© Renata Poljak, Great Expectations, 2005. Vidéo, super 16mm

Renata Poljak et Julie Lequin, vernissage le samedi 15 novembre 15h à Optica

 

EXPOSITION GALERIE 1
Renata Poljak (Croatie)
Great Expectations – vidéo et photographie
 
Renata Poljak élabore essentiellement un travail sur la mémoire et l’identité, révélant comment les idéologies façonnent l’histoire individuelle et collective. Sa production articule son expérience personnelle au contexte social et conjugue documentaire et fiction autour des traumatismes des guerres de (l’ex-)Yougoslavie, ayant sévi de 1991 à 2001. Artiste multidisciplinaire, on la connaît surtout pour ses vidéos, un médium avec lequel elle entretient une affinité particulière depuis 1996 : « Though previously I was almost unfamiliar with the notion of video, it answered all of my questions and suddenly everything became clear, as if it awaited a form to get articulated. »[1]

OPTICA présente trois œuvres vidéos, dont Great Expectations (2005). Poljak y partage un récit familial polyphonique s’échelonnant sur trois générations patriarcales via son grand-père, « king’s father », son oncle, « the king – who taught me how to swim », et son cousin, « the king’s son ». Par le biais de cette narration — doublée de plans subjectifs des lieux ayant bercé son enfance — l’artiste remonte le fil du temps jusqu’à la République socialiste de Croatie des années 1960, traverse la montée du nationalisme et de l’économie de marché des années 1980, et aboutit aux tensions qui fermentent aujourd’hui dans les Balkans, lourd héritage d’une décennie de conflits armés dont profite l’extrême-droite. Cette violence sourde est évoquée tant dans ses manifestations physiques (une architecture dévastée par les ruines et l’urbanisme sauvage) que sonores (les crépitements d’un feu dont l’origine troublante sera éventuellement révélée).

C’est davantage autour de figures féminines que se concentrent Jump (2000) et Things We Don’t Talk About (2014), où Poljak semble poursuivre l’exploration d’une même tension. Celle-ci s’incarne dans le va-et-vient incessant et le leitmotiv stérile de la première vidéo, des éléments qui trouvent leur écho dans le silence inconfortable et le regard pesant (male gaze) de la seconde. Outre un propos fort assumé sur la condition féminine, l’artiste jette un regard sur les conséquences universelles d’un manque de résolution ou de communication en renvoyant à un malaise plus large, un doute et une vulnérabilité propres à la condition humaine. Or le corpus présenté en galerie échappe au défaitisme : la photographie et le récit constituant Blue (2010) nous laissent entrevoir que l’équilibre — bien qu’éphémère, comme toute chose — demeure possible.



[1] Traduction libre. Déclaration tirée d’une conversation entre Renata Poljak et Branka Bencic dans le cadre de l’exposition In Three Chapters, 2011. [En ligne :http://www.renatapoljak.com/Conversation.html, consulté le 21 octobre 2014.
 
Suite à sa formation à l’École des beaux-arts de Split (1997), en Croatie, Renata Poljak complète un post-diplôme à l’École régionale des beaux-arts de Nantes (1999) et participe à bon nombre de résidences internationales, notamment