Photo : Série Sub Rosa de Birthe Piontek

Les battements, vernissage le jeudi 9 septembre à 17h à la Maison de la culture Frontenac

PHOTOMATHON : Les battements
Du 9 septembre au 17 octobre 2010 au studio 1 de la maison de la culture Frontenac

L’exposition collective Les battements réunit des photographies qui traduisent l’état mélancolique de ces solitudes sourdes et chagrines peuplées de doute, d’angoisse et d’impuissance où le coeur s’arrête le temps de sonder la distance qui le sépare du reste du monde. Y sont présentées, les oeuvres de Karin Bubas (Vancouver), d’Eamon MacMahon (Toronto), de James Nizam (Vancouver), de Josée Pedneault (Montréal), de Birthe Piontek (Vancouver) et de Derek Shapton (Toronto).

Dans Studies of Wardrobe and Landscapes, Karin Bubas emprunte aux procédés cinématographiques d’Hitchcock et d’Antonioni afin de créer des mises en abîmes qui interrogent les habitudes de perception. Les paysages pittoresques dépeints deviennent hantés d’une étrangeté inquiétante par le regard posé sur des personnages féminins solitaires, eux-mêmes perdus dans l’observation de la beauté enchantée des espaces environnants. Les héroïnes de Bubas, pensives, vulnérables et élégantes, incarnations d’une féminité codée, semblent s’en dissocier par le regard voyeuriste posé sur eux.

Réalisées dans des communautés recluses et éloignées du nord-ouest canadien et de l’Alaska, les images de Landlocked de Eamon MacMahon montrent des paysages qui semblent tenir l’homme en position de captivité. À travers la beauté prenante des vastes étendues sauvages qui se déploient autour de lui plane une menace latente indescriptible. Devant la fragilité de l’homme seul, laissé à lui-même, se posent les questions de la force de la nature, de la force de l’homme sur celle-ci et de leur impermanence à tous deux. En ce sens, cette série n’est pas sans rappeler une certaine représentation du sublime où s’enlacent des sentiments de chagrin et de plaisir.

En installant un dispositif de lentilles dans les murs de maisons abandonnées vouées à la démolition, James Nizam les a ainsi transformées en camera obscura. Dans la série Anteroom, la lumière se glisse dans l’obscurité monochrome des intérieurs et vient projeter l’image des paysages environnants, le nord pointant au sud et inversement. Par l’utilisation d’un procédé lui-même chargé d’histoire, ces lieux voués à l’anéantissement s’animent à nouveau dans ce qui reste autour d’eux de traces résiduelles d’une vie révolue. L’irrémédiable écart entre l’intérieur en ruine et l’évanescent mouvement de la lumière extérieure qui s’y devine trahit la brièveté des choses et le passage inéluctable du temps.

From Warshaw with Love est d’abord né d’une nécessité, celle pour deux amoureux de garder un contact unique et intime malgré la distance. Josée Pedneault, en résidence d’artiste en Pologne et Christophe Colette, resté au Canada, ont correspondu avec systématisme, pendant 109 jours. La série comprend donc 109 images, dont un extrait de 30 jours consécutifs est ici présenté. Dans la volonté touchante d’un impossible témoignage exhaustif, les images s’accumulent, dialoguent, se répondent, s’ignorent. L’absence et l’angoisse de la perte se font justement les plus chagrines quand celles-ci se fondent dans une représentation mimétique du paysage, la sourde grisaille de Montréal et celle de Varsovie l’hiver, si semblables, donnant l’impression d’un rapprochement alors que la distance rend impossible le partage, côte à côte, d’une même vue à regarder

La série Sub Rosa de Birthe Piontek se compose de portraits d’adolescents esseulés perdus dans des songes méditatifs auxquels sont juxtaposées des natures mortes sombres et intrigantes, petites compositions suspectes qui résistent à la compréhension. Le choix même des sujets, dans un âge transitoire, cadrés dans la solitude de la nature, incarne la représentation typique de l’acedique. Les vanités mystérieuses à l’aspect suranné en promettant quant à elles un faux accès à leur intimité ou à la nature du drame qui les affligent, dans la tension qu’elles provoquent, éludent toutefois plus qu’elles n’éclairent de sorte que la torpeur des sujets en reste insondable.

En apparence tranquilles comme une fin de journée d’été, les images de la série Here de Derek Shapton se révèlent à la lecture de leurs titres comme les scènes d’une mémoire pétrifiée. Dans la plate frontalité de leur capture, elles pourraient témoigner de quelconques études criminelles, urbanistiques ou écologiques. Or la topographie qui est ici tracée en est une toute personnelle, liée à l’enfance : Chris Got Kneed In The Face, 1987 (2007), Lost A Tooth, 1978 (2007), Teenagers Making Out, 1982 (2007), Learned to Swim, 1976 (2007). Les titres agissent ainsi comme vecteurs narratifs en créant sur ces paysages inhabités des écrans animés, peuplés de fantômes. Le souvenir évoqué prend alors le dessus sur la capacité des photographies à témoigner. Par cet aveu d’échec de l’image s’accentuent l’angoisse de la disparition et le sentiment de perte lié à l’événement qui n’adviendra plus.

Abonnez-vous au bulletin du Réseau art Actuel