Faisant suite aux travaux du Comité L’Allier en 2010, le ministère de la Culture et des Communications rend publique une étude très attendue

La protection sociale des artistes et autres groupes de travailleurs indépendants: analyse de modèles internationaux

Dans le mandat de recherche confiée à la chercheure Martine D’Amours, le MCC a voulu explorer les moyens retenus dans d’autres pays afin de pallier les difficultés d’accès à une protection sociale des artistes des domaines des arts visuels, de la littérature et des métiers d’art. La première partie de cette étude recense les mesures de protection sociale des artistes mises en place aux États-Unis, en France, en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark. La seconde consiste en l’analyse des modèles internationaux et québécois et, surtout, dégage des pistes de réflexion.


Extraits du Cadre d’analyse et synthèse des résultats :

-La Loi sur le statut professionnel des artistes en arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (L.R.Q., chapitre S-32.01), qui prévoit la possibilité mais non l’obligation de négociation collective, ne s’est pas traduite par la signature d’ententes collectives, et donc les artistes évoluant dans ces secteurs n’ont pas accès à de tels régimes, en partie en raison de la faiblesse de leurs revenus (encadré 2), en partie en raison de l’absence de contribution des diffuseurs.

-Il y a donc à notre avis place à une intervention accrue de l’État pour doter de protection les artistes qui n’en ont pas et pour améliorer la protection de ceux qui en bénéficient déjà.

-Une première avenue, plus individuelle, consiste à outiller le travailleur, en renforçant ses compétences et ses divers capitaux; elle réfère en bonne partie à des initiatives de formation tout au long de la vie et de soutien à l’entrepreneurship (Giddens, 2001). Une deuxième avenue cherche à développer des modalités collectives de sécurisation des trajectoires professionnelles. S’inscrivent dans cette perspective la proposition du Rapport Supiot à l’effet de constituer un état professionnel des personnes, assorti de « droits de tirage sociaux » (Supiot, 1999), ou la perspective des marchés transitionnels du travail, qui cherche à sécuriser les transitions entre différentes positions sur le marché du travail, en accordant à tous de nouvelles libertés (par exemple celle de travailler à son propre compte) et de nouveaux droits (par exemple le droit à la formation, celui de s’occuper de ses enfants ou d’autres proches dépen -dants) (Gazier, 2003).

-Le modèle allemand nous semble plus intéressant parce que le régime d’assurance sociale des artistes indépendants est financé à 50 % par les artistes et auteurs (qui cotisent selon le même taux que celui imposé aux salariés du régime général), à 30 % par les acheteurs de prestations artistiques et à 20 % par l’État et qu’il couvre également la retraite.

-Même si cela n’entrait pas formellement dans le cadre de cette étude, nous avons pu identifier dans la littérature certaines pistes d’action en ce sens, qui mériteraient au moins d’être explorées. La première de ces pistes concerne la création d’emplois complémentaires de qualité pour les artistes (emplois à temps partiel à un ou deux jours par semaine, qui laissent suffisamment de temps et d’énergie pour le travail artistique tout en permettant de survivre financièrement), une suggestion émanant des focus groups réalisés par Mc Andrew auprès d’artistes britanniques en 2002 (Mc Andrew, 2002 : 63 et 69). Une seconde piste concerne l’intervention du législateur pour baliser les relations contractuelles. L’exemple cité est celui d’une législation allemande adoptée en 2002 qui consacre le droit inaliénable des auteurs et artistes interprètes à une rémunération équitable, établie à partir d’une forme élargie de dialogue social : « Pour déterminer le caractère équitable d’une rémunération, des barèmes de rémunération doivent être établis par les associations d’auteurs et d’artistes inter prètes avec des associations d’utilisateurs d’œuvres ou de prestations ou avec des utilisateurs individuels »

-Il est aisé de concevoir le caractère préjudiciable du déficit de protection, à la fois pour les travailleurs indépendants eux-mêmes, pour qui le risque non indemnisé peut conduire à la pauvreté et à la sortie contrainte de l’activité, et pour la société tout entière, qui se retrouvera à payer pour les conséquences de la non-protection, en assumant par exemple le soutien de futures générations de retraités pauvres, à qui leur trajectoire atypique n’aura pas permis d’accumuler des ressources suffisantes.

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