Trône

Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui dans un but premier, soit de réitérer mes remerciements aux commettants de la circonscription de Saint-Lambert qui ont bien voulu me renvoyer ici, en cette Chambre, pour les représenter. Je leur donnerai le meilleur de moi-même.

Nombreux parmi eux sont ceux qui s’inquiètent de l’avenir de la culture au Québec et au Canada sous les auspices du gouvernement conservateur. Certains d’entre eux vont même jusqu’à considérer que le mot « culture » n’existe pas dans le dictionnaire conservateur, et ce, à cause de l’absence d’une quelconque vision significative relative à la culture lors du discours du Trône. Je voudrais bien croire à un malentendu.

Aussi, je me dois de rappeler ici l’importance de l’objet. Qu’est-ce que la culture? C’est ce qui permet au genre humain de se structurer, de se construire. C’est ce qui nous aide à penser par nous-mêmes. C’est ce qui nous permet de comprendre le monde pour pouvoir contribuer à sa transformation pour le meilleur.

Au Québec, nous sommes légion à penser que la culture est la dimension essentielle du sentiment d’appartenance à une collectivité. Elle représente la fibre première d’un peuple. Elle influence ses pensées, ses paroles, ses actions et son quotidien, tout en permettant l’épanouissement des individus qui la composent. La culture québécoise conjugue cette réalité à l’impératif exceptionnel de s’affirmer et d’encourager l’expression de son originalité en Amérique du Nord.

Cette poursuite de l’affirmation, de la modernité et du rayonnement international constitue, pour le seul État francophone d’Amérique, à la fois un défi culturel majeur et un choix collectif prioritaire. Le Québec culturel est prêt à la souveraineté. En tant que société exceptionnellement créatrice, dans un contexte de mondialisation et d’explosion des nouvelles technologies, il nous importe, à nous, dorénavant, de tenir compte d’enjeux comme les communications et les télécommunications, la création et la diffusion des arts, l’accessibilité aux institutions publiques et aux industries culturelles et à la mémoire patrimoniale.

Un des principaux devoirs du Bloc québécois réside dans la défense de cette réalité dont le gouvernement conservateur risque de saccager incessamment, sous peu, les chances régulières d’existence, et ce, à la lumière du discours du Trône, qui nous amène à anticiper le fait que la science budgétaire conservatrice à venir sera démunie d’une véritable conscience.

Rabelais a dit : « Science sans conscience est ruine de l’âme ». Le glas de la destruction de la culture au Québec et au Canada est-il proche? Avec le gouvernement conservateur, il est légitime de se poser ce genre de question.

Est-ce que le gouvernement conservateur est contre la culture? Est-ce que le gouvernement conservateur est contre les arts? Est-ce que le gouvernement conservateur est contre les artistes et les artisans? Est-ce que le gouvernement conservateur est contre la relève?

Le silence entourant le dossier de la culture — je le répète — nous laisse anticiper la condamnation à mort lente de la culture par la destruction des arts, des artistes, de la relève au Québec, de l’identité québécoise, la liquidation de notre souveraineté culturelle. Cette destruction toucherait de plein fouet la culture humaniste et progressiste québécoise, elle qui nous vient de la résistance à la standardisation et à l’uniformisation culturelle, celle qui, avec la Révolution tranquille, avait trouvé une formalisation politique aboutie, notamment dans le service public. Car, service public et culture progressiste sont indissociables.

Le silence sur la culture dans le discours du Trône cacherait-il plutôt la tentation de l’intrusion massive du secteur privé, avec sa puissance financière aliénante, dans les arts et la culture.

Allons- nous assister au démantèlement des musées? Allons-nous assister à la fin de la transmission des savoirs dans les écoles? Allons-nous vers l’homogénéisation d’inspiration étatsunienne? Allons-nous subir à terme le marquage idéologique unilatéral et appauvrissant des contenus dans les médias de l’édition? Allons-nous assister à une dégradation accélérée de nos télévisions et de nos radios publiques avec un enchaînement funeste des privatisations, de courses débiles à la cote d’écoute pour vendre du temps de cerveau disponible au consumérisme?

La vie nous l’enseigne. Consommer, c’est consumer; mais cultiver, c’est faire naître, c’est travailler un sol dans l’espérance d’une récolte, c’est protéger pour recevoir.

Une société ne s’inscrit dans l’histoire et dans le cœur des vivants que par sa culture.

Alors de grâce, soutenez les arts et la culture; ne les détruisez pas.

Si d’aventure ils le font, nous serions curieux de savoir une dernière chose au préalable. Serait-ce l’orchestration des directives de l’OMC décomplexée de toute référence au bien commun par un sevrage néolibéral qui inspirera la destruction de notre domaine culturel? La question est pertinente, car ce genre de destruction se réalise déjà symphoniquement dans des pays à l’idéologie gouvernementale néolibérale.

Le Québec ne dort pas. Il s’y organise déjà une résistance infra spectaculaire. La maturité politique des gens du Québec se conforte proportionnellement aux assauts prévisibles de remises en causes de ce qui y fait le bien commun. Il résistera à cette barbarie à visage mondain.

La culture, nous y tenons ferme!

En terminant, voici une citation d’André Malraux qui a dit ceci en 1968.
La culture, c’est ce qui permet de fonder l’homme — j’ajouterais la femme — lorsqu’il n’est plus fondé sur Dieu.

Abonnez-vous au bulletin du Réseau art Actuel