Le M.A.L. s’inquiète du manque d’engagement formel du Parti conservateur à l’égard des arts et des lettres

Les arts et la campagne électorale fédérale

Montréal, le 19 janvier 2006 – Le Mouvement pour les arts et les lettres (M.A.L.) est déçu et inquiet du mutisme du Parti conservateur à l’égard des arts et des lettres dans la présente campagne. En effet, hormis une sortie publique du porte-parole conservateur en matière de Patrimoine, madame Bev Oda, à la Première chaîne de Radio-Canada la semaine dernière, propos qu’elle a ensuite relativisés dans Le Devoir du 19 janvier 2006, l’engagement conservateur sur la question des arts et des lettres demeure pratiquement nul. Comme les sondages favorisent grandement ce parti pour former le prochain gouvernement fédéral, le M.A.L. est en droit de se questionner et de s’inquiéter sérieusement sur ce qu’il adviendra du financement public réservé aux artistes, artisans et travailleurs culturels du Québec. Le M.A.L. est particulièrement inquiet du fait que le Parti conservateur ne s’engage en rien à respecter l’engagement du gouvernement de doubler le budget du Conseil des Arts du Canada d’ici 2008, le portant du coup à 300 $ millions.

Mentionnons que depuis cinq ans, le M.A.L. demande cette augmentation du budget du Conseil des Arts du Canada. Le Mouvement tient à souligner le support du Bloc Québécois qui, au cours des deux dernières années, a joint sa voix à celle du M.A.L. dans cette bataille. De plus, le milieu artistique québécois et canadien a déployé beaucoup d’énergie au cours des derniers mois au sein de la Coalition canadienne des arts, où le M.A.L. a œuvré activement, pour obtenir du gouvernement que le budget du Conseil des Arts du Canada soit doublé. Le 23 novembre dernier, Liza Frulla annonçait que notre victoire était acquise. Aujourd’hui, à quelques jours du scrutin, rien n’est moins sûr !

Le M.A.L. demande au Parti conservateur de s’engager, comme l’a fait le Parti libéral grâce au travail de Liza Frulla, à doubler le budget du Conseil des Arts du Canada s’il est porté au pouvoir. Il en va de la santé même de l’identité québécoise et canadienne.

Le Mouvement pour les arts et les lettres regroupe huit organisations nationales et douze conseils régionaux de la culture du secteur des arts et des lettres, qui représentent près de 14 000 artistes professionnels, écrivains et travailleurs culturels. Le M.A.L. est constitué du Conseil québécois du théâtre, du Conseil québécois de la musique, du Conseil des métiers d’art du Québec, du Conseil québécois des arts médiatiques, du Regroupement québécois de la danse, de l’Union des écrivaines et écrivains québécois, du Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec, de En piste- le regroupement national des arts du cirque ainsi que des conseils régionaux de la culture de l’Estrie, de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Montérégie, du Saguenay, de la Mauricie, du Centre du Québec, de l’Outaouais, des Laurentides, de Lanaudière, du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord et de la Gaspésie. La mission des conseils régionaux de la culture est d’appuyer le développement des arts et de la culture dans leur région.

Information : Éric Chalifoux, adjoint au coordonnateur
Mouvement pour les arts et les lettres
514.885.4438

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Budgets aux arts: le PC ne se mouille pas
Rien n’assure que les hausses annoncées par les libéraux seront maintenues

Stéphane Baillargeon
Le Devoir, Édition du jeudi 19 janvier 2006

La seule chose sûre, c’est qu’il n’y a rien de sûr. L’unique certitude, c’est qu’un gouvernement conservateur «maintiendra le rôle» des grandes institutions culturelles nationales, de Radio-Canada au Conseil des arts du Canada (CAC). Pour le reste, et surtout pour les budgets du secteur des arts et de la culture, le parti de Stephen Harper ne promet à peu près rien de concret, de palpable, de précis.

Même le saut prodigieux de l’enveloppe du Conseil des arts, de 150 à 300 millions d’ici 2008, annoncée par les libéraux avant les élections, ne semble pas assuré, contrairement à la rumeur véhiculée depuis quelques jours dans les médias. Le PC s’en soucie d’autant moins que sa porte-parole en la matière affirme ne pas en trouver trace dans les finances publiques. Deux fois rien égale…

«Nous sommes en faveur du Conseil des arts et nous souhaitons que cet organisme ait les ressources dont il a besoin pour soutenir ses programmes», explique la députée Beverly Oda en entrevue au Devoir. «Nous accorderons la hausse budgétaire si c’est ce dont le Conseil a besoin et si l’argent a déjà été budgété.»

Voilà donc l’écueil. Selon Mme Oda, députée ontarienne de Durham, l’argent ne figure dans aucun budget fédéral. «Nous avons cherché, en vain, dit-elle. Quand nous serons élus, nous regarderons les livres comptables et nous jugerons les plans. Nous finirons peut-être par accorder plus d’argent [que les libéraux] au Conseil des arts, mais nous voulons d’abord nous assurer que cet organisme est efficace et qu’il sert bien les artistes et les créateurs.»

