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Lieven Meyer et Virginia Pesemapeo Bordeleau
Lieven Meyer gratte l’histoire géo et sociopolitique de l’Abitibi-Témiscamingue pour en faire la courroie de transmission d’un lieu qui s’effrite et lui donner une voix.
Dans une démarche que l’on pourrait qualifier de para-archéologique, Meyer retrace l’histoire d’une charpente en ruine, autrefois école de rang. Il participe ensuite à la démolition du bâtiment – devenu garage agricole, puis abandonné depuis une vingtaine d’années – afin d’en extraire les matériaux pour en tirer une sculpture contemporaine reprenant la structure d’une rampe de skate. Il fait exister la jeunesse à travers des vestiges comme un appel à la pérennité, un cri d’espérance gueulé par Rochebeaucourt vers la relève (absente). Son œuvre est une réflexion pointue sur la transformation, l’éphémère et le lègue. Vieille école est ainsi une sculpture passagère qui s’est construite au gré de rencontres avec différentes communautés de l’Abitibi-Témiscamingue depuis l’automne 2022.
Le travail de Lieven Meyer est intime, identitaire et intuitif. Il crée en étant mû par le hasard des rencontres sur un territoire déterminé dans une temporalité indéfinie. Non sans humour et regard critique, l’artiste détourne le sens des objets et plante sa démarche dans des lieux aux histoires rompues.
(texte de Janie Lapierre)
Virginia Pesemapeo Bordeleau
Cibles/Targets
À la suite d’une collaboration avec des femmes autochtones invitées à broder leurs blessures dans l’espoir de les transcender, Virginia Pesemapeo Bordeleau s’attaque à un travail d’aiguille sororal et personnel. À l’avant-plan, une cible pour figurer l’œil d’un·e tireur·euse dans la lunette de visée derrière laquelle se trouve tantôt une femme guerrière, tantôt un enfant. Avec elles et eux, un animal psychopompe qui guide leurs âmes vers la lumière, l’apaisement. L’artiste nous remet l’arme entre les mains et nous place l’index sur la gâchette. En face, en point de mire, les individus disparus et assassinés. Un plongeon au tréfond de l’inconfort collectif pour se rappeler la violence tant qu’il le faudra.
Reconnue pour sa pratique politique et engagée, Pesemapeo Bordeleau ne manque pas de nous convier dans une œuvre dénonciatrice avec sagacité. « Tant que ça ne nous touche pas, on ne se sent pas concerné·e·s… ». Comment ne pas tomber dans le cycle de l’oubli et rendre la mémoire inextinguible? C’est ce qu’elle tente d’insuffler dans cette installation renversante. Dans une esthétique délicate, Pesemapeo nous assène un coup de poing dans le ventre et elle est infatigable. Un dialogue schizophrénique s’entreprend alors avec soi-même quant à la notion de déni. Redonner la dignité aux disparu·e·s et assassiné·e·s, continuer la lutte entamée avec Poésie en marche pour Sindy, c’est ce qui est espéré par cette installation intranquille.
(texte de Janie Lapierre)