Le Cercle Carré adresse un mémoire sur l’importance du développement des logements-ateliers pour artistes, particulièrement au centre-ville

Coopératives résidences-ateliers à Montréal

La coopérative d’habitation Le Cercle Carré est formée d’un groupe d’artistes de Montréal qui se réunissent mensuellement depuis un an au Groupe CDH (Conseil en développement de l’habitation) dans le but de réaliser des logements englobants ateliers pour artistes. Ce mémoire adresse leurs préoccupations concernant l’importance d’un tel projet pour la vie culturelle de Montréal et particulièrement pour le centre-ville, cœur de la cité.

Coopératives résidences-ateliers à Montréal
Une politique culturelle qui tient compte de la vie artistique locale

Trouver et maintenir un espace abordable pour vivre et travailler est un problème qui touche les artistes depuis très longtemps. Peintres, sculpteurs, danseurs, écrivains, cinéastes, musiciens, photographes, acteurs, artistes multidisciplinaires et autres ont besoin de grands espaces bien éclairés, insonorisés, au plafond élevé dans lesquels ils peuvent habiter et exercer leur métier.

Le centre-ville de Montréal est actuellement en essor. Il attire beaucoup de citoyens qui veulent y vivre. Bien qu’il y ait une recrudescence au niveau du développement résidentiel, les nouvelles demeures s’adressent majoritairement à une population riche. Il est reconnu que la plupart des artistes québécois vivent une situation financière difficile, que les artistes sont majoritairement pauvres. Leur revenu annuel brut dépasse rarement les 25 000$ par année. Ils ne gagnent pas suffisamment d’argent directement de leur pratique artistique pour avoir accès à un espace de vie et un lieu de création. En conclusion, beaucoup d’artistes qui habitent Montréal doivent quitter leur appartement ou atelier pour faire place au développement de condominiums.

Ce phénomène fragmente les communautés artistiques de Montréal, appauvrissant ainsi sa vitalité culturelle. On doit donc reconnaître la nécessité d’une forte présence d’artistes dans les arrondissements et au centre-ville de Montréal. Une façon de promouvoir cette présence est d’encourager les artistes à y vivre et y travailler. Les projets de coopératives de résidences-ateliers pour artistes sont un moyen de protéger les artistes contre l’augmentation des loyers et l’implantation des condominiums à leur place par les développeurs. Cette présence artistique de base assurée à long terme au niveau du milieu de vie quotidien augmenterait la force créative à l’intérieur des quartiers. La qualité de vie de la ville et de sa population tant locale que celle des visiteurs en serait accrue. Elle contribuerait à la visibilité des créateurs et à la rétention des artistes.

En plus d’aider l’artiste à créer, à évoluer et atteindre une stabilité financière, un espace bien conçu crée un environnement sécuritaire dans un quartier. De tels projets encouragent l’accroissement d’activités humaines dans la ville et donnent au paysage urbain une personnalité vivante et attrayante. Cela vaut tant pour les habitants locaux que pour les gens de l’extérieur de la ville et du pays. Grâce à cet environnement, le développement culturel d’un quartier risque fortement d’évoluer et de générer d’autres activités culturelles. Ces activités créent un climat, une visibilité, un foisonnement qui inspire la localité.

Une communauté artistique dynamique est la marque d’une ville saine. Cette vitalité culturelle engendre la vitalité économique. L’implantation de coopératives d’habitations englobant des résidences-ateliers pour artistes crée des espaces abordables financièrement où les artistes peuvent vivre, travailler, exposer, intervenir et s’occuper de leurs affaires commerciales. Une coopérative d’habitation pour artistes peut servir de catalyseur à la revitalisation d’un quartier. C’est donc une façon d’intégrer la dimension culturelle aux différentes facettes de la vie municipale.

La présence de coopératives de résidences-ateliers pour artistes dans des lieux stratégiques pourrait faciliter les contacts des artistes avec des populations défavorisées, changeant ainsi la dynamique du milieu de vie. Des expositions, des performances, des événements de rencontre avec les artistes dans les lieux de diffusion des coopératives augmenteraient les expériences de ces populations avec diverses formes d’art. On a qu’à penser à des étudiants d’une polyvalente, aux gens de la rue, aux personnes âgées, aux travailleurs ou chômeurs des alentours. Ce voisinage encouragerait la créativité propre à chaque individu des quartiers. La ligne traditionnelle séparant le spectateur de l’artiste serait brouillée permettant une plus grande participation du public. Ce dialogue dans le milieu de vie contribuerait à l’intégration culturelle.

De plus, des espaces de vie et de travail à l’intérieur de ces coopératives pourraient aussi accueillir périodiquement des artistes internationaux promulguant ainsi Montréal comme centre culturel international. Ces liens pourraient éventuellement se faire en collaboration avec les universités avoisinantes.

Des exemples de telles réussites culturelles se retrouvent en Europe et aux États-Unis. En Espagne, la ville de Barcelone est reconnue mondialement pour son mélange d’art, de culture et d’urbanisme. En France, La Cité des Arts à Paris témoigne également de l’impact positif de la communauté artistique sur la qualité de vie urbaine. Plus près de chez nous, diverses villes américaines telles que Minneapolis, Pittsburgh, Boston, Philadelphie, Seattle entre autre, a transformé des édifices industriels abandonnés en lieux de résidences pour artistes. Maintenant les populations de ces mêmes villes jouissent de leurs rayonnements culturels régionaux.

Nous croyons que l’établissement et le maintien à long terme de milieux de vie abordables et sécurisants pour artistes dans la ville s’imposent. L’implantation de coopératives d’habitation englobant les résidences-ateliers doit s’inscrire d’une façon plus importante et détaillée dans la politique culturelle de la ville de Montréal, plus particulièrement dans les sections de «Cadre de vie et aménagement urbain», «Aménagement, urbanisme et habitation» et «Développement économique». De plus, il serait préférable de réviser les réglementations qui restreignent les possibilités de combiner milieux de vie et espaces de travail pour artistes dans un contexte résidentiel pour permettre de faciliter la mise en place de tels projets.

Une politique de développement culturel pourrait ainsi prévoir des mécanismes structuraux permettant à la municipalité de mettre en place des moyens concrets pour réaliser de tels projets. Pourquoi ne pas, par exemple, créer une réserve foncière, le temps que la communauté artistique organise son projet immobilier ? Aussi, serait-il envisageable de créer un fonds de développement immobilier pour la cause culturelle en prévoyant un certain pourcentage sur la réalisation d’un projet immobilier public et/ou privé ? Les exemples en ce sens ne manquent pas en d’autres villes fières de l’apport artistique de leur communauté. Montréal serait mûre et disposée à encourager le maintien et le développement d’une vie artistique par une politique culturelle qui se donne les moyens d’agir.

Pierre Gauvin
pour la coopérative d’habitation Le Cercle Carré

Références:
Artspace projects inc. http://www.artspaceusa.org/
The Rise of the Creative Class, Richard Florida : http://www.creativeclass.org
Culture Montréal http://www.culturemontreal.ca/cult_mtl/culture.htm
Service du développement culturel de la ville de Montréal
http://www2.ville.montreal.qc.ca/maisons/SiteTemporaire/temporaire.html
Enquête sur les conditions de pratique des artistes du secteur des arts visuels du Québec
Bloc-notes #72 Juillet 2001
RAAV (Regroupement des artistes en arts visuels du Québec)

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