Claudie Gagnon, Karen Kravenu et Frédéric Lebrasseur, vernissage le jeudi 24 janvier à Clark

salle 1
claudie gagnon
les queues de comète

Véritable espace immersif, l’œuvre Les queues de comète de Claudie Gagnon, se décline en sept structures suspendues rassemblées au centre de l’espace de manière à évoquer un îlot. Des pièces de taille réduite, qualifiées de « satellites », s’y trouvent déployées. Bien que les matériaux domestiques, pauvres et triviaux qui ont fait la réputation de l’artiste soient ici encore utilisés  –  éponges à récurer métalliques, bandes élastiques, poussières, cheveux, nouilles, tubercules germés, etc.  –  ils sont plus difficiles à reconnaître. Déconstruits, étirés, désarticulés, ils flottent dans la quasi-pénombre de l’espace, que Gagnon cherche ainsi à effacer en empruntant une stratégie bien connue des planétariums : faire oublier leur contexte en réduisant au maximum les repères spatiaux des visiteurs. Les objets, situés ainsi dans une atmosphère qui rappelle celle d’une grotte ou d’un espace infini, paraissent étrangement animés d’un esprit propre, frémissant et gémissant dans leur coin. Le spectateur est invité à circuler à travers l’assemblage au-dessus duquel court un réseau complexe composé de fils. Évoquant un appareil nerveux, ils sont responsables des légers tressautements affectant les corps en suspens. Une vague rumeur émane du cortège. Pourtant, dès que l’on s’approche d’un élément individuel, il est facile d’en identifier la tonalité personnelle, qui se détache de l’ensemble pour en marquer la singularité. Des lueurs apparaissent et disparaissent au rythme des déplacements, rappelant des phénomènes naturels comme l’action des lucioles ou les lueurs des étoiles. Terne de loin, l’installation regorge de détails pour celui qui choisit de s’en approcher.

Le côté vieillot et poussiéreux des objets, les insectes naturalisés et les traces du passage mystérieux d’un individu inconnu  –  tous des indices pour le spectateur y déambulant  –  contribuent à alimenter chez ce dernier le sentiment inquiétant qu’il se trouve dans un temps figé, incertain, où quelque chose est peut-être sur le point d’advenir. Si une forme de nostalgie, voire de douce mélancolie émane généralement des œuvres de l’artiste, ici ce sentiment est moins lié à un rappel de notre propre mortalité, généré habituellement grâce à des arrêts sur image transformant des scènes de l’univers domestique en tableau hors du temps. En effet, Les queues de comète évoque plutôt une imagerie liée aux vieux laboratoires, du temps où les expériences occultes et la magie, notamment par l’entremise de l’alchimie, n’étaient pas aussi éloignées qu’aujourd’hui de ce qu’on considérait alors comme la sphère scientifique. C’est à ce que la culture populaire a retenu de ces histoires, intégrées à l’imaginaire de tous, que l’on doit l’odeur de poussière et l’impression d’obsolescence qui se dégage de l’ensemble.

Collaborateur / concepteur sonore : Frédéric Lebrasseur

 

salle 2
karen kraven
as above, so below

Avec As Above, So Below, Karen Kraven sollicite l’imaginaire du spectateur en l’obligeant à se raconter, voire à s’inventer, l’histoire reliant les éléments qu’il observe ou expérimente. Une immense photographie noir et blanc au grain extrêmement présent tapisse, telle une murale, le mur du fond de la petite galerie. Recouverte d’une grille formée de roches aux propriétés magnétiques, l’image montre l’ouverture condamnée d’une pièce qui, selon la légende, aurait autrefois servi de repaires pour les activités illégales menées par Al Capone durant la prohibition. Un dossard de jockey reprenant celui porté par Earle Sande, qui courait en 1930 sur le cheval Gallant Fox, qualifié de météorite, mène aussi à l’histoire du truand qui fréquentait assidûment l’univers de la course et du jeu. Une photographie plus énigmatique, encadrée et accrochée au mur, montre une forme sphérique blanche se découpant dans un environnement noir alors qu’une boule, de la taille de la lueur immortalisée, est encastrée dans une autre cloison de la galerie. Les trous enfoncés dans la surface sphérique trahissent sa nature de boule de bowling, suspendue entre deux pièces, entre deux temps, à l’image de l’installation elle-même dont la salle principale se prolonge, au moyen de la murale fixée à une de ses extrémités, dans un univers autre, issu d’un autre temps et d’un autre espace. Une copie d’un ancien numéro du magazine Playgirl ainsi qu’une structure sculpturale se trouvent également sur les lieux.

Parce qu’elle est scellée, l’ouverture agit comme une provocation, attisant la curiosité, l’attirant à la manière d’un aimant. Que reste-t-il sur les lieux du crime? Que se passait-il réellement derrière cette palissade? En quoi le magazine et les autres accessoires dispersés sont-ils liés à l’anecdote à laquelle l’artiste elle-même souhaite nous faire penser? L’installation, agissant comme une mise en scène,comme un décor attendant que les acteurs de la scène devant s’y dérouler daignent se présenter, paraît en suspens. Sa facture ancienne, dépassée, en fait un canevas idéal pour la projection : appartenant à une autre époque, il est encore plus facile d’en fabuler le contexte. Il n’est d’ailleurs pas anodin de noter que Karen Kraven s’est toujours intéressée au cinéma, aux plateaux de tournage et aux artifices qui y sont déployés. En témoigne l’installation This is a Place to Wait out the Rain, présentée en 2011 à la galerie Leonard & Bina Ellen, à l’occasion de l’exposition Ignition sur le travail d’étudiants terminant leur maîtrise. L’œuvre révélait le procédé par lequel, au cinéma, on donne l’illusion de la pluie, c’est-à-dire en faisant glisser des gouttes le long d’une vitre donnant sur l’extérieur. Bien que l’on voie rarement lors d’un orage l’eau s’écouler ainsi sur les paroies d’une fenêtre, le cinéphile n’y voit que du feu. Ce qui prouve d’une façon légèrement dérangeante que l’on croit parfois davantage à l’idée que l’on se fait de la réalité qu’à la réalité elle-même.
www.karenkraven.com

 

Poste audio
frédéric Lebrasseur
J’ai été élevé par des végétaux live à la radio

Musicien autodidacte et improvisateur né, Frédéric Lebrasseur se retrouve derrière la batterie et aux percussions dans une tonne d’orchestres. Créateur d’univers sonores dynamiques et particuliers au théâtre, dans le monde de la marionnette, au cinéma, au cirque et en danse contemporaine, sa musique et ses performances ont fait le tour du monde. Il aime relever les défis, que ce soit concevoir la dramaturgie et la musique pour une fontaine ou diriger une symphonie portuaire improvisée du mât d’un bateau, pour commémorer les 20 ans de la démocratie en Pologne. Il présente l’œuvre J’ai été élevé par des végétaux live à la radio!, créée dans le cadre du Mois Multi 10 à Québec, au café-bistrot L’Abraham-Martin et présentée en direct sur les ondes de CKIA 88,3. Un spectacle sonore en solo sur le thème des végétaux, des animaux, de la vie et de la mort, une improvisation sur batterie, laptop, légumes et autres végétaux.

 

Abonnez-vous au bulletin du Réseau art Actuel