Adrian Stimson et Martin Akwiranoron Loft

  • Lieu: daphne
  • Ville: Montréal

Cette exposition est une collaboration entre daphne et MOMENTA Biennale d’art contemporain.

« EMBUSCADES PHOTOS DANS TIÖTIAH:KE »
par Guy Sioui Durand

    Rêver Haudenosauné, une caméra au poing dans l’espace urbain ? Là réside le talent de Martin Akwiranoron Loft. Des esprits Autochtones occupent de Tiöhtià:ke. L’artiste tend à ces énergies animées, des embuscades photographiques. Le Centre Daphne s’en fait l’hôte comme « art total autochtone ». Y convergent en images de multiples signifiants de l’Ohterah’/Ankosé, vision holiste et animiste autochtone en mode décolonisation. Le photographe aborde la Cité comme évolution des grandes bourgades de Kanonhséshne, les Maisons Longues iroquoiennes.

L’exposition Ne Karahstànion assemble au moins trois types d’images du réel qui évoquent symboliquement chez moi, des traits de la civilisation Haudenosaunés:  (1) des danseurs du ciel achevant l’urbanité des ponts et gratte-ciel qui font l’Amérique; (2) des rassemblements d’où émanent l’esprit des Wampum et les pas de  « Smoke Dance »; (3) de fiers portraits /présences autochtones vivaces dans Tiöhtià:ke.

Danseurs du ciel
Outre ses étonnantes « natures mortes » et impressions graphiques participatives, une dimension intrigante et peu remarquée de son oeil photographique porte sur le territoire urbain. Loft y esquisse photographiquement de multiples joutes entre les formes structurantes architecturales et la mouvance des passant.es. Sans s’enfermer dans la photographie identitaire, de cette tentative de fusion imagée entre les designs des ponts, de la biosphère ou des gratte-ciels et les silhouettes, se dégage néanmoins l’énergie des fameux ouvriers Mohawks, authentiques héros appelés Sky Dancers ou Sky Walkers qui terminent les constructions dans les hauteurs au-dessus des citadins.

Wampum, rivières de paroles brume Smoke Dance
Un autre spectre de photos vibre des mouvances en rassemblements collectifs urbains. Tels les Wampum brodés, ces « rivières de paroles » à fins diplomatiques, rappellent nos routes d’eau d’avant les artères de bitume, mais faites d’Humains. Loft y captent des perles-images de ces « nous » citoyens en manifestations animant la Cité. Au regard iroquoien, ces moments géopolitiques renouent avec les sentiers de la mémoire collective, ces traces de mocassins laissées par les Anciens. Il y eut le temps des relations de gratitude et d’alliances des Grandes Confédérations lors des Contacts. Ce fut le cas ensuite en 1701 (Grande Paix de Montréal), en 2003 (Paix des Braves) et 2024 (Vérité et Réconciliation). De nos jours ça se traduit en mouvements et marches pour que justice et réparation précèdent la réconciliation. C’est comme si des pas jeunes s’orchestraient en une Smoke Danceactiviste sans réserve.

Portraits / Présences
Dans les sillons du pionnier de l’autoportrait critique Zacharie Tehariolin Vincent intéressé à la photographie en Amérique au XIXe siècle, Loft prend et installe de fières postures d’Autochtones en portraits au cœur de Tiöhtià:ke. À la différence des fameuses « missions photographiques » allochtones militaires et anthropologiques, l’artiste prend une distance critique d’avec les portraits « misérabilistes » ou exotiques des Indiens en ville par son procédé de studio mobile in situ et du noir et blanc comme stratégie de renversement. Cette fière affirmation des Présences Autochtones dans la Cité en redessine la topographie. J’y vois des liens tout autant avec la Société protectrice des Warriors que celles des médecines de guérison des « Faux Visages ».

L’activisme des photographes iroquois comme Martin Akwiranoron Loft, Jeff Thomas, Shelley Niro explore différentes territorialités dont celles des identités mutantes en ville. Pour une, l’artiste multidisciplinaire et autrice Gabriel Katsi’tsakwas Ellen Gabriel, aussi photographe, c’est la pinède de Kahnesatake, forêt nourricière, médicinale et rituelle. Son important livre Quand tombent les aiguilles de pin. Une histoire de résistance Autochtone (éditions remue-ménage, 2024) exprime cet holisme commun qui émane, cette même vision des Onkwehon:we que Loft.

Comme intellectuel Wendat, Ne Karahstànion m’apparait un jalon d’une histoire autochtone de l’art autochtone comme contre-récit qui s’expose !

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