
La Caisse crée un prix en art actuel
Jérôme Delgado
Le Devoir
18 juin 2025
Les artistes du Québec ayant 20 ans d’expérience auront droit à une nouvelle et grande tape dans le dos : le prix La Caisse en art actuel, d’une valeur de 25 000 $. Bourse annuelle, elle vise à soutenir les artistes en milieu de carrière, ceux qui ne bénéficient ni de l’aura de la relève ni des honneurs historiques.
Déjà présente dans le marché de l’art par l’acquisition bon an, mal an d’une quinzaine d’œuvres, la Caisse, anciennement Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), attribuera cette récompense pour la première fois à l’automne. Le jury réunit les trois grands musées québécois, représentés par Bernard Lamarche (Musée national des beaux-arts du Québec), Mark Lanctôt (Musée d’art contemporain de Montréal) et Anne-Marie St-Jean Aubre (Musée des beaux-arts de Montréal).
« Il y a vraiment un vide, explique Marie-Justine Snider, conservatrice de la collection d’œuvres d’art de la Caisse. Je le vois, je l’entends. [La mi-carrière] est une période très difficile. »
C’est connu : les artistes perdent en visibilité après des débuts d’euphorie — une décennie à se faire connaître, suivie, dans une seconde décennie, par une exposition individuelle dans un établissement majeur, selon Marie-Justine Snider. Les rares qui passent à travers obtiennent en fin de carrière les saluts sous forme, par exemple, de rétrospective.
« On veut célébrer la maturité [des artistes] et leur dire : “Continuez, on vous observe, on vous suit, on vous encourage et on a hâte de voir les prochains 20 ans” », affirme l’instigatrice du prix, en soulignant que la personne lauréate sera libre de disposer de l’argent comme elle l’entend.
S’il existe déjà une longue liste de distinctions en arts visuels, le prix La Caisse en art actuel sera l’un des seuls, avec le Louis-Comtois attribué depuis 1991 par la Ville de Montréal et l’Association des galeries d’art contemporain, à être destinés exclusivement aux artistes en mi-carrière. Le montant de la nouvelle récompense est « haut », dit-on à la Caisse, au niveau du prix « de carrière » Ozias-Leduc (Fondation Nelligan) plutôt qu’à celui du Louis-Comtois (7500 $).
« On ne veut pas être redondants, on veut être pertinents, dit Marie-Justine Snider, rencontrée au siège social de l’institution publique. Mais je n’ai jamais entendu dire qu’il y avait trop de prix. » Celle qui est arrivée à la Caisse en 2004 après avoir occupé des fonctions semblables à Hydro-Québec projetait depuis 2023, soit depuis le vingtième anniversaire de la collection, d’élargir le soutien aux artistes.
« Avec quatre comités d’acquisition par année, on a un rythme soutenu. [Mais un achat d’œuvre] a une portée limitée dans le temps. On se demandait quoi faire de plus. Un prix en art actuel donne plus de coffre. C’est comme ça qu’est née l’idée », résume la conservatrice de la Caisse.
« On s’est dit, poursuit-elle, qu’on pourrait encourager des pratiques absentes de la collection, comme la performance. Tout ce qui est temporaire. Ça élargit la portée. »