En résidence au centre SAGAMIE : Matthieu Brouillard

En résidence au centre SAGAMIE
Matthieu Brouillard

Trois pensionnaires dans une salle de séjour (2005)

Singulière, l’œuvre de Matthieu Brouillard. Au premier regard, de par la facture des images, leur esthétique sombre et les univers abordés, nous serions tentés de croire à une possible relecture du genre documentaire. Or, il n’en est rien… ou si peu. Certes, Brouillard renoue avec une dimension du tragique propre à une certaine imagerie documentaire, avec cet inquiétant sentiment d’être confronté à des individus dysfonctionnels évoluant dans des environnements sinistres. Mais bien au-delà du drame individuel, c’est aux limites, à l’intensité ultime des choses que s’intéresse Brouillard. L’artiste s’approprie le dispositif photographique pour en décupler les qualités les plus intrinsèques, pour en relever les articulations, les tensions les plus paradoxales.

De ces images complexes émanent de curieuses corrélations entre le documentaire et le théâtre, entre cet excès de réel donné à voir par une image d’une précision extrême et ce surréel (ce surcroît) qui fait tout basculer dans l’improbable; entre cet irréel assemblé numériquement et cette netteté photographique qui suscite une si forte impression de transparence, de présence, de réalité.

Malgré un attachement palpable à une certaine tradition photographique, les œuvres de Brouillard s’inscrivent d’une manière fascinante en résonance au théâtre de Beckett, au principe de distanciation de Brecht, non sans être traversées de pulsions qui pourraient s’apparenter à celles d’un David Cronenberg. Pourtant dénuées de pathos, ces photographies, dans leur intensité, bouleversent les certitudes ordinaires de ce que nous sommes et du monde dans lequel nous vivons.

Né en 1976 à Montréal, Matthieu Brouillard pratique la photographie, le dessin et la vidéo. Il détient une maîtrise en arts visuels de l’UQÀM et rédige actuellement une thèse de doctorat sur les liens qu’entretiennent théâtralité et photographie. Il s’est mérité des bourses de la Fondation UQÀM, du Conseil des Arts du Maurier et du FQRSC. Sa plus récente série photographique, intitulée Les cadavres anticipés, a été présentée à Toronto et à Montréal et le sera prochainement à Alma et à Québec. L’artiste vient de terminer une installation vidéographique réalisée en collaboration avec l’écrivain Gaétan Soucy et l’architecte Peter Soland.

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