Offert par la société International Nickel Company of Canada Ltd. (Inco) à la Ville de Montréal pour l’Expo 67 et installé sur l’île Sainte-Hélène, on voudrait maintenant dénaturer ce symbole en l’envoyant en exil sur l’île de Montréal. Nous y sommes farouchement opposés.
L’importance de l’art public va au-delà de la simple contemplation artistique. Il s’agit aussi d’un enjeu d’aménagement urbain et d’appropriation publique de l’art. Une oeuvre d’art public doit vivre au rythme du site qui l’accueille et des activités humaines qui s’y déroulent. Son appropriation par la population est la clé de sa valeur publique et artistique.
Nous avons l’obligation de valoriser une oeuvre et de la protéger. C’est ce que Montréal a fait pour les célébrations du 40e anniversaire de l’Exposition universelle de Montréal (Expo 67). En 2007, la Ville s’est dotée d’un règlement sur la constitution du site du patrimoine de l’île Sainte-Hélène afin de protéger et valoriser l’héritage de cet événement marquant pour Montréal. Ce règlement dit que les oeuvres héritées de l’Exposition universelle, incluant L’Homme, devront demeurer in situ. Les élus du conseil de la Ville de Montréal ont ainsi eu la sagesse de protéger ce patrimoine de toute dérive éventuelle, telle celle qui enflamme les esprits aujourd’hui. Déplacer L’Homme serait une solution de facilité, au rabais et pas du tout visionnaire.
À l’instar de Chicago avec son Cloud Gate d’Anish Kapoor, Montréal devrait commander une nouvelle oeuvre phare du XXIe siècle pour célébrer son 375e en 2017. Ce geste aurait plus d’impact pour la métropole que le déménagement inutile et complexe au coût de plus de 2 millions de dollars de la plus importante oeuvre d’art public de l’Expo 67 et de la ville. D’ailleurs, cette même année sera aussi l’occasion de célébrer le 50e anniversaire de cet événement. Voilà l’occasion parfaite de souligner son héritage en mettant en valeur cette oeuvre sur le site principal qui a accueilli l’événement qui a donné une notoriété internationale à Montréal, l’île Sainte-Hélène.
Montréal ne doit pas être considérée comme le salon privé de quelques mécènes, collectionneurs ou gens d’affaires déplaçant une oeuvre d’art public au gré de leur volonté comme on déplace un tableau de la cuisine au boudoir. Sans quoi La Liberté éclairant le monde, plus connue sous le nom de Statue de la Liberté à New York, uniquement accessible par bateau, aurait été déplacée depuis des lustres.
Une oeuvre d’art public n’est surtout pas un objet commercial qui s’échange au gré des fluctuations du marché. Un artiste crée une oeuvre publique pour qu’elle soit liée à un site spécifique ou encore qu’elle soit représentative d’un lieu, d’un événement ou encore d’une culture ou un message symbolique pour une collectivité. Calder a lui-même coordonné les travaux d’aménagement de son oeuvre sur l’île Sainte-Hélène. La déraciner de son site viendrait travestir la signification artistique et patrimoniale de l’oeuvre en lien avec le thème générique de l’Expo 67, « Terre des Hommes ».
Chaque année, plus d’un million de personnes ont la chance de vivre l’expérience du stabile de Calder en se rendant au parc Jean-Drapeau grâce à de très nombreuses activités et événements d’envergure nationale, voire internationale. Ce lieu a la chance d’être accessible facilement par métro, en vélo, à pied, par navette fluviale et en voiture pour tous les Montréalais et touristes.
Ne commettons pas encore l’erreur de vider davantage le site de l’île Sainte-Hélène. Rappelons ce grand moment de l’histoire de Montréal en investissant sur sa mise en valeur, entre autres, en améliorant sa visibilité depuis les rives de l’Île de Montréal. Servons-nous de l’oeuvre majeure de Calder comme fer de lance de cette réappropriation collective du site de l’Expo 67 et ainsi créer un nouvel attrait touristique international pour Montréal.
Il y a 14 oeuvres d’art public au parc Jean-Drapeau, pourquoi ne pas créer un parcours unique avec comme point culminant le stabile de Calder. Il serait honoré d’être au centre de cette valorisation exceptionnelle de l’art public à Montréal du XXe siècle.
Ayons de l’ambition pour notre ville en investissant davantage dans l’art actuel. Offrons la chance à nos artistes contemporains de paver d’art nos espaces publics. Québec a célébré son 400e en se dotant de nouvelles installations, de nouveaux aménagements. Nous sommes convaincus que pour célébrer son 375e anniversaire, Montréal mérite davantage qu’un déménagement et une controverse autour d’une grande oeuvre du passé. Montréal mérite une nouvelle oeuvre d’art public majeure du XXIe siècle afin de souligner avec prestige cette grande célébration collective.
***
* Les auteurs de cette lettre ouverte sont :
François William Croteau
MBA, doctorant en études urbaines, maire de Rosemont – La Petite-Patrie
Gérard Beaudet
Urbaniste émérite et professeur titulaire, Institut d’urbanisme
Nicolas Cournoyer
Directeur général de Piknic Electronik
Emmanuel Galland
Artiste/commissaire, Consultant cultures & communications
Michel Goulet
Sculpteur
Nicolas Mavrikakis
Critique d’art, commissaire d’expositions et professeur d’histoire de l’art
Philippe Poullaouec-Gonidec
Directeur de la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal
Le débat sur l’avenir du stabile d’Alexander Calder intitulé L’Homme (Man, Three Discs), situé sur le belvédère de l’île Sainte-Hélène du parc Jean-Drapeau, est relancé depuis quelques semaines. Certaines personnalités publiques souhaiteraient le déraciner de son lieu d’accueil.
