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Ifeoma Anyaeji-Ezuhu ezu + Ernest Breleur
CIRCA art actuel, présente en partenariat Af-flux, Biennale Transnationale Noire, les expositions de Ernest Breleur et Ifeoma Anyaeji.
“D’un continent à l’autre.
Par-delà leurs différences d’expériences et d’identités, ces deux artistes, respectivement originaires de la Martinique et du Nigéria, matérialisent, expriment parfaitement cette part de l’énoncé curatorial: « Quel que soit son lieu de départ ou d’arrivée, le passeur des mondes porte en lui un matériel émotionnel et culturel qui filtre ses perceptions de l’après-frontière. Ce matériel affecte simultanément la manière dont il se perçoit et la manière dont il est perçu. En retour, le passeur ensemence sa terre d’accueil d’un imaginaire culturel exogène et permet de repenser ou de réinventer les identités locales. ». En effet Ernest et Ifeoma sont des passeurs, en cela qu’ils posent un regard sur ce qui passe entre les mondes et la manière dont cela les affecte.
Figure très importante de l’art contemporain en Caraïbe, Ernest Breleur vit et travaille en Martinique. Il est sans nul doute l’artiste le plus expérimenté de la biennale. Extrait de sa plus récente série Le vivant, passage par le féminin, est une réflexion sur l’existence et notre passage entre les mondes. Il nous dit par la simplicité des moyens techniques employés (objets féminins du monde, perles, plumes et bibelots de toutes sortes) que rien ne se perd, tout se transforme, et qu’il participe à la création de corps nés d’innombrables matières biologiques. Plus encore, il nous parle de tous ces passages enchâssés les uns dans les autres jusqu’à un commencement que l’on se figure bien mal. Combien de mondes et de passages faut-il pour faire un monde?
À l’automne de sa vie, il nous offre un regard fasciné sur la vie, sa vie, mais aussi un regard poétique sur les passeuses de monde que sont les femmes. S’il est un créateur jaloux d’une puissance que son sexe ne peut lui offrir, ses poèmes visuels nous invitent à prendre note d’une sage évidence : qu’elle soit biologique, culturelle, végétale ou minérale ce qui importe c’est la rencontre, car sans elle point de naissance ni passage.
Ifeoma Anyaeji se décrit elle-même comme une artiste néotraditionnelle nigériane née à Benin City qui vit et travaille à Montréal. Elle est actuellement doctorante en arts à l’Université Concordia.
Ses œuvres questionnent, entre autres, l’idée de rebuts matériels liés à nos sociétés consuméristes. Une idée imposée au reste du monde, soit une donnée culturelle propre à l’Occident et utile qu’à son propre développement. De ce fait, elle interroge le passage de sa culture nigérienne à une société mondialisée, ainsi que l’érosion des pratiques dites traditionnelles face aux idéologies exogènes liées à la modernité. Elle nous rappelle que lorsqu’un matériel culturel passe d’une culture à une autre, il y a perte de valeur, d’information ou assimilation partielle. Dans le cas du rebut plastique, il n’y a ni perte de valeur, d’information et ni assimilation possible, juste un indigérable rebut. Ifeoma propose le concept de Plasto-art pour tenter de digérer ce rebut qui en soit est un non-sens dans ses legs culturels Igbo.
Elle fait appel aux techniques traditionnelles de tressage pour tenter de retisser un objet entre-deux et digérable par les deux parties. En cela, ses œuvres redonnent à la matière artificielle inassimilable une valeur, par une forme presque vivante. Et pour cause, par le format aléatoire, ses œuvres ne sont pas sans rappeler un organe digestif avec ses circonvolutions et ses excroissances éruptives. Ifeoma se fait ainsi passeuse entre les mondes, même avec un élément aussi revêche que le plastique.
D’un continent à l’autre et d’une culture à l’autre, Ifeoma Anyaeji et Ernest Breleur ensemencent notre imaginaire et affectent simultanément la manière d’appréhender l’existence et ses supposés rebuts.”
Eddy Firmin
Artiste-chercheur
Commissaire de Af-flux, Biennale Transnationale Noire