Boat people

André Armand Masson
Vernissage le 31 mars à 18 h

Réflexion sur les conditions humaines. Mémorandum sur le misérable état psychologique, physique et matériel dans lequel se retrouvent les peuples que l’on dépossède de leur identité et à qui l’on enlève tout espoir de s’affranchir un jour.

L’histoire de ceux que l’on appelle les «Boat people», depuis l’immigration des familles vietnamiennes qui fuyaient leur pays en guerre à la fin des années soixante-dix jusqu’aux réfugiés cubains «Balseros» qui tentaient de traverser la mer des Antilles pour finalement se faire refuser asile par la politique rude du gouvernement Clinton des années 90, se construit toujours autour des deux mêmes étapes. Premièrement, pour mettre fin à une période abusive de domination et d’intimidation, ces hommes et ces femmes tyrannisés fuient leur terre natale au risque d’y perdre la vie dans des conditions extrêmes de survie : radeaux de fortune, conteneurs à déchets, camions, etc. Ensuite, au bout de leur périple, alors même qu’ils commencent à rêver à un monde meilleur, d’autres instances morales, au nom de la loi, au nom d’une pseudo-protection du territoire, leur ferment leurs portes et les renvoient comme des bêtes là où ils n’ont jamais rien eus, là où la souffrance et la mort les attendent. Et cette histoire se répète inlassablement encore aujourd’hui selon le même processus, sans que personne n’y change rien.

Le projet d’Armand Masson consiste à présenter un immense voilier où prendront place plusieurs centaines de petits personnages d’environ 12 cm de haut, tous entassés les uns sur les autres et fabriqués en cire. L’être humain y est ainsi représenté dans cette matière pour symboliser sa fragilité, toute contenue dans sa forme malléable. La voile du navire est évoquée par l’utilisation de filet en coton que l’on utilise habituellement pour envelopper le fromage, mais qui fait référence également aux filets des pécheurs qui attrapent leur proies. Cette voile attachée en son centre au plafond de la salle d’exposition est déployée vers les murs comme un grand baldaquin, suivant la forme d’une grande vague qui pousse les épaves chancelantes au large. On pense tout de suite au Radeau de la Méduse, s’imaginant que Géricault aurait peut-être entrevu l’avenir malheureux de ces gens. Une série de photographies accrochées en bande horizontale ceinturant les murs de la salle représentent des yeux qui observent la scène. Ce sont autant de regards admoniteurs à l’oeuvre qui se déploie au centre. Mais ce sont encore plus de phénomènes de présences troublantes qui provoquent obligatoirement chez le spectateur une atmosphère intolérable, qui l’accusent et qui le jugent. Masson a alors gagné son pari, car cette bande de photos se veut l’élément déclencheur d’une prise de conscience significative concernant ces êtres en détresse, parallèlement à une prise de conscience de notre chance qui est souvent perçue comme immuable, comme si cela ne pouvait jamais nous arriver.

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