La longue nuit de Lac-Mégantic, exposition du 23 mai au 26 juillet à la maison de la culture Rosemont – La Petite-Patrie

La longue nuit de Lac-Mégantic
Travail en cours

Par un chaud crépuscule d’été, au moment où Lac-Mégantic bascule dans la nuit, un inconnu m’arrête dans la rue. Devant son silence, je lui demande si tout va bien. Visiblement troublé, il répond : « Non, ma ville vient d’être détruite. »

Nous sommes le 10 juillet 2013. Je suis arrivé à Mégantic il y a quatre jours, une vingtaine d’heures après le déraillement d’un train pétrolier qui a rasé une partie importante du centre-ville. Quarante-sept personnes ont été tuées en une seule nuit : c’est une personne sur 128 pour cette communauté de 6 000 habitants.

L’homme s’appelle Pierre et nous discutons une vingtaine de minutes. Un autre homme, Frédéric, s’approche pour me raconter son histoire. Nous parlons de son emploi à côté du Musi-Café, du fait qu’il connaissait toutes les victimes « d’une façon ou d’une autre ». C’est une histoire que j’allais entendre partout par la suite, tel un murmure sombre et lancinant.

Car les morts de cette nuit-là représentent bien plus que leur simple somme. Dans une communauté tissée aussi serrée, une personne est à la fois le frère de l’un, l’entraîneur de l’autre, le client pour qui vous faites la comptabilité, l’ancien amoureux du secondaire. Multipliées ainsi, les victimes forment une constellation de deuil qui enveloppe rapidement toute la communauté.

Puis s’ajoute les deuils d’autres maisons et commerces condamnés à l’intérieur de la zone rouge, celui qui suit les expropriations et démolitions visant à reconstruire le centre-ville de l’autre côté de la rivière Chaudière dans le secteur Fatima, et celui de tous ces rêves et projets brisés. Pendant tout ce temps, le coeur de la ville reste balafré. Longtemps gardé à l’abri des regards, il est encore aujourd’hui interdit d’accès.

À Mégantic, chaque personne a sa propre histoire de survie, sa façon personnelle de gérer une palette d’émotions et de sentiments qui évoluent au fil du temps : incrédulité, solidarité, peine, désespoir, rage, indignation, paix intérieure, espoir ou, parfois, vide émotionnel et déni.

La longue nuit de Mégantic aborde le deuil et le traumatisme insaisissable des Méganticois, tentant de traduire ces émotions par le portrait contemporain d’une nuit fatale et obscure. La longue nuit de Mégantic, c’est aussi la noirceur dans laquelle la population continue dévaluer, se demandant encore ce qui s’est passé exactement le 6 juillet, qui est responsable, pourquoi leurs proches sont morts, quelle est l’ampleur de la contamination, ce qu’il adviendra de leur ville. L’obscurité persiste.

La longue nuit de Mégantic s’étend à ce jour sur quatre saisons, 55 jours sur place répartis en 12 visites. Et ce projet continue.
 

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