
Sous les vagues, une voix s’élève de Fanny Mesnard
- Vernissage jeudi 3 juillet à 17h au Musée Le Chafaud à Percé
Dans un esprit de dialogue interrégional entre Carleton-sur-Mer et Percé, le Centre d’artistes Vaste et Vague, en collaboration avec le Musée Le Chafaud, a invité Fanny Mesnard à concevoir une installation multidisciplinaire inédite, pensée en résonance avec le bâtiment patrimonial du Chafaud. Ancien entrepôt de morue salée séchée, ce lieu chargé d’histoire conserve une forte empreinte matérielle et symbolique : son architecture singulière, ses boiseries d’origine et sa spectaculaire proue de bateau en témoignent. L’artiste a choisi de s’imprégner de cette mémoire pour créer une œuvre habitée par la mer, la pêche et les récits qu’elles inspirent. De cette rencontre est née l’exposition Sous les vagues, une voix s’élève.
Si certaines œuvres puisent directement dans le folklore gaspésien, d’autres s’inspirent des imaginaires issus de divers territoires arpentés par l’artiste au cours des deux dernières années : de la Norvège (Nordisk Kunstnarsenter Dale) lors d’une résidence de création, de plusieurs séjours au Nunavik, ainsi que d’un retour sur les rives de la Charente, sa région natale en France. À chaque territoire traversé, Fanny Mesnard s’inspire des différentes faunes, flores et légendes — qu’elle entrelace pour faire vibrer ensemble les paysages, les écosystèmes et stimuler l’imaginaire. Par la marche, l’observation et la dérive, elle apprivoise les lieux et traduit ses expériences sensibles en figures hybrides, en motifs et en compositions.
Composée de peintures, sculptures, et autres interventions in situ, l’exposition Sous les vagues, une voix s’élève s’ancre dans son contexte immédiat ; on y retrouve l’atmosphère singulière de la Gaspésie et des clins d’œil aux légendes du littoral. Des créatures réelles ou imaginaires peuplent les œuvres : poissons, cétacés, coquillages, motifs sous-marins et autres fééries terrestres. Au cœur de ces compositions émerge une figure centrale, celle de la sirène. L’artiste en propose une relecture contemporaine, féministe et poétique, en tant que symbole de mémoire, de métamorphose et de puissance.
La sirène traverse les mythes et les territoires en changeant de forme, mais elle est toujours porteuse d’un pouvoir subversif. Ailée dans la Grèce antique, elle chante la perte des marins. Déchirée dans le Grand Nord, la figure de Sedna devient la mère des profondeurs après avoir été trahie par les siens. En Scandinavie, les huldras, sortes de sirènes des forêts, séduisent sous des traits féminins, mais leurs queues de vache révèlent leur altérité. Dans les légendes médiévales et scandinaves, les sirènes prennent la forme que nous retrouvons encore à ce jour : mi-femmes mi-poissons, elles voguent jusque dans le golfe du Saint-Laurent. On raconte même qu’un groupe d’entre elles se serait aventuré en Gaspésie. Certaines erreraient désormais entre les Îles-de-la-Madeleine et l’île d’Anticosti. À travers ces récits se retrouve la figure d’une féminité indomptée, souvent redoutée, parfois punie — toujours forte et résiliente.
Dans la continuité de ses préoccupations artistiques, Fanny Mesnard lie ces légendes et représente la sirène par des voix contemporaines qui l’érigent en un symbole de puissance, d’insoumission, et de renaissance. Au cœur de sa démarche, une idée essentielle : celle du soin — prendre soin de soi, des autres et du vivant. À travers une esthétique onirique et sensible, elle cherche à réenchanter les gestes simples — manger, marcher, nager, dormir, rêver — en créant des œuvres où la nature et le sentiment d’« être ensemble » se fondent l’un dans l’autre. Il s’agit d’une invitation à apprivoiser le monde sauvage pour s’en faire des refuges de douceur, apaisants et ouverts à stimuler l’imaginaire de chacun.