Light Adjustments et Future Perfect, vernissage le samedi 6 décembre à 19h à Dazibao

Résidence de production-diffusion en collaboration avec PRIM
 
À travers une série d’œuvres qui, en apparence, empruntent aux mécanismes de l’observation et de la démonstration scientifique, Scott Massey joue avec les limites de notre perception visuelle, nous forçant à moduler ­– si ce n’est carrément corriger – la lecture intuitive de ce qui est donné à voir. Chacune de ses œuvres est soigneusement écrite, autant pour le choix du sujet que pour le processus même de sa mise en image, comme cherchant à atteindre non pas l’objectivité de la représentation (du paysage, de la lumière, du temps, des forces de l’univers) mais une sorte d’absolu. En idéalisant les mécanismes de la représentation, le travail de Scott Massey creuse notre désir de « voir pour connaitre. »
 
L’exposition présente d’abord les résultats de l’observation de la Lune et du Soleil à l’aide d’instruments et de techniques variés, autant surannés que sophistiqués. Suivent ensuite diverses manipulations qui, dans leur transposition visuelle, mettent l’accent sur le rôle même de l’optique dans la captation et le décodage des phénomènes. Puis, comme dans un retournement de son propre discours, l’exposition se clos sur la « mise en scène » et la répétition d’une expérience, étapes indispensables mais habituellement invisibles d’une démonstration probante.
 
Avec Light Adjustments, Dazibao présente pour la première fois à Montréal le travail de Scott Massey, récipiendaire de la huitième résidence de production-diffusion offerte annuellement par PRIM et Dazibao.
 
 
 
Détenteur d’un baccalauréat en photographie de la Emily Carr University of Art + Design, Scott Massey vit à Vancouver. Ses œuvres se situent au confluent de l’art et de la science, tandis qu’il accentue et amplifie les phénomènes naturels à l’aide d’instruments ou de légères manipulations. La lumière comme médium occupe une place importante dans son travail, lequel découle de recherches dans les domaines de la physique quantique, de la cosmologie, de l’astronomie et d’autres disciplines scientifiques. Ses œuvres ont fait l’objet d’expositions individuelles, par exemple, Let’s Reach c Together (Charles H. Scott Gallery, Vancouver, 2013); Topologies and Limits (CSA Space, Vancouver, 2011); Swan Song (Luminato Box, Toronto, 2009). En 2015, il présentera également Unstable Ground (Burnaby Art Gallery, Colombie-Britannique) et The Day Breaks (Gallery 44 Centre for Contemporary Photography, Toronto). Ses œuvres ont fait partie d’expositions collectives au Canada et à l’étranger à la Kunsthal Charlottenborg (Danemark, 2013); à la Contemporary Art Gallery (Vancouver, 2012); au Columbus College of Art and Design (Ohio, 2007); de même qu’au CONTACTPhotography Festival (Toronto, 2007).
 

LE PARFAIT DU FUTUR



Les Balkans sont une construction intellectuelle, elle-même chargée de significations idéologiques polyvalentes; depuis Byzance, sa position « d’entre-deux » a jeté dans la perplexité l’Occident, dont le point de vue sur la région est souvent singulier, externe et statique. Le démantèlement de la Yougoslavie dans les années 1990 a donné lieu à un nouvel objet de fascination balkanique : le conflit ethnique et le nationalisme. Dans la foulée, de nombreuses expositions internationales ont perpétué certains stéréotypes du « Far East ». Une bonne part de ce qu’on attribue à cette région émane d’un imaginaire populaire occidental qui ignore les spécificités des histoires et des cultures locales et qui en réduit la description au langage du sang et du miel. Dans son important ouvrage intitulé Imaginary Balkans, Maria Todorova écrit ce qui suit : « La difficulté de s’identifier à la région des Balkans est un sous-groupe d’un problème plus vaste d’identification avec les nations périphériques.1»

 

Future Perfect [Le parfait du futur] réunit des courts métrages et des vidéos reproduisant consciemment ou inconsciemment une forme de nostalgie, archétype qui, grammaticalement parlant, ne s’exprime pas seulement au passé composé, mais qui s’immisce dans le futur. La géographie prédétermine, cadre et inspire le sujet de chacun des artistes, produisant un récit dans lequel le passé est lové dans la texture de chaque image en mouvement. Les six œuvres renforcent la manière dont notre esprit fait l’expérience du temps, souvent dans deux sites à la fois : dans l’ici et le maintenant, mais aussi dans ce temps-là. Chacune contient sa part d’évocation mélancolique, surtout pour ce qui est sur le point de s’interrompre ou n’existe plus, faisant de ces œuvres en quelque sorte des observateurs de réalités constamment en évolution.

 

Boogeyman On Call (2012) montre trois jeunes femmes, soit Gorana Bosnić, Sandra Dukić et Gordana Macanović, qui entreprennent un voyage dans un village de la Bosnie occidentale où leur pellicule saisit le phénomène du croque mitaine (ou bonhomme Sept-Heures). L’histoire commence sous la forme d’un reportage d’investigation proposant, entre autres, des interviews avec la police qui cherche à traquer la créature mythique. On réalise toutefois rapidement que le récit déplace son centre de gravité pour examiner plutôt les peurs personnelles, sociales et politiques de cette communauté précise.

