la personne de moi-même d’Alegría Gobeil
Cette exposition agit comme témoin de protocoles autour des traces laissées par l’interrogatoire psychiatrique, élaborés par Alegría Gobeil (A) depuis plus de huit ans. S’attardant à comment l’on advient comme la personne de moi-même par et à travers le pouvoir psychiatrique, A s’intéresse aux démarches par lesquelles certain·e·s personnes psychiatrisées peuvent récupérer leurs propres dossiers médicaux – avec leur notes manuscrites puis retranscrites, leurs détails, leurs annotations, leurs verdicts.
Une opacité se déploie dans le document psychiatrique, qui inclut les notes d’observation du psychiatre. Une énumération froide sur le poids, le regard, le débit de parole, le niveau d’hygiène, la consommation se succèdent dans une calligraphie illisible. Les notes sont photocopiées, retranscrites en calligraphie numérique, puis transmises aux patient·e·s. Des éléments sont occultés, des acronymes demeurent indéchiffrables et les potentiels diagnostiques abondent. On devient la personne de nous-mêmes, formulée à la troisième personne, le regard du psychiatre s’intègre au nôtre: un boucle sans fin débute.
Dans une pratique déviante et répétitive, A apprend à répliquer la calligraphie de psychiatres, depuis plusieurs années. A retrace, reproduit, recopie et étudie les lettres de l’alphabet constituant son écriture, une à une. Ces calligraphies parasitent la sienne: maintenant, dans son écriture, se retrouvent toujours leur forme, leurs traits. Dans un déploiement à grande échelle de ce geste de contamination minuscule, l’exposition tente de partager une tactique de psychiatrisé·e.
NB: L’exposition inclut les documents nécessaires, ainsi qu’une marche à suivre, permettant à toute personne ayant eu un suivi médical au Québec (pouvant et) souhaitant le faire de récupérer leur propre dossier médical.