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What is the will of love ? de Leisure
Leisure investit la galerie de Diagonale avec « What is the will of love ? », une proposition personnelle imaginée autour de la pièce de théâtre « Wie man wird, was man ist: Lebensgeschichten » (« Comment devenir qui l’on est: Histoires de vie ») de Lina Loos. Formé des artistes Meredith Carruthers et Susannah Wesley, le duo propose de penser la condition féminine voire humaine à travers une abstraction formelle des actes de cette pièce autobiographique.
Dans cette œuvre théâtrale, Lina Loos, écrivaine et actrice viennoise née en 1882 et décédée en 1950, met en scène l’émancipation de son état de femme-objet sous les traits du personnage principal nommé Ali. Évoluant dans un décor tour à tour conçu par d’autres pour elle puis par elle, elle y rend compte de l’enfermement physique et psychologique qu’elle connu au sein de son court mariage avec l’architecte Adolph Loos jusqu’à son affirmation d’être autonome, élaborant autour de pensées radicales pour l’époque telles que la liberté sexuelle, créative ou encore la maternité hors mariage.
Puisant dans ce matériel littéraire et ses enjeux, Leisure déploie dans l’espace de Diagonale six collages imprimés sur tissus ponctués de sculptures. Chapeauté de courts textes extraits des directives scénographiques de Lina Loos, chaque tissu cristallise un acte de la pièce et arbore : dessins du décor, photographies représentatives de l’époque, échantillons d’œuvres picturales antérieures du duo et images d’auteures du 20e siècle. De leur côté, les sculptures viennent souligner le voyage intérieur du protagoniste, son passage d’un état réflexif à un autre, et sa naissance en tant que sujet actif. Naviguant entre l’organique et le non-organique – de par leurs compositions ou leurs aspérités formelles – elles imagent également la rencontre entre le titre de la pièce de Loos « Comment devenir qui l’on est » et celui de l’exposition : « What is the will of love ? » (« Quelle est la volonté de l’amour ? »). Le personnage d’Ali, par cette dernière question, tente de décloisonner les barrières existantes en amour et, par extension, au sein des normes systémiques à l’œuvre : « L’amour veut grandir, s’élargir. Il veut inclure les animaux, les plantes, toutes les choses, il veut englober le monde entier ». Elle ouvre la perspective critique de la condition féminine et humaine à celle du vivant, tout en dépassant dès lors les limites de sa propre individualité afin d’embrasser ainsi une réflexion éclatée sur cette renaissance nouvellement acquise. Leisure y matérialise un écho aux enjeux contemporains et au confinement éprouvé ces derniers mois. Un espace-temps singulier qui les a elles-mêmes mené à interroger les cadres sociaux et sociétaux tels que nous les connaissons : « À quoi pourraient ressembler nos prochaines étapes si elles étaient basées sur la question d’Ali “Quelle est la volonté de l’amour ?” Et si nous rencontrions à nouveau le monde avec une approche des frontières modifiée et les priorités d’un “amour pour tous”, écologique, intersectionnel et collaboratif? » ».
Chloé Grondeau