- This event has passed.
Barbara Steinman et Pascale Théorêt-Groulx
Barbara Steinman : Diving for Dreams
Observatrice attentive de ce qu’elle a jadis nommé les « strates d’impermanence », c’est-à-dire des trajectoires entrelacées du temps et de l’Histoire, des mémoires individuelle et collective, Barbara Steinman invite les visiteurs à une réflexion sur l’espace — sur ce lieu de la Fonderie Darling situé en plein cœur des transformations architecturales radicales et autres aménagements urbains du quartier, et dont le volume incarne à la fois le comble du luxe et comme une espèce en voie de disparition. Prenant le parti de laisser l’espace pratiquement vide, l’artiste effectue une série d’interventions lumineuses tout autour du périmètre de la Grande salle. Une composition en néon se déploie sur trois pans de murs bleu ciel et se livre comme un rébus, associant des dessins quasi enfantins à des silhouettes d’animaux sauvages. L’œuvre photographique Jour et Nuit (1989), initialement une commande in-situpour le Musée des beaux-arts du Canada, est déplacée de son contexte et reconfigurée pour évoquer le souvenir d’une vie antérieure – celle du lieu, celle de l’œuvre, peut-être aussi la nôtre. Dans l’anfractuosité qui zèbre le grand mur de briques, au fond, se niche une pièce de verre et de miroir, comme un déclencheur de rêves animant toute la surface palimpseste du bâtiment. Une carte postale dissémine un « souvenir », à peine altéré, de la façade iconique de la Darling Brothers Foundry. L’exposition Diving for Dreams transforme ainsi l’ancienne fonderie en refuge et en maison temporaire, pour abriter les rêves d’enfance, les êtres et les espèces en danger, les promesses d’appartenance et le souci de l’autre.
Ji-Yoon Han
—
Pascale Théorêt-Groulx : 9.8 Mètres par seconde par seconde
Pascale Théorêt-Groulx s’intéresse à la dichotomie entre la science et l’humain, entre ce que l’une a de savant, d’irrévocable, de théorique et ce que l’autre a de maladroit, d’affectif et de perceptible. Non sans humour, par le biais d’installations, de sculptures et de vidéos, dans des propositions légères en apparence bien que réflexives, l’artiste confronte ces deux mondes aux oppositions parfois très prononcées.
Par exemple, la sculpture Machine à bulles, un caisson en plexiglas rempli d’eau dans lequel est plongé un tuyau connecté à une pompe responsable d’un bouillonnement de bulles d’air, est la reproduction miniature d’une machine utilisée dans certains centres aquatiques pour amortir l’impact des plongeurs au contact de la surface. Cette installation fait sourire par la suggestion du plongeon raté qu’elle évoque et de la maladresse involontaire du sportif. Ou encore cette combinaison de cosmonaute pour le moins improbable, faite à partir de membrane de construction Tyvek greffée de poches remplies d’air – dont une danseuse se vêt le temps d’une performance lors du vernissage de l’exposition – semble vouloir défier les lois de l’apesanteur, et le ridicule. Ce défi d’apesanteur peut également s’appliquer à la vidéo Monter en bas présentant en fond d’écran un ciel dont les nuages défilent imperturbablement. Sur celui-ci apparaissent de façon intermittente, projetés dans l’espace tels des images subliminales ou des hallucinations, des flashs de capsules dans lesquelles des actions mystérieuses et des objets non identifiés, des exclamations et des rires, apparaissent et résonnent subrepticement. Pour accentuer la fragilité du phénomène, le projecteur est déposé de manière précaire sur une structure de béton et de bois, à la limite de l’instabilité. Cet échafaudage est tout aussi instable que la construction régissant la vidéo À Perpétuité dont l’écran est suspendu par 2 câbles et déposé sur un bloc de manière à l’incliner vers l’arrière. Elle présente en plan rapproché la tête d’une femme vue de dos, couchée sur le sol. Des balles de ping-pong, parfois en suspension, parfois tombant et roulant sur elle, se succèdent et rythment cette action douteuse. Par ces confrontations, Théorêt-Groulx cherche à pointer le décalage entre la vérité scientifique et le monde sensible, le savant et le profane, dans des propositions qui défient allègrement les codes esthétiques autant que les lois de la physique.
Caroline Andrieux