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Résilience et autres guérisons de Yannick De Serre

Vernissage le vendredi 13 janvier à 17h à Atoll | art actuel

Le travail artistique de Yannick De Serre s’inscrit dans un dialogue entre sa pratique d’infirmier et sa pratique d’artiste professionnel. Partageant son temps entre l’atelier et l’hôpital, il se laisse interpellé par le passage du temps, par la maladie et par le vide causé lorsque la fin s’impose. Malgré les rétablissements, les miracles et la bienveillance, la mort et la douleur sont une part inévitable du quotidien du personnel soignant. Si en contexte hospitalier l’agitation et l’urgence d’agir ne laissent que peu d’espace au recueillement, le deuil est pourtant nécessaire. C’est alors que l’atelier devient lieu de guérison.

Par l’entremise d’une démarche ritualisée, empreinte de sensibilité et de minutie, il capte le poids de l’absence engendré par la perte d’un être cher et transcende sa souffrance par des gestes symboliques incarnés dans l’agir artistique. Les œuvres délicates, mais poignantes qu’il présente dans le cadre de l’exposition Résiliences et autres guérisons, se dévoilent en une poésie du seuil, du passage et de l’absence.

À la suite du premier décès auquel il a dû faire face, l’artiste cherche un objet rituel pour l’accompagner dans ce passage difficile. Il tombe alors sur un mouchoir de tissu, qu’il achète, puis laisse tout près de sa table d’atelier. Au fil du temps, l’étoffe est utilisée pour essuyer ses surfaces, ses mains et ses encres ainsi que pour gaufrer son papier. C’est ainsi que, tout naturellement, le rituel s’installe. Depuis 2004, l’artiste souligne chaque décès qu’il rencontre en contexte professionnel à l’aide d’un mouchoir antique brodé d’une fleur, utilisé dans le cadre de sa pratique d’imprimeur. Chaque départ est marqué par le choix d’une nouvelle pièce de tissu qui est à son tour maculée par les traces de la création. À la fin d’une année, ces dernières sont emballées et préservées dans un linceul de papier japonais. Les paquets sont ensuite identifiés d’un sceau, du nombre de décès comptabilisé et de la signature de l’artiste. Ils composent l’œuvre Linceul.

L’ampleur de la charge émotive se révèle dans la répétition du geste. Chaque mouchoir représente un deuil particulier et est le fruit d’une démarche de guérison fort personnelle. Pourtant, le fait de leur accumulation transcende leur spécificité pour évoquer la souffrance universelle associée à la mort. La délicatesse qui caractérise les interventions de l’artiste engendre une intimité singulière entre l’œuvre et la personne qui la regarde. La résilience se laisse apprivoiser tranquillement dans la sobriété et la minutie.

L’enchevêtrement des deux univers transparait jusqu’au choix des outils, des techniques et des matières utilisés par l’artiste. Le scalpel devient exacto, l’aiguille médicale se transforme en pointe sèche et les techniques de suture se mêlent à celles de la broderie. Les instruments du soignant et les outils de l’artiste sont d’ailleurs présentés côte à côte, évoquant leur potentiel commun de guérison. Le tout s’accompagne d’une série de mots gravés à même la matière. L’affect, Afin de garder en mémoire, Mortalité, Protège-moi, Ciseler : ces fragments de pensées ponctuent la lecture de l’exposition, nous faisant vaciller entre la tendresse et le déchirement. Ils sont témoins du processus qui mène de la souffrance vers l’apaisement. Des cicatrices impérissables et magnifiques.

Yannick De Serre est détenteur d’un baccalauréat en arts visuels de l’Université Laval. Il expose à travers le Québec en plus d’assurer une présence dans les grandes foires internationales (Papier-2015 à 2018, Art Basel-2013, TIAF-2011, Sydney et New- York-2010). En 2012, le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul acquiert l’une de ses œuvres. Depuis, nous retrouvons ces œuvres dans de nombreuses collections privées et institutionnelles. La production récente de l’artiste met l’emphase sur sa pratique d’infirmier qu’il exerce depuis 2004 en milieu intensif. Il y questionne la notion de « caring ». Empreint de sensibilité, l’intimité de son art vient trouver écho auprès de tous.