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Sébastien Cliche et Dominique Rey
La température de l’information
Nous avons un jour pris le soin de sauvegarder des traces de nous-mêmes sur des papiers, des disques compacts, des bandes magnétiques ou des diapositives. Avec le temps, nous les avons délaissées et négligées, jusqu’à souvent les oublier. Dans la surabondance de ce que nous créons, nombre de nos informations deviennent inactives sur de longues périodes de temps, et les supports qui les contiennent se détériorent tranquillement. Cette image blanchit, ces documents s’agglomèrent dans l’humidité, ce disque s’effrite et craquelle. Les heures semblent s’écouler, goutte à goutte, transformant ainsi peu à peu les objets et ce qu’ils conservent.
Métaphore à la fois de nos environnements virtuels surchargés et de nos subconscients, l’installation de Sébastien Cliche interroge ce qui peut advenir de toutes ces mémoires qui courent le risque de devenir corrompues, voire inaccessibles. Dans un dispositif prenant les allures d’un centre de traitement de l’information, c’est la matière propre des supports obsolètes qui est mise à l’épreuve, au repos dans des bacs ou filtrée par des liquides. Tandis que l’information semble fatalement soumise à la même dégradation que son support, les tentatives de distillation ou de récupération qui sont en cours pointent aussi vers la possibilité de nouvelles inscriptions générées par la matière elle-même.
Le vide entre nos corps
Sur une photographie, on devine un corps, accroupi dans l’herbe, qui tend les bras et attend la venue d’un autre être situé en hors-champ. C’est une mère qui se tourne vers son enfant. Sauf pour ses bras, tout son corps est recouvert d’images de plantes qui à leur tour tendent leurs feuilles vers la lumière. Depuis son expérience de mère artiste, Dominique Rey aborde dans ses œuvres les relations d’attachement, de dépendance et de tension entre une mère et son enfant et la quasi-indissociabilité de leur corps. Des étreintes et des contorsions, des jeux de vides et de pleins, des recherches d’équilibre constant : les êtres sont ainsi reliés par une myriade de sentiments complexes qui caractérisent la maternité.
Par le collage ou par des actions performatives, l’artiste découpe et s’approprie les contours de son corps, revendiquant cet espace qui lui appartient. Déconstruire sa propre image et la réinventer devient ainsi une occasion de renégocier les figures universelles de la mère et de l’enfant, maintes fois représentées dans l’histoire de l’art, et d’en faire une fiction narrative ouverte et contemporaine. En s’intéressant au vide entre les corps, donc aussi aux frontières corporelles et psychiques qui existent entre eux, l’exposition pose un regard non seulement sur les individus, mais surtout sur les mouvements et les fluctuations qui existent au sein de leur relation.