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Milutin Gubash, D’une rencontre avec Gramsci… , image tirée de la vidéo, 2024.

Milutin Gubash + Thomas Kneubühler

Vernissage le vendredi 17 janvier à 17h à OPTICA

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L’artiste Milutin Gubash est habité par une histoire familiale marquée par le déracinement : au début des années 1970, la famille Gubash fuie la République fédérale socialiste de Yougoslavie pour se réfugier au Canada. En plus de créer du lien avec son pays d’origine, Milutin Gubash s’attarde plus globalement à réfléchir aux perceptions des identités culturelles, politiques et sociales. Sa pratique protéiforme offre une critique des systèmes politiques et économiques générateurs d’injustices et d’humiliations, dans une logique compréhensive du monde ancien et moderne.

Theodysseylysystratagilgameshwaspsbookofthedeadgoldenassgolemmarquiseofo exploite les médiums de la vidéo et de la sculpture de sorte à évoquer l’idée d’un voyage ponctué de luttes, parfois marquée par la réussite, parfois par l’échec, dans le souci de faire, voire de trouver du sens.

D’une rencontre avec Gramsci…
Dans une œuvre vidéo, deux migrants d’origines distinctes errent dans les rues sinueuses de la ville éternelle et aboutissent dans le Cimetière non-catholique de Rome. Le premier se rend à la tombe du philosophe marxiste italien Antonio Gramsci et y dépose une menthe; le second s’y rend ensuite, puis mange le bonbon. Que cherche-t-on à rafraîchir? Ou qui?

Parmi les théories gramsciennes plus connues, l’hégémonie culturelle décrit le maintien du pouvoir et de la richesse par l’État et la classe capitaliste dominante – la bourgeoisie – grâce à l’imposition d’une idéologie dictant la norme sociale. Au même titre que la menthe qui envahit tout terrain fertile, l’idéologie dominante infiltre les esprits des masses, toutes deux ayant des répercussions néfastes sur la diversité. Les écrits de Gramsci sont réinvestis de nos jours comme cadre théorique d’une réflexion sur l’(im)migration, laquelle envisage les façons dont les migrants peuvent questionner l’ordre hégémonique et contribuer à des visions alternatives pour une société rafraîchie. L’alliance et la solidarité, réfléchis par le philosophe dans la perspective de la question méridionale, renferment à ce titre un potentiel transformateur.

Extrait

Auteure : Jessica Minier

La pratique multidisciplinaire de Milutin Gubash joue avec les codes narratifs de la vidéo, de la sculpture, de la photographie et de la performance. Lauréat du Prix Louis-Comtois de la Ville de Montréal en 2019, et récipiendaire de nombreuses bourses, prix et résidences internationales, le travail de Milutin Gubash a été largement exposé à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe depuis 2000.

Jessica Minier est coordonnatrice de la Galerie UQO ainsi que chargée de cours en muséologie à l’Université du Québec en Outaouais. Elle y poursuit également des études doctorales qui se penchent sur les pratiques collaboratives de développement des collections muséales remettant en question la logique propriétaire.

 

The Dividing Line

« Si des erreurs sont commises lors de nos contrôles des frontières, cela nuira à la Bulgarie. » C’est ce qu’on peut lire sur un écriteau à côté du portrait peint d’un garde-frontière armé d’un AK 47 et accompagné d’un chien, qui regarde au loin pendant que le plâtre blanc s’effrite autour de lui pour révéler, en-dessous, un mur de briques rouges. Dans la nouvelle exposition de Thomas Kneubühler, intitulée The Dividing Line ou La ligne de démarcation, c’est cet aspect désordonné du paysage frontalier bulgare qui est mis en relief. Ici, le passé et le présent se rencontrent. En traversant l’espace de la galerie, divisé par une longue et froide clôture en acier mesurant trente pieds [environ 9 mètres], nous voyons des murs soviétiques en décrépitude qui se trouvent juxtaposés à des technologies de surveillance modernes. Ces contradictions entre l’histoire et la mémoire, l’innovation et la contestation sont chose courante sur les frontières du monde, d’autant plus que leur contrôle se fait de plus en plus mécanisé et automatisé.

J’ai passé les six dernières années à tenter de comprendre l’interaction précise entre l’ancien et le nouveau, ce qui a donné lieu à un livre intitulé The Walls Have Eyes: Surviving Migration in the Age of Artificial Intelligence. Drones, chiens-robots et intelligence artificielle soutiennent maintenant des régimes frontaliers déjà violents qui séparent les familles, poussent les gens en terrain extrêmement dangereux et causent parfois leur mort. En fait, pour les gens se déplaçant en quête de sécurité, 2024 a été l’année la plus meurtrière à être documentée.

Qu’apportera 2025 ?

L’auteure Harsha Walia nous rappelle qu’en cette période de grande division, « il est très important d’exiger des États qu’ils soient responsables, plutôt que [de nous servir] des récits dans lesquels on reproche aux migrants leurs propres morts : “Ils savaient que ce serait dangereux, pourquoi se sont-ils déplacés ?” ».

Extrait

Auteure : Petra Molnar

Traductrice : Colette Tougas

Né à Soleure, en Suisse, Thomas Kneubühler détient une maîtrise en arts visuels, obtenue en 2003, de l’Université Concordia à Montréal. Depuis, il poursuit une pratique artistique basée sur la recherche, qui comprend le travail sur le terrain dans des endroits isolés et sur des sites dont l’accès est restreint. Abordant les questions du pouvoir, de l’exploitation des ressources naturelles ou des effets des nouvelles technologies sur la société, ses œuvres ont été largement présentées, notamment au Centre culturel canadien à Paris, au Musée d’art contemporain de Montréal, à la Videonale.15 du Kunstmuseum à Bonn, ainsi qu’aux Rencontres internationales de Paris et de Berlin. Il a reçu le Swiss Art Award en 2012 et a été boursier de recherche au Centre for Advanced Studies (CAS) à Sofia, Bulgarie, en 2018.

Petra Molnar est avocate et anthropologue, et se spécialise dans les technologies frontalières. Elle codirige le Refugee Law Lab à l’Université York et est chercheure associée au Berkman Klein Center for Internet and Society de l’Université Harvard. Elle est l’auteure de The Walls Have Eyes: Surviving Migration in the Age of Artificial Intelligence, lequel comptait parmi les finalistes pour un prix du Gouverneur général dans la catégorie études et essais de langue anglaise en 2024.