Photo: Justin Tang Archives La Presse canadienne. Michelle Chawla du Conseil des arts du Canada. Tirée de Le Devoir.

L’austérité et les promesses non tenues des libéraux en culture

Catherine Lalonde
Le Devoir
8 octobre 2025


Que pourra faire le Conseil des arts du Canada (CAC) avec 54 millions de dollars de moins ? La question se pose, et elle inquiète les milieux artistiques du pays.

Le CAC, comme tous les ministères et départements fédéraux, a reçu comme directive du gouvernement Carney de proposer des réductions de son budget allant jusqu’à 15 % pour 2028-2029. Le Parti libéral du Canada avait pourtant promis de réinvestir en culture pendant la campagne électorale. La Coalition canadienne des arts sonne donc l’alarme : avec de telles compressions à venir, impossible pour le CAC de préserver ses programmes actuels.

La Coalition a d’ailleurs récemment terminé une campagne de mobilisation : 10 400 personnes à travers le pays l’ont appuyée.

« Nous sommes très inquiets de voir le gouvernement fédéral ignorer son propre programme de renforcement de la culture canadienne, à un moment où nous en avons le plus besoin, et risquer de réduire encore davantage nos principaux mécanismes de financement », y disait-elle. La Coalition invitait dans la foulée les citoyens à signer et envoyer une lettre modèle à leur député, au premier ministre, Mark Carney, au ministre des Finances, François-Philippe Champagne, à la ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, et au ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault.

Selon la Coalition canadienne des arts, le gouvernement fédéral aurait reçu ainsi près de 62 000 courriels demandant que 1 % des dépenses fédérales aillent aux arts et à la culture, ce qui ferait augmenter le budget du CAC de 140 millions de dollars.

Le Conseil des arts du Canada confirme que plusieurs milliers de Canadiens ont participé à cette campagne et ont écrit « aux élus afin d’encourager le gouvernement non seulement à exempter le Conseil des compressions, mais aussi à augmenter son budget de base, à ce moment clé pour l’impact des arts sur l’économie et l’identité canadienne », a indiqué sa directrice, Michelle Chawla.

Paroles, paroles, paroles…

Retour vers un passé pas si lointain : au débat fédéral sur la culture, tenu à Montréal le 14 avril, lors de la dernière campagne électorale, Steven Guilbeault s’était engagé à travailler à une augmentation de 140 millions de dollars du budget du CAC. Le plan fiscal libéral prévoyait aussi 70 millions par an pour « soutenir les artistes et créateurs canadiens » en 2025-2026 et les trois exercices suivants.

Entre les promesses électorales et la réalité du Conseil des arts du Canada, il y a tout un écart, car, oui, le CAC « a été mandaté pour le développement de propositions d’économies », confirme Mme Chawla. Ces « propositions » visent « des réductions de 7,5 % en 2026-2027 et de 10 % en 2027-2028, ainsi que de 15 % en 2028-2029 et pour les années suivantes ». En argent sonnant et comptant, « cela représente jusqu’à 27 millions de dollars en 2026-2027, 36 millions en 2027-2028 et 54 millions en 2028-2029 et les années subséquentes ».

C’est donc, pour le Conseil des arts du Canada, une différence annuelle variant entre 124 millions et 194 millions de dollars entre la réalité et les différentes promesses du gouvernement Carney.

Impact sur les programmes

« Le CAC nous a informés que 90 % de son budget était alloué directement aux programmes. Advenant une coupe de 15 %, il sera impossible de les préserver. C’est tout ce que nous savons pour l’instant », explique Karla Étienne, danseuse de Montréal, directrice de l’Assemblée canadienne de la danse et membre du comité directeur de la Coalition canadienne des arts.

En 2019-2020, le Conseil des arts du Canada avait bénéficié de 378,6 millions de dollars en crédits parlementaires. L’année suivante, de 491,5 millions, et en 2021-2022, de 566,3 millions. Depuis, la somme est en baisse : elle était de 439,9 millions de dollars en 2022-2023 et de 369,3 millions en 2023-2024. Toutes ces sommes sont en dollars de 2023-2024 et tirées des données ouvertes du CAC.

De manière très générale, les organismes artistiques du Québec s’appuient sur un financement au fonctionnement provenant à 30 % du Conseil des arts du Canada. Par exemple, en 2023-2024, les compagnies de danse recevaient 35 % de leurs fonds publics du CAC, 55 % du CALQ, et près de 9 % des municipalités, selon le Regroupement québécois de la danse.

Ces dernières années, les bourses directes aux artistes étaient plus difficiles à obtenir au CAC qu’au CALQ. Ainsi, en 2023-2024, le Conseil des arts du Canada affichait un taux d’acceptation de 16,2 % ; le CALQ, lui, arrivait à dire oui à 30 % des demandes. Par contre, la bourse moyenne au CAC en 2023-2024 pour le programme Explorer et créer était plus généreuse, à 31 458 $. La bourse moyenne dans les programmes équivalents du CALQ était de 14 846 $ pour la même période, selon les analyses du Devoir.

Patrimoine canadien, le ministère responsable du Conseil des arts du Canada, a confirmé de son côté avoir reçu la même consigne d’austérité de la part du gouvernement Carney et doit aussi élaborer des propositions d’économies progressives représentant 15 % de son budget principal d’ici 2028-2029 et les années subséquentes. Son financement total s’est élevé à 2,201 milliards de dollars en 2023-2024, et à 2,174 milliards en 2024-2025.