 

Night Ride (2013) de Kamer Şimşek aborde la réminiscence et la solitude. Un homme âgé prend un taxi pour parcourir les rues de sa propre ville. Pendant ce déplacement, il réfléchit à son existence, partageant avec le chauffeur les moments remarquables et déchirants de sa vie. À la fin de la course, les deux hommes reviennent aux souvenirs des sites qui leur sont chers dans cette ville qui les a formés en tant que personnes.

 

Dans sa vidéo documentaire expérimentale In War and Revolution (2011), Ana Bilankov étudie l’amnésie personnelle et collective liée aux changements politiques du début des années 1990 en Croatie. Bilankov emploie une structure de montage en parallèle. D’une part, tout en feuilletant un livre intitulé The School in War and Revolution, sa grand-mère de 97 ans tente de se rappeler sa jeunesse quand elle était enseignante, évoquant en particulier le mouvement antifasciste durant la Seconde Guerre mondiale. D’autre part, l’artiste interviewe des intellectuels croates au sujet des livres qui ont été retirés des librairies et des bibliothèques par le nouveau gouvernement croate, au début des années 1990, parce que jugés idéologiquement inappropriés.

 

La vidéo Staging Actors/Staging Beliefs (2011) de Renata Poljak gravite autour du personnage de Boško Buha, une icône de l’idéologie communiste à l’époque de la Yougoslavie socialiste. Au moyen d’entrevues avec Ivan Kojunždić, l’acteur qui a joué Boško Buha enfant, Poljak explore comment les croyances sont brisées quand on perd les héros qui ont interprété le monde qu’on a connu. Pour examiner les transformations et les mutations des programmes politiques, sociaux et culturels de la Yougoslavie depuis la désintégration du pays au début des années 1990, Poljak se penche sur la vie actuelle d’acteurs ayant joué des rôles principaux dans des films populaires d’autrefois. Elle pose un regard sur la manière dont les idéologies et les programmes politiques se forment et se dissolvent en même temps que sur les mécanismes de construction et de documentation de l’histoire et de la mémoire qui, eux aussi, se transforment.

 

Le court métrage Our Bride (2011) de Nita Deda et d’Yll Citaku documente le rite de mariage coloré et complexe dans la communauté des Torbeshi de Donje Ljubinje, un petit village situé sur le mont Shara, au Kosovo, où les futures mariées se font décorer méticuleusement et abondamment le visage, pendant que leurs corps se couvrent de couches de vêtements et d’accessoires traditionnels faits à la main. Important dans la vie de chaque femme, ce processus a également des connotations spirituelles. Le costume et le maquillage de la future mariée lui donnent l’apparence d’une poupée vivante, la protégeant du mauvais œil et décourageant commérage et spéculation. Le film saisit la polarité tradition/modernité dans le contexte précis d’une toute petite population qui dispose d’un ensemble d’us et de coutumes en voie de disparition au début du 21e siècle. À l’heure du virtuel et du numérique, il ne reste dans le village de Donje Ljubinje qu’une seule femme capable de parer les futures mariées et elle n’a personne à qui transmettre son art et son savoir-faire.

 

Mladen Miljanović, avec Do You Intend to Lie To Me? (2011), vise à révéler la vérité sur la brutalité de la vie, sur l’art et sur la responsabilité dans la Bosnie d’après-guerre. Cet hommage à la vie de son professeur en art et mentor Veso Sovilj donne l’image d’un milieu social stagnant. Sovilj, le principal protagoniste, participe au film dont il est le sujet mais sans le savoir, pendant que Miljanović met en scène et entremêle différents segments de la société de façon à créer un grand happening, devenant ainsi lui-même un animateur de la réalité. Pour marquer le 30e anniversaire de la carrière de Sovilj, Miljanović décide de lui faire un cadeau. Endossant la mission de donner forme à un concept inventé par son mentor mais jamais matérialisé, Miljanović réalise un film dans lequel son professeur passe un test polygraphique sur la véracité de l’art et de la vie.

 

1 Maria Todorova, Imagining the Balkans, Londres, Oxford University Press, 2009, p. 9.

 

 

 

Boshko Boskovic (Belgrade, Serbie, 1976) est directeur des programmes à Residency Unlimited (New York). Par son travail de commissaire, il contribue à faire connaître des réalités et des relations multiculturelles inattendues. Il est le commissaire de nombreuses expositions parmi lesquelles Monument-Movement à Muse, Center for Photography and the Moving Image (New York),Not so Distant Memory au Delaware Center for the Contemporary Arts et au National Center for Contemporary Art (Saint-Pétersbourg), Power of the Brand au Contemporary Art Museum (Banja Luka). En 2012, il organisait en collaboration avec le collectif La Fabrique d’expositions le programme vidéo Vidéozones dans le cadre de Montréal/Brooklyn, lequel a été présenté à la Galerie de l’UQÀM et à Interstate Projects (New York). Il a publié des essais sur plusieurs des expositions susmentionnées.

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