Photo : Fragments d’œuvres des neuf artistes de l’exposition

Zones!, exposition jusqu’au 19 avril à la maison de la culture Frontenac

Christian Baron, Jessie-Mélissa Bossé, Stéphanie Chalut, Caroline Cloutier, Noémie Da Silva, Cara Déry, Marie-Ève Martel, Benoit Paillé, Steve Veilleux

L’exposition Zones! réunit neuf jeunes artistes contemporains qui, s’attardant principalement aux pratiques 2D (dessin, peinture, photographie ou vidéo), proposent un corpus d’œuvres qui réinvestissent le champ du paysage en abordant certaines notions qui y sont rattachées comme la frontière, le territoire, la nature, l’enracinement et l’identité collective.
 
Opérant une sélection plus poétique qu’engagée, l’artiste Stéphanie Chalut a invité il y a deux ans quelques-uns de ses collègues à réfléchir aux enjeux que soulèvent ces questions dans le contexte socio-historique qui est le nôtre. C’est ainsi que Christian Baron, Jessie-Mélissa Bossé, Caroline Cloutier, Noémie da Silva, Cara Déry, Marie-Ève Martel, Benoit Paillé et Steve Veilleux ont accepté de travailler sur la proposition que voici :
 
Dans un contexte de mondialisation, où la circulation des marchandises, des images et des hommes se réalise à une vitesse prodigieuse et inégalée dans l’histoire de l’humanité, le sans-frontiérisme et le présentisme sont devenus des concepts à la mode. Sans même nous en rendre compte, nous contribuons parfois, par nos comportements, à renforcer ces idéologies qui se caractérisent par une volonté d’effacer toute trace du passé et d’abolir toute mémoire. Tout se passe comme si l’être humain se devait d’être déraciné, libéré de toute affiliation au récit national, anthropologique et même métaphysique. On nous vend l’idée que le citoyen du monde, cosmopolite, sans repères et sans frontières, représente la quintessence de l’ouverture à l’autre et du progrès.
 
Or, si l’évolution de la science et de la technique offre indéniablement des avantages dans nos vies modernes, elle pose aussi des défis en bouleversant les rapports entre personnes et ceux que nous entretenons avec notre collectivité historique. Le temps mondial (ou le village global) dans lequel nous vivons, tend à supprimer les notions d’héritage, d’hérédité, de filiation, de stabilité, mais aussi de paysage et de frontières.1 Par le triple jeu de l’attachement au seul présent, à une mobilité excessive, ainsi qu’au réseau au sens large, le temps mondial délite en douce le lien social qui fondait traditionnellement les cultures et l’identité des peuples.2
 
Dans cette perspective d’immédiateté, d’instantanéité, de simultanéité et d’urgence, qu’en est-il de l’enracinement à un lieu, à l’appartenance à un territoire, qu’en est-il de la lenteur souvent créatrice de rapports durables entre les êtres? Comment la frontière peut-elle encore participer à civiliser notre humanité à travers une identité nationale donnée? Car, s’il est vrai que les délimitations territoriales ont parfois été sources de conflits dans l’histoire, « toutes les frontières ne sont pas pernicieuses, pour la bonne raison que la nature et la vie elle-même sont construites à base de frontières sans lesquelles elles ne seraient qu’un magma informe. (…) Qu’elles soient réelles ou virtuelles, vécues ou imaginaires, fixes ou mouvantes, respectées ou transgressées, les frontières sont partout, en tous lieux, en tout temps, sous toutes les formes et de toutes dimensions. »3 Les frontières, nous dit le géographe Henri Dorion, sont absolument nécessaires : elles permettent de délimiter, de définir, d’unir. Elles ne sauraient être malsaines si on les envisage comme des points de contact plutôt que comme des facteurs de division.
 
Il en va de même pour les arts et particulièrement pour ceux liés aux pratiques de l’image: malgré l’éclatement des frontières entre les différentes disciplines et la démocratisation des médiums, la délimitation que forme le cadre de la feuille, du tableau ou de l’écran est toujours utilisée par de nombreux artistes contemporains. Qui plus est, le thème du paysage, qui traverse toute l’histoire de l’art, se fait encore présent dans plusieurs démarches et spécialement chez toute une frange de la jeune création, où on le voit réapparaître dans sa forme classique autant que dans des compositions aux plans rabattus et lignes de toutes sortes qui fendent allègrement l’espace du tableau comme autant de lieux à circonscrire… Comme si le besoin de dire d’où l’on vient, de penser ce qui nous définit était un sujet éternel qui transcende les époques. 
 
Zones! soulève l’importance de cette donnée dans la construction d’un sentiment d’appartenance liée à une culture spécifique (en l’occurrence, la culture québécoise), autant qu’il affirme un intérêt marqué pour les arts de l’image.
 
Texte : Stéphanie Chalut, artiste-commissaire
 
La maison de la culture Frontenac est située au 2550, rue Ontario Est, derrière le métro
Frontenac. Heures d’ouverture : du mardi au jeudi de 12 h à 19 h et du vendredi au dimanche de 12 h à 17 h. Fermé le dimanche 5 avril. Entrée libre. Info : 514 872-7882 ou accesculture.com
 
 

 

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