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Espacements de Marie-Michelle Deschamps
L’exposition Espacements amène Marie-Michelle Deschamps à dévoiler trois aspects de sa pratique évoluant au fil des salles d’AXENÉO7, où le centre devient formellement un théâtre de l’intimité domestique : le couloir arpente les salles comme les pièces d’une maison. Tout en délicatesse, les personnifications spatiales se meuvent en métaphores définissant la relation de l’artiste au regard de soi, de l’autre, et de l’autre venant de soi
À cette approche méta-discursive de l’espace vient s’ajouter le schème du langage, notion aussi prépondérante dans le travail de Deschamps. Dans son ouvrage The Twofold Room [La chambre double], l’artiste imagine une relation serrée d’interdépendance entre le langage et un hôtel. Avec poésie, l’artiste dépeint les éléments du lieu — le hall d’entrée, le corridor, la chambre à coucher, le lit —, leur interaction avec le corps — intime, sensuelle — et les rapproche au langage par des jeux de mots métaphoriques, des figures de style imbriquant le concret à l’abstrait. Dans la première salle d’exposition du centre, les bas reliefs intitulés Coquilles reprennent ce principe d’osmose trouble du signifié et du signifiant. Faits à même le mur avec du composé à joints mélangé à de la poudre de marbre, Deschamps détourne un matériau habituellement utilisé pour masquer et le transforme en ornementation. La matière, ajoutée au mur couche par couche — pour corriger la coquille ? —, s’apparente à une — coquille — carapace protectrice, un espace dans lequel on se dissimule et se recueille.
Vient ensuite la rencontre avec l’autre, où l’intériorité individuelle s’ouvre et laisse place à la collaboration, à l’amitié, donnant naissance à l’installation musicale Première adresse, conçue par l’artiste pour — et avec — son amie percussionniste Corinne René. Tandis que l’une utilise les métaux pour travailler la matière, l’autre s’intéresse aux propriétés musicales de celle-ci, laissant cette volonté commune de créer des objets musicaux esthétiquement plaisants, tant aux oreilles qu’aux yeux.
À la marge du soi et de l’autre, demeure l’autre venant de soi, une tension sensible entre introspection et partage au sens de longévité. Deschamps dépeint dans la troisième salle le lien qu’elle entretient avec son enfant, l’implication que la maternité a eu sur sa pratique, et les traces que celle-ci y a laissées. Encore une fois, l’artiste renverse le sens préconçu de la notion d’héritage : en reproduisant les dessins de son enfant, elle prend la place de l’élève, laissant ainsi l’occasion à son fils de marquer son travail, d’altérer sa pratique, de graver ce moment précis de la relation dans le temps, par le biais de l’émail cloisonné.
Tout l’intérêt du travail de Deschamps réside dans le fait que rien n’est laissé au hasard. Du choix de la matière au sens formel de l’exposition dans son espace de présentation, l’imbrication de chaque élément est réfléchie avec soin et laisse découvrir des couches sémantiques dont l’exploration prend l’amplitude de son œuvre. L’inutile devient trésor, la marge devient refuge, la matière devient temps.