Les volutes de fumée seront à l’honneur cet été sur la place publique de la Fonderie Darling. Le trio à l’humour décapant BGL a choisi d’investir l’espace en y présentant Chicha Muffler, une installation participative qui nous invite à adopter le rythme lent du narguilé. Renversant une voiture, les artistes Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière ont délogé des entrailles du bolide le pot d’échappement, métamorphosant du même coup la pièce mécanique en pipe à eau collective. Spontanément, l’opération fait sourire, mais fidèle à la manière de faire du collectif, le geste n’est pas gratuit. Sous des airs festifs, un questionnement sur nos modes de vie et notre rapport à l’environnement nous est lancé.
Avec Chicha Muffler, BGL s’attaque une fois de plus à cette icône de la consommation et d’une certaine manière de vivre nord-américaine qu’est la voiture. Après en avoir notamment sculpté un modèle grandeur nature en bois (Perdu dans la nature, 1998) et s’en être servie pour parader dans les rues de Québec (Montrer ses trophées, 2005), le trio met ici son usage traditionnel en échec, au profit d’un usage collectif qui favorise à la fois le plaisir et l’échange. À l’encontre des comportements individualistes qu’engendre la conduite automobile, Chicha Muffler peut devenir la prémisse de rencontres et de discussions des plus variées et des plus hétéroclites. Cette réciprocité souhaitée est à l’image du calumet de paix qui venait sceller une entente entre les individus et les peuples. Mélange des genres et des cultures, cette œuvre se présente comme une proposition ouverte adressée aux visiteurs de la Fonderie Darling et aux quidams, travailleurs ou résidants du quartier.
Une invitation qui suggère, à qui l’accepte, d’adopter une posture pour le moins ambiguë. En effet, la finalité du moteur n’est plus le silencieux, mais bien la bouche des participants. En créant ce véhicule hybride nouveau genre, BGL ne manque pas de faire un pied-de-nez à la rectitude politique ambiante. Submergés par une rafale de réglementations et de campagnes de sensibilisation anti-tabac que nous sommes, il est plutôt incongru de nos jours de se voir proposer de fumer. D’un côté, l’État suggère fortement aux citoyens de ne pas fumer, mais d’un autre, il juge que ce geste (pour toutes sortes de raisons) relève d’un choix individuel. Se faufilant dans cet interstice, le trio met également au jour notre propension à analyser toute situation en termes de risque. Est-ce que cette installation est sécuritaire? Est-elle hygiénique? Chicha Muffler teste ainsi nos seuils de tolérance individuels et collectifs. Elle se joue des limites, manœuvrant au sein des méandres des règlements municipaux, tout comme elle amalgame passé et présent.
L’œuvre revêt ainsi une symbolique forte. La Place publique est dans les faits une simple rue fermée à la circulation et le point de rencontre de celle-ci, une voiture mise à carreau. Halte au sein de la trame animée de la ville, l’intervention permet de revoir nos rapports aux autres et à la ville et d’en générer de nouveaux. Salutaire temps de réflexion au regard de notre choix collectif de privilégier la voiture (malgré une timide volonté de favoriser les transports alternatifs) et de cette manière trop souvent fonctionnelle de concevoir et appréhender la ville. Un moment de réflexion qui peut également revêtir un caractère intimiste en interrogeant nos croyances, nos valeurs et ce qu’il en reste.
Texte : Annie Hudon Laroche
Biographie
BGL se présente comme un trio de sculpteurs hirsutes de la Capitale qui travaillent ensemble depuis leur sortie de lʼUniversité de Laval en 1996. Aux allures de terrain de jeu qui propose aux visiteurs une expérience artistique ludique hors du commun, leurs installations engagent autant notre perception que notre sens critique. Le bricolé, le home-made, se retrouvent dans la majorité de leurs œuvres, faites à partir de matériaux urbains et d’icônes médiatiques recyclées, dont la facture pourrait se rapprocher des patenteux du Québec. Mais le cynisme latent, les paradoxes visuels et conceptuels, l’ambiguïté entre art et non art, contrarient l’aspect fait main pour lui donner toute une dimension philosophique.
