Corina Kennedy, Adrian Norvid et Erin Weisgerber, vernissage le jeudi 14 septembre à 17h à la Galerie FOFA

Tender for All
Corina Kennedy

L’œuvre intitulée Tender for All de Corina Kennedy explore le côté tant public que privé des thèmes de la maisonnée, du logement, de l’amour et des dettes. Donnant la réplique aux inscriptions gravées dans la pierre des murs d’établissements, l’artiste a sculpté à la main une série de reconnaissances de dettes sur des panneaux isolants. Au lieu de listes de noms de bienfaiteurs distingués ou encore, de citations dignes d’être immortalisées dans le marbre, des notes informelles sont rédigées dans la voix du débiteur, chaque lettre minutieusement découpée dans la mousse de piètre qualité – un texte négligé dans le ton, mais méticuleux dans la forme.

Le titre de l’œuvre, Tender for All, s’inspire de l’inscription apparaissant sur les billets de banque américains : This note is legal tender for all debts, public and private (« ce billet a cours légal pour le paiement de toutes dettes, publiques comme privées »). Par sa proposition axée sur l’intimité et la démocratie, Tender for All invite à la méditation sur le labeur invisible et les dettes dissimulées, réunissant ainsi la réflexion intime et l’économie publique.

Les phrases sont à la fois issues de la main de l’artiste et empruntées de collègues, d’étudiants, de manchettes et de campagnes. Dans l’ensemble, elles sont sorties de leur contexte, floues dans leur chronologie et souvent, se répètent – c’est la marque de l’accablement. Jumelées à l’envergure de l’installation, ces notes évoquent un poids psychologique particulier. En contraste, l’artiste fait appel à un matériau léger, souvent couvert de personnages de bandes dessinées, conçu pour être dissimulé derrière un mur. C’est le rêve de tout débiteur, en quelque sorte – un fardeau écrasant qui devient soudainement négligeable.
 

Minerva’s Owl
Erin Weisgerber

Pendant plus d’un siècle, la pellicule photographique et cinématographique a façonné la manière dont les gens se sont rappelé, ont rêvé et ont perçu le monde. Elle a été la grande machine à rêve de l’époque industrielle. Or, aujourd’hui, l’industrie de la pellicule a en grande partie disparu en Amérique du Nord, ne laissant derrière elle que des souvenirs architecturaux. Eastman Kodak, par exemple, ancien géant de l’ère industrielle, a fait faillite, et le cinéma analogique s’est presque éteint, remplacé bien souvent par le cinéma numérique.

L’œuvre Minerva’s Owl (« la chouette de Minerve ») est une installation à base de films de 16 mm qui montre la tour Kodak de Rochester (New York) – immeuble de l’ère industrielle – filmée sur une période de 24 h. En séparant, en recombinant et en rendant visibles les trois couleurs primaires additives, l’installation rappelle l’histoire du cinéma et de la photographie en reproduisant les premières expériences ayant mené à la reproduction des images en couleur. Elle imagine aussi avec espièglerie un futur proche dans lequel les fabricants de pellicule ont disparu et les artistes se voient contraints d’inventer des techniques pour faire des films en couleur. La répétition en boucle des images prises le jour et la nuit évoque l’essor et le déclin de la production industrielle de la pellicule, et symbolise les cycles de vie limités de toutes les technologies de communication, ainsi que des mondes qu’elles créent et auxquels elles appartiennent.

Mer paraguayenne / Paraguayan Sea
Andrew Forster & Erín Moure

Intervention textuelle dans l’espace public, Mer paraguayenne/Paraguayan Sea est le fruit d’une collaboration entre l’artiste visuel montréalais Andrew Forster et la poète montréalaise Erín Moure. La bande jaune de grande dimension est déployée à l’extérieur, enveloppant les façades du rez-de-chaussée du pavillon EV (génie et arts visuels) de l’Université Concordia qui donnent sur les rues Sainte-Catherine et McKay, au centre-ville de Montréal. Cette œuvre graphique et typographique relaie le texte poétique d’Erín Moure, une traduction en anglais qui utilise trois langues—français, anglais et guaraní—du roman Mar Paraguayo de l’auteur brésilien Wilson Bueno, écrit en portunhol et guaraní.

L’œuvre exprime un questionnement sur la possibilité de tourner les pratiques créatrices complexes et rigoureuses (comme l’art) vers l’extérieur et l’espace public – telle une peau retournée. Comment ce viscère de langage poétique rivalise-t-il avec la syntaxe instrumentale des publicités et du « branding » de la rue? Le texte n’est pas bilingue ou trilingue, mais sinue entre trois langues pour rendre un sens global. Ainsi, il reflète non pas une politique linguistique officielle, mais plutôt un amalgame vécu et imaginatif de langage et de signification qui évoque le mélange créatif propre à l’hybridité urbaine montréalaise.

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