
The People’s Collection d’Ana Mendes
- Vernissage le jeudi 11 septembre à 17h30
- Lieu: Arprim
- Ville: Montréal
Depuis 2014, l’artiste Ana Mendes développe un projet indépendant intitulé The People’s Collection, dans lequel elle explore les questions de mémoire et d’identité en examinant les pratiques des grands musées ethnographiques comme le British Museum, le MET, le Dahlem Museum, le Bunjilaka/Melbourne Museum et, ici même au Québec, le Musée de la civilisation. En plus de remettre en question les normes muséales, l’artiste étudie plus largement les approches postcoloniales de la définition de l’identité historique, sociale et culturelle d’un peuple, notamment à travers le prisme de l’attachement aux objets. Comment et pourquoi ressentons-nous une connexion avec un artefact lors d’une visite au musée ? Comment pouvons-nous interagir avec lui au-delà d’une contemplation passive ? Quel pouvoir d’action le public possède-t-il dans la conservation de ces objets ?
Ana Mendes explore ces questions à travers un processus collaboratif, invitant les participants à interagir avec les collections ethnographiques des grands musées. Ces visites se concluent par la sélection d’un objet à « restituer » à son contexte d’origine. Mendes utilise cette sélection comme point de départ pour une série de plus de 400 cartes postales à ce jour, ainsi qu’un livre d’artiste. Ce vaste projet de recherche est l’occasion de réfléchir à ce qui motive les choix des contributeurs : connaissances préalables sur l’objet, valeur rituelle, symbolique ou ancestrale, lien avec la nature ou la culture, importance pour diverses communautés, etc. Cet exercice devient un processus miroir de (re)construction identitaire personnelle et collective.
Dans The People’s Collection, l’imprimé est utilisé comme outil démocratique de sensibilisation et de plaidoyer social. Le médium de la carte postale, traditionnellement associé à la diffusion d’images idéalisées, est ici détourné pour questionner les objets et les faire circuler en dehors des institutions. De plus, lorsqu’elles sont envoyées aux musées concernés, ces cartes servent de support à une demande de restitution des artefacts représentés à leur culture d’origine. Le livre d’artiste constitue également une manière de détourner les imprimés institutionnels en proposant une lecture alternative des collections, qui contredit celle véhiculée par les catalogues muséaux traditionnels : l’inventaire devient alors une collection d’histoires et de témoignages soulignant les liens émotionnels et subjectifs entre les objets et les participants au projet.
Avec le court-métrage Virus, l’artiste évoque la mentalité coloniale qui a servi de fondement aux musées occidentaux traditionnels. Les images filmées dans les réserves muséales montrent l’accumulation d’objets qui, après avoir été arrachés à leur environnement et soumis à des processus de désinfection intenses et non documentés, ont paradoxalement développé des conditions empêchant toute nouvelle manipulation. Ces virus pourraient-ils être une forme de résistance ?
Conçu comme un espace d’engagement et de dialogue, ce projet permet au public comme à l’artiste de dépasser les critiques polarisantes, en imaginant collectivement de nouvelles pratiques de collecte, conservation, restitution, exposition et médiation des objets identitaires et culturels.
Ana Mendes est une artiste visuelle et écrivaine, vivant entre Stockholm et Londres. Elle a étudié la performance au Goldsmiths College, University of London (2011), la vidéo à l’Institut royal des arts de Stockholm, Suède (2018), le film d’animation à La Poudrière – École du Film d’Animation à Valence, France (2008), et les sciences de la communication au Portugal (1997).
Ayant commencé sa carrière en tant qu’écrivaine, elle s’est progressivement tournée vers les arts visuels. En 2010, elle commence à travailler dans la performance un peu par hasard, après avoir écrit Self-portrait, une pièce basée sur sa propre identité. Depuis, elle a développé des œuvres qui combinent vidéo, photographie, installation, performance, texte et son pour aborder des thèmes tels que la langue, l’identité et la mémoire.
Certains de ses projets sont réalisés de manière collaborative, impliquant d’autres artistes, des travailleurs ou des migrants.Elle consacre généralement beaucoup de temps à la recherche et à l’expérimentation en solitaire, jusqu’à ce qu’elle parvienne à un concept qu’elle juge durable. Ensuite, elle invite d’autres personnes à collaborer avec elle. Ensemble, ils s’engagent dans un processus d’expérimentation mutuelle, d’essais et d’erreurs. Par exemple, dans l’un de ses projets récents, The People’s Collection, elle a invité des personnes à visiter des musées ethnographiques à travers le monde et à choisir un objet qu’elles aimeraient voir retourner dans son pays d’origine. Elle a ensuite visité elle-même chaque musée et développé une collection de cartes postales nommées d’après chaque participant.Son travail est conçu avec le moins de ressources possible, reposant entièrement sur la force du concept ou de l’idée.
Elle considère l’art comme un processus plutôt qu’un résultat final. Elle s’intéresse à la création d’œuvres qui jouent avec la forme artistique tout en conservant une dimension de critique intellectuelle ou de pertinence sociale. Son travail constitue une manière de ré-imaginer, de ré-inventer et de ré-écrire la réalité. Bien que certains de ses projets soient ancrés dans des événements réels, elle les abstrait à un niveau universel afin d’aborder des questions plus larges qui touchent à la condition humaine — telles que la liberté d’expression ou les droits humains.