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Poids, plumes de Sara A.Tremblay
Habiter dorénavant seule sa maison à la campagne. Le salon est vide. Il ne restera pas inoccupé. La grande bâche de coton, plus si blanche après avoir été longtemps dehors, y est maintenant accrochée. Tout près des portes vitrées, elle baigne toujours dans la lumière du jour. Par ce geste, Sara A.Tremblay se réapproprie son espace, son territoire. Elle crée une zone de travail où la vie se déroule, se met organiquement en scène, se performe. De ce lieu, elle capte son quotidien, ses plantes, ses récoltes, ses fleurs fraîches, coupées et séchées, ses animaux de compagnie, ses objets – dont un grand miroir – et même ses œuvres. Elle s’y photographie également. Les autoportraits captent le temps, attestent des évolutions, des révolutions et des expériences. C’est une façon de raconter et de vivre sa vie, de déployer sa vulnérabilité.
Avec Poids, plumes, l’artiste nous permet de plonger dans son univers. Elle propose un atlas de vie reconstitué. Sur un des murs, des photos de tailles diverses sont accrochées en ordre principalement chronologique. Elles sont nombreuses. L’ensemble frappe. Il y a beaucoup de photos parce que vivre exige beaucoup. Plus qu’un geste cathartique, la photographie est une marque de présence, d’existence. Elle accompagne les jours de l’artiste. La photographie témoigne, évoque. L’approche de Sara A.Tremblay, cumulative et intuitive, est empreinte d’humanité et fait montre d’une grande humilité. Son travail nous renvoie à notre relation à la nature, au cycle des saisons, à la vie et à la mort.
À ce titre, son œuvre Portrait (2004-2017), siégeant dans la petite salle de la galerie, est très emblématique. Boîte monolithique construite de la même grandeur que l’artiste, encapsulant de façon définitive plus d’une décennie de production artistique, elle agit également comme un cadre en laissant voir son contenu. On y aperçoit les vestiges de son travail plus directement performatif, créé le plus souvent devant une caméra ou un public. Parmi ceux-ci, notons l’immense dessin du projet In and Out, les sphères de béton de 277 Days, celles d’argile de Stone Portrait et les amulettes, de toutes petites boules, de Worry Stones. S’y retrouvent aussi ses grandes photographies qui ont été taillées, puis empilées avant d’être pour la plupart, comme les dessins et les sculptures, laissées dehors, disséminées ou enterrées, soumises aux intempéries. Si, pour l’artiste, la création est une façon d’évacuer ce qui l’assujettit pour retrouver un certain équilibre, Portrait (2004-2017) apparaît ici comme l’ultime geste rituel libérateur. Il permet aussi d’admirer, par strates et sous forme comprimée, tout le labeur de la production de l’artiste. Les deux principales pièces de Poids, plumes se font écho.
La vie éprouve et s’éprouve. Sara A.Tremblay s’en saisit et arrive à canaliser toutes ses expériences de vie afin de créer une proposition artistique nuancée, riche et sensible.