Liza Frulla s’insurge

Ces propos font bondir la ministre du Patrimoine, Liza Frulla, qui a négocié la hausse budgétaire. «Ce n’est pas vrai, dit-elle. L’argent est là, dans notre plan fiscal. Par contre, ce qui est vrai, c’est que Stephen Harper a annoncé qu’il ne respecterait aucun engagement libéral. Cette décision va toucher la culture mais aussi l’environnement ou le logement social.»

Beverly Oda adopte la même position attentiste par rapport aux autres grandes institutions. À chaque occasion, que ce soit à propos de Radio-Canada ou de Téléfilm Canada, elle promet le soutien de son parti mais demande d’abord à examiner la situation institutionnelle avant de pouvoir promettre quoi que ce soit d’un point de vue budgétaire.

Tout cela ne rassure pas la Conférence canadienne des arts, le plus grand groupe de pression du secteur. «Nous ne trouvons nulle part dans les propos de Mme Oda de quoi être rassurés pour le financement du Conseil des arts», dit Alain Pineau, directeur général de la Conférence, interviewé hier. «Nous avons demandé au Parti conservateur de préciser sa position et nous attendons toujours une réponse.»

La Conférence, comme plusieurs autres groupes, réclame aussi l’amélioration du système de protection et de financement des industries nationales du film et de la télévision. Le Fonds canadien de télévision, créé en 1996 pour soutenir la production et la diffusion, reçoit près de 100 millions par année. Des mesures fiscales multiplient l’effet de levier.

Juger au besoin

«Encore une fois, il faudra s’asseoir et juger les besoins, répond alors Mme Oda. Nous soutenons tous les grands organismes, mais comme le vérificateur général l’a souligné, plusieurs programmes du ministère du Patrimoine canadien manquent d’imputabilité, de contrôle et de balises. Nous sommes redevables envers le public pour la gestion des fonds publics.»

Bref, un vaste examen critique des programmes, des objectifs et des moyens de l’État culturel canadien se prépare si le Parti conservateur prend le pouvoir. «Je pense qu’il faut revoir le mandat de Radio-Canada et de la CBC à la lumière des nouvelles chaînes et des demandes du public pour les chaînes publiques, explique encore Mme Oda. Il faut se demander quels services elles peuvent offrir et ensuite décider des ressources nécessaires pour remplir ce mandat.»

Liza Frulla prédit carrément que cette démarche va mener à des compressions radicales des budgets. Elle ajoute que les conservateurs ont dans leur mire le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui, selon elle, ne surveillerait plus les quotas de contenu canadien dans les médias nationaux. «La mentalité conservatrice est simple, c’est celle du «if you like it, you buy it». Le CRTC va devenir un simple dispensateur de licences.»

Fructueuse carrière

Beverly Oda (elle préfère qu’on l’appelle Bev) connaît bien ce dossier. Enseignante pendant quelques années, Mme Oda a ensuite poursuivi pendant un quart de siècle une fructueuse carrière dans le milieu des télécommunications. Elle a occupé plusieurs fonctions administratives au sein du réseau TVO (l’équivalent de Télé-Québec en Ontario) et siégé comme commissaire au CRTC de 1987 à 1993. Elle y a notamment défendu la libéralisation du marché des appels interurbains. Elle a ensuite travaillé à la haute administration de plusieurs entreprises du secteur, dont le réseau CTV.

La situation se complique : en effet, Bev Oda ne deviendra pas nécessairement la future ministre du Patrimoine et semble beaucoup plus «libérale» que son parti sur bien des questions. «Ses affirmations ne sont même pas reprises par Stephen Harper», commente le dirigeant d’un groupe de pression du milieu culturel québécois qui désire garder l’anonymat. «Certaines de ses affirmations sont même contredites par des ténors qui annoncent ne rien vouloir récupérer des promesses libérales. Nous sommes dans le vague et nous ne sommes vraiment pas rassurés.»

Les commentateurs s’entendent en fait pour déplorer l’absence de considérations pour la culture dans la campagne électorale actuelle. Le thème n’a à peu près pas été abordé dans les débats des chefs en anglais et en français.

Quelques lignes seulement

Le programme du PC ne démêle pas les cartes. Le document Changeons pour vrai – Un gouvernement honnête qui travaille pour vous, publié vendredi, traite des soins de santé, des délinquants sexuels, de la garde des enfants, des logements abordables ou de l’armée, mais le secteur culturel ne figure pas dans la liste des priorités. Seules quelques lignes abordent l’idée de promouvoir, pêle-mêle, «les arts, la culture et les sports de compétition».

Selon cette plate-forme, un gouvernement conservateur établira un secrétariat francophone au sein du ministère du Patrimoine, garantira que la CBC et Radio-Canada continueront de jouer «un rôle vital en tant que radiodiffuseurs publics nationaux», maintiendra le rôle de l’Office national du film, du Conseil des arts et des autres organismes fédéraux et donnera «aux Canadiens un meilleur accès aux émissions de radio et de télévision de l’étranger et en langues étrangères».

Mme Oda ajoute que son parti appuie la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle, un document défendu par le Canada, qui a d’ailleurs été le premier État membre cette organisation onusienne à le ratifier, juste avant le déclenchement des élections. Elle précise que la plate-forme conservatrice ne rentre pas dans les détails en ce qui concerne cette convention, telle ou telle institution ou tel ou tel secteur tout simplement parce qu’il faut frapper l’imagination des électeurs.

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