Les volutes de fumée seront à l’honneur cet été sur la place publique de la Fonderie Darling. Le trio à l’humour décapant BGL a choisi d’investir l’espace en y présentant Chicha Muffler, une installation participative qui nous invite à adopter le rythme lent du narguilé. Renversant une voiture, les artistes Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière ont délogé des entrailles du bolide le pot d’échappement, métamorphosant du même coup la pièce mécanique en pipe à eau collective. Spontanément, l’opération fait sourire, mais fidèle à la manière de faire du collectif, le geste n’est pas gratuit. Sous des airs festifs, un questionnement sur nos modes de vie et notre rapport à l’environnement nous est lancé.
Avec Chicha Muffler, BGL s’attaque une fois de plus à cette icône de la consommation et d’une certaine manière de vivre nord-américaine qu’est la voiture. Après en avoir notamment sculpté un modèle grandeur nature en bois (Perdu dans la nature, 1998) et s’en être servie pour parader dans les rues de Québec (Montrer ses trophées, 2005), le trio met ici son usage traditionnel en échec, au profit d’un usage collectif qui favorise à la fois le plaisir et l’échange. À l’encontre des comportements individualistes qu’engendre la conduite automobile, Chicha Muffler peut devenir la prémisse de rencontres et de discussions des plus variées et des plus hétéroclites. Cette réciprocité souhaitée est à l’image du calumet de paix qui venait sceller une entente entre les individus et les peuples. Mélange des genres et des cultures, cette œuvre se présente comme une proposition ouverte adressée aux visiteurs de la Fonderie Darling et aux quidams, travailleurs ou résidants du quartier.
Une invitation qui suggère, à qui l’accepte, d’adopter une posture pour le moins ambiguë. En effet, la finalité du moteur n’est plus le silencieux, mais bien la bouche des participants. En créant ce véhicule hybride nouveau genre, BGL ne manque pas de faire un pied-de-nez à la rectitude politique ambiante. Submergés par une rafale de réglementations et de campagnes de sensibilisation anti-tabac que nous sommes, il est plutôt incongru de nos jours de se voir proposer de fumer. D’un côté, l’État suggère fortement aux citoyens de ne pas fumer, mais d’un autre, il juge que ce geste (pour toutes sortes de raisons) relève d’un choix individuel. Se faufilant dans cet interstice, le trio met également au jour notre propension à analyser toute situation en termes de risque. Est-ce que cette installation est sécuritaire? Est-elle hygiénique? Chicha Muffler teste ainsi nos seuils de tolérance individuels et collectifs. Elle se joue des limites, manœuvrant au sein des méandres des règlements municipaux, tout comme elle amalgame passé et présent.
L’œuvre revêt ainsi une symbolique forte. La Place publique est dans les faits une simple rue fermée à la circulation et le point de rencontre de celle-ci, une voiture mise à carreau. Halte au sein de la trame animée de la ville, l’intervention permet de revoir nos rapports aux autres et à la ville et d’en générer de nouveaux. Salutaire temps de réflexion au regard de notre choix collectif de privilégier la voiture (malgré une timide volonté de favoriser les transports alternatifs) et de cette manière trop souvent fonctionnelle de concevoir et appréhender la ville. Un moment de réflexion qui peut également revêtir un caractère intimiste en interrogeant nos croyances, nos valeurs et ce qu’il en reste.
Texte : Annie Hudon Laroche
Biographie
BGL se présente comme un trio de sculpteurs hirsutes de la Capitale qui travaillent ensemble depuis leur sortie de lʼUniversité de Laval en 1996. Aux allures de terrain de jeu qui propose aux visiteurs une expérience artistique ludique hors du commun, leurs installations engagent autant notre perception que notre sens critique. Le bricolé, le home-made, se retrouvent dans la majorité de leurs œuvres, faites à partir de matériaux urbains et d’icônes médiatiques recyclées, dont la facture pourrait se rapprocher des patenteux du Québec. Mais le cynisme latent, les paradoxes visuels et conceptuels, l’ambiguïté entre art et non art, contrarient l’aspect fait main pour lui donner toute une dimension philosophique.