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Isabelle Pauwels et Joyce Wieland
Isabelle Pauwels
If It Bleeds
“Inspiré par des évènements dans le monde des arts martiaux mixtes, If it Bleeds ne peut pas — ou ne veut pas — faire la différence entre un vrai combat et un faux combat. Bon acteur ou mauvais menteur? Showman ou sportif? Saigner, transpirer, échouer, pleurer peut-être, nier et/ou témoigner, gagner ou apprendre, faire semblant, prier — donnez-moi du bluff avec ça — c’est juste un autre corps qui mûrit, sous les projecteurs, soutenu par la fiction que tout arrive ‘pour une raison’. Parfait? Non. Invaincu? Oui! ”
— Isabelle Pauwels
Bien que la narration de If it Bleeds s’articule autour d’un groupe de combattants qui s’affrontent, c’est sur le spectacle qui entoure les évènements d’arts martiaux mixtes que s’arrête vraiment Pauwels. En mettant l’accent sur l’annonce des combats, les tournées promotionnelles, les conférences de presse d’après combat et les audiences disciplinaires, l’artiste souligne l’ironie d’un monde qui crée sa propre rhétorique pour se valider, énoncer sa vérité. Essentiellement, l’œuvre explore la représentation tant grotesque que sublimée des interactions humaines. Ce qui n’est pas sans trouver écho dans la culture ambiante actuelle où l’authenticité se crée dans et par l’artifice.
Quoique les acteurs incarnent leurs personnages de manière crédible, la structure du montage les force à s’immiscer dans les scènes des autres et à se substituer les uns aux autres dans une succession rapide qui défie toute logique syntaxique et met en pièce le fonctionnement référentiel du langage. Comme le font également les décors non réalistes, très fragmentaires, et pourtant génériques. Dans la dérision, les mots ne désignent plus rien que le dysfonctionnement, la disparition des objets, des décors, des corps, voire la vacuité de toute tentative de représenter le monde.
Pauwels dit de sa pratique qu’elle explore notre investissement commun dans le monde comme une compilation de représentations, de conventions narratives et de clichés. Que nous nous engageons dans ce monde à la fois en tant que spectateurs et en tant que performeurs, souvent simultanément.
À l’invitation de Dazibao, Isabelle Pauwels a remanié substantiellement If it Bleeds afin d’en repousser les limites et de, en quelque sorte, transposer, voire exacerber, dans la physicalité de l’espace de la galerie les motifs et la structure de l’œuvre originale.
If It Bleeds (2018/2021) est une nouvelle version d’une œuvre vidéo à l’origine à canal unique (4K, 44 minutes) produite en 2018 et commissionnée par EMPAC-RPI (Experimental Media and Performing Arts Center at Rensselaer Polytechnic Institute, Troy, New York), soutenue financièrement par le Conseil des Arts du Canada et le British Columbia Arts Council
Isabelle Pauwels vit et travaille présentement à Montréal. Elle a terminé un baccalauréat en beaux-arts de l’Emily Carr Institute of Art and Design (Vancouver) en 2001, et une maitrise en beaux-arts de la School of the Art Institute of Chicago en 2006. En 2009, elle a été la première lauréate du Brink Award, décerné à un artiste en début de carrière travaillant dans l’État de Washington, en Oregon ou en Colombie-Britannique. En 2013, elle a été finaliste pour le Prix Sobey. Récemment, son travail a été présenté au Musée d’art contemporain de Montréal, à la galerie Unit 17 de Vancouver et au Experimental Media and Performing Arts Centre du Rensselaer Polytechnic Institute, à Troy (New York).
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Joyce Wieland
Figure majeure de l’art contemporain au Canada, Joyce Wieland (1930-1998) est une artiste féministe dont le travail a exploré un vaste éventail de matériaux et de médias — dessin, peinture, installation, cinéma. Particulièrement reconnue sur la scène internationale pour sa contribution à l’essor du cinéma expérimental, elle a créé un art percutant et engagé dont l’influence persiste aujourd’hui. C’est cet engagement politique de Wieland que ce programme met en lumière en réunissant des œuvres vidéo dont la sensibilité singulière révèle, en ses replis, une ironie empreinte d’un symbolisme aux métaphores mordantes. Clairement, Wieland, est précurseure de ces œuvres avouant que c’est souvent dans l’absurde — dans un flux intarissable — et l’absence — dans ce qui est retranché de la réalité donnée à voir — que l’artiste témoigne le mieux de son époque.
Programme 1 (78 min. 40 sec.) — débute à midi et 15 h
Pierre Vallieres (1972) — 32 min. 30 sec.
Il a livré trois essais, sans s’arrêter, sauf pour un changement de bobine et une panne de caméra : 1) le Mont Laurier ; 2) l’histoire du Québec et la race ; 3) la libération des femmes. Tout ce qui s’est passé est enregistré sur la pellicule. C’était un plan unique, soit je le filmais, soit je le ratais. Ce que l’on voit sur la pellicule, c’est la bouche d’un révolutionnaire, de très près, ses lèvres, ses dents, ses postillons, sa langue qui roule si joliment à travers son français, et enfin les reflets de la fenêtre derrière moi sur ses dents. — Joyce Wieland
Solidarity (1973) — 10 min. 40 sec.
Un film sur la grève de Dare au début des années 1970. Des centaines de pieds et de jambes qui défilent, marchent et tiennent des piquets de grève, le mot « solidarité » apparaissant en surimpression à l’écran. La bande sonore est le discours d’un organisateur sur la situation ouvrière. Tout comme ses films Rat Life and Diet in North America, Pierre Vallieres et Reason Over Passion, Solidarity combine une prise de conscience politique, un point de vue esthétique et un sens de l’humour propres à l’œuvre de Wieland.
Rat Life & Diet In North America (1968) — 16 min.
« Je peux vous dire que le film de Wieland tient la route. C’est possiblement le meilleur (ou le plus riche) film politique qui existe. Il est question de rebelles (interprétés par de vrais rats) et de policiers (interprétés par de vrais chats). Après avoir longtemps souffert sous le joug des chats, les rats s’évadent de la prison et s’enfuient au Canada. Là-bas, ils se lancent dans le jardinage biologique, sans utiliser de DDT dans l’herbe. C’est une parabole, une satire, un film d’aventure, ou vous pouvez l’appeler pop art ou tout autre art que vous voulez — je trouve que c’est l’un des films les plus originaux réalisés récemment. » — Jonas Mekas
« Le film est plein d’esprit, articulé, et bien loin de tout le gentil humanisme animal dont le cinéma nous a écœurés par le passé. Néanmoins, il constitue une extension essentielle de l’aspect de ses films qui va à l’encontre du principe structurel : le symbolisme ironique. » — P. Adams Sitney, Film Culture
« Rat Life and Diet in North America (La vie et le régime alimentaire des rats en Amérique du Nord) démontre qu’elle s’intéresse depuis longtemps et avec affection à la vie animale. Elle est en quelque sorte une Evelyn Nesbit fantaisiste, jamais sentimentale et dotée d’une intense féminité. » — Manny Farber, Art Forum
Cat Food (1967) — 13 min. 30 sec.
« Un chat mange méthodiquement un poisson polymorphe. Au même rythme, le projecteur dévore la pellicule, non moins méthodiquement. Le Lai de Grimnir parle d’un sanglier sauvage dont la chair magique est dévorée, une nuit, par les héros du Valhalla, et se régénère miraculeusement à l’aube, dans la cuisine. Le poisson dans le film de Wieland, et la chair miraculeuse du film lui-même, se reconstruisent à chaque rembobinage pour être dévorés à nouveau. Métaphore dionysiaque de la force, aussi ancienne que l’Occident. Lorsqu’on s’aperçoit que le poisson est le protagoniste de l’action, cette métaphore se reflète jusqu’à l’incandescence dans notre esprit. » — Hollis Frampton
Handtinting (1967) — 6 min.
Handtinting est un titre pertinent pour un film réalisé à partir de scènes coupées extraites d’un documentaire réalisé par Job Corps, dont certaines parties sont colorées à la main. Le film est constitué de petits mouvements et d’actions, de gestes amorcés et jamais achevés. Des images répétées, parfois en couleur, parfois non. Un film comme une musique de chambre magnifiquement réalisé où le sentiment de rituel est total. » — Robert Cowan, Take One
Programme 2 — (83 min. 40 sec.) — débute à 13 h 30
Reason Over Passion (1969)
« Les films de Joyce Wieland sont parmi les plus touchants que j’ai jamais vus, elle expose son point de vue et aborde une question avec féminité, sans se soucier de lisser les contours. Antidialectique, La raison avant la passion offre une vision déchainée du Canada. » — Douglas Pringle, ArtsCanada
« REASON OVER PASSION… est le plus grand film de Joyce Wieland à ce jour. Avec ses nombreuses excentricités, ce film est à l’image de sa personnalité artistique : une vision lyrique nuancée par une forme agressive et un patriotisme visionnaire mêlé à une autoparodie ironique. C’est un film à voir plusieurs fois. » — P. Adams Sitney, Film Culture