Bidonvilles et dépotoirs de Isa B, exposisition du 4 au 28 avril à la galerie d’art d’outremont

Isa B présente son dernier corpus d’œuvres qui s’inspire du phénomène des bidonvilles. Ils constituent à eux seuls des univers parallèles de bric et de broc en constante expansion. Elle procède à partir de photographies et de documentations retrouvées sur le net et focalise son attention sur l’habitation elle-même plutôt que sur ses occupants. L’idée n’étant pas de faire abstraction du genre humain, mais d’éviter une imagerie trop narrative des faits à l’allure d’un photoreportage. La condition humaine est alors suggérée par la représentation de son habitacle. Des abris souvent dérisoires qui ne protègent pas de grand-chose; les toits de tôles qui deviennent brûlants sous le soleil, les portes qui ne ferment à peu près pas, les mauvais matériaux de construction, les terrains inondables et pollués…
 
Sans vouloir banaliser l’évidente misère humaine qui existe dans ces bidonvilles, l’artiste s’est donnée à voir autre chose ; une certaine beauté à travers toute cette fragilité de l’existence, cette vulnérabilité. De même, elle a cherché à sublimer, le temps d’un tableau, toute cette précarité et, à la manière de l’artiste martiniquais Serge Hélénon à « repérer l’intérêt dans le négligeable, le signifiant dans l’insignifiant, l’esthétique dans l’inesthétique »*.
 
À l’instar de ces agglomérations d’habitats, le travail d’Isa B est constitué d’une multitude d’objets trouvés et de matériaux de récupération. Elle réalise des bas-reliefs et travaille ses œuvres comme un individu bâtit sa maison. Les matériaux utilisés sont semblables : ciment, bois, clous, métal et objets de récupération. Ses œuvres sont lourdes, solides, capables de résister à l’épreuve du temps. L’artiste est obsessionnelle, maniaque du détail, tout doit être rempli, le vide nié, l’espace entièrement contrôlé. Une multitude de clous, de pièces métalliques assemblées en mosaïque ou structures tridimensionnelles recouvrent les larges pans de ses tableaux.
Isa B s’intéresse aussi à ce qui se passe de l’autre côté de notre système de consommation : aux dépotoirs. À ces gens qui, chaque jour, gravitent des montagnes d’ordures à la recherche de plastiques, métal et autres choses qu’ils pourront revendre, donnant ainsi de la valeur à ce qui n’en avait plus. Ces trieurs travaillent dans des conditions extrêmes ; l’odeur est souvent insupportable, le bruit tonitruant (camions, gens, cris d`oiseaux) et les heures interminables.
Récemment, elle a aussi été inspirée par le film documentaire «Waste land» qui suit l’artiste brésilien Vik Muniz (qui vit à Brooklyn) dans la réalisation d’un projet artistique mettant en lumière les milliers de catadores qui travaillaient dans la plus grande décharge du monde, Jardim Gramacho, près de Rio de Janeiro au Brésil. Pendant plus de trois ans, avec l’aide des travailleurs de la décharge, il transforme les déchets en compositions artistiques souvent en référence à de grandes œuvres de l`histoire de l`art. L’un des aspects communs de l’art de Vik Muniz et d’Isa B consiste à transformer différents matériaux en médiums.
 
Artiste en émergence, Isa B détient un DEC en arts plastiques du Cégep Marie-Victorin et a amorcé un baccalauréat en arts visuels à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On a pu voir son travail exposé dans différentes maisons de la culture, galeries et évènements incontournables à Montréal tels qu’Art Souterrain, PAPIER et Nuit Blanche. On retrouve ses œuvres dans la collection de La Peau de l’Ours, d’Éros et dans plusieurs collections privées.
 
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« …je suis toujours en train de regarder des choses que les gens ne regardent pas, pour les faire remarquer et leur donner de la valeur. Il y a ainsi un parallèle entre l’activité des trieurs et l’activité de l’artiste » Vik Muniz

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