Offert par la société International Nickel Company of Canada Ltd. (Inco) à la Ville de Montréal pour l’Expo 67 et installé sur l’île Sainte-Hélène, on voudrait maintenant dénaturer ce symbole en l’envoyant en exil sur l’île de Montréal. Nous y sommes farouchement opposés.
L’importance de l’art public va au-delà de la simple contemplation artistique. Il s’agit aussi d’un enjeu d’aménagement urbain et d’appropriation publique de l’art. Une oeuvre d’art public doit vivre au rythme du site qui l’accueille et des activités humaines qui s’y déroulent. Son appropriation par la population est la clé de sa valeur publique et artistique.
Nous avons l’obligation de valoriser une oeuvre et de la protéger. C’est ce que Montréal a fait pour les célébrations du 40e anniversaire de l’Exposition universelle de Montréal (Expo 67). En 2007, la Ville s’est dotée d’un règlement sur la constitution du site du patrimoine de l’île Sainte-Hélène afin de protéger et valoriser l’héritage de cet événement marquant pour Montréal. Ce règlement dit que les oeuvres héritées de l’Exposition universelle, incluant L’Homme, devront demeurer in situ. Les élus du conseil de la Ville de Montréal ont ainsi eu la sagesse de protéger ce patrimoine de toute dérive éventuelle, telle celle qui enflamme les esprits aujourd’hui. Déplacer L’Homme serait une solution de facilité, au rabais et pas du tout visionnaire.
À l’instar de Chicago avec son Cloud Gate d’Anish Kapoor, Montréal devrait commander une nouvelle oeuvre phare du XXIe siècle pour célébrer son 375e en 2017. Ce geste aurait plus d’impact pour la métropole que le déménagement inutile et complexe au coût de plus de 2 millions de dollars de la plus importante oeuvre d’art public de l’Expo 67 et de la ville. D’ailleurs, cette même année sera aussi l’occasion de célébrer le 50e anniversaire de cet événement. Voilà l’occasion parfaite de souligner son héritage en mettant en valeur cette oeuvre sur le site principal qui a accueilli l’événement qui a donné une notoriété internationale à Montréal, l’île Sainte-Hélène.
Montréal ne doit pas être considérée comme le salon privé de quelques mécènes, collectionneurs ou gens d’affaires déplaçant une oeuvre d’art public au gré de leur volonté comme on déplace un tableau de la cuisine au boudoir. Sans quoi La Liberté éclairant le monde, plus connue sous le nom de Statue de la Liberté à New York, uniquement accessible par bateau, aurait été déplacée depuis des lustres.
Une oeuvre d’art public n’est surtout pas un objet commercial qui s’échange au gré des fluctuations du marché. Un artiste crée une oeuvre publique pour qu’elle soit liée à un site spécifique ou encore qu’elle soit représentative d’un lieu, d’un événement ou encore d’une culture ou un message symbolique pour une collectivité. Calder a lui-même coordonné les travaux d’aménagement de son oeuvre sur l’île Sainte-Hélène. La déraciner de son site viendrait travestir la signification artistique et patrimoniale de l’oeuvre en lien avec le thème générique de l’Expo 67, « Terre des Hommes ».
Chaque année, plus d’un million de personnes ont la chance de vivre l’expérience du stabile de Calder en se rendant au parc Jean-Drapeau grâce à de très nombreuses activités et événements d’envergure nationale, voire internationale. Ce lieu a la chance d’être accessible facilement par métro, en vélo, à pied, par navette fluviale et en voiture pour tous les Montréalais et touristes.
Ne commettons pas encore l’erreur de vider davantage le site de l’île Sainte-Hélène. Rappelons ce grand moment de l’histoire de Montréal en investissant sur sa mise en valeur, entre autres, en améliorant sa visibilité depuis les rives de l’Île de Montréal. Servons-nous de l’oeuvre majeure de Calder comme fer de lance de cette réappropriation collective du site de l’Expo 67 et ainsi créer un nouvel attrait touristique international pour Montréal.
Il y a 14 oeuvres d’art public au parc Jean-Drapeau, pourquoi ne pas créer un parcours unique avec comme point culminant le stabile de Calder. Il serait honoré d’être au centre de cette valorisation exceptionnelle de l’art public à Montréal du XXe siècle.
Ayons de l’ambition pour notre ville en investissant davantage dans l’art actuel. Offrons la chance à nos artistes contemporains de paver d’art nos espaces publics. Québec a célébré son 400e en se dotant de nouvelles installations, de nouveaux aménagements. Nous sommes convaincus que pour célébrer son 375e anniversaire, Montréal mérite davantage qu’un déménagement et une controverse autour d’une grande oeuvre du passé. Montréal mérite une nouvelle oeuvre d’art public majeure du XXIe siècle afin de souligner avec prestige cette grande célébration collective.
***
* Les auteurs de cette lettre ouverte sont :
François William Croteau
MBA, doctorant en études urbaines, maire de Rosemont – La Petite-Patrie
Gérard Beaudet
Urbaniste émérite et professeur titulaire, Institut d’urbanisme
Nicolas Cournoyer
Directeur général de Piknic Electronik
Emmanuel Galland
Artiste/commissaire, Consultant cultures & communications
Michel Goulet
Sculpteur
Nicolas Mavrikakis
Critique d’art, commissaire d’expositions et professeur d’histoire de l’art
Philippe Poullaouec-Gonidec
Directeur de la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal