Les pas lourds, le dos courbé, les bras ballants, un personnage s’avance dans l’obscurité insondable. Chacune de ses enjambées se démultiplie, comme s’il se devançait tout en étant à la traîne de lui-même. Il paraît ainsi extirpé du monde réel et jeté dans un étrange théâtre où d’autres personnages sont en proie à leurs propres vertiges. Sans maîtrise apparente sur les gestes posés ni sur les mouvements dans lesquels elles sont emportées, les différentes figures se montrent néanmoins résignées devant l’issue tragique potentielle de l’événement. Dans cet intervalle séparant l’être de sa chute, il s’avère soumis autant au poids de son corps que de son âme.

Pour façonner cet univers chimérique évoquant les contrées de la psyché humaine, Jean-Jacques Ringuette emploie la photographie comme un outil de construction du réel dans ses manifestations les plus intangibles. En donnant corps à l’expérience d’entrer à l’intérieur de soi et d’y rencontrer ses peurs et ses troubles, ses photographies prennent des distances avec l’ordre du visible pour mieux aborder la gravité de nos existences. Les carreaux d’argenture minutieusement appliqués sur les images rappellent la main humaine nécessaire à la création de l’œuvre, invoquant une fois de plus la portée du corps dans la recherche et la construction de sens.

Cette exposition fait partie de la programmation et tout ce que ça prend, qui se penche sur les forces et les ressources qui nous animent, sur ce qui, en nous et à l’extérieur de nous, peut s’avérer être autant un potentiel qu’une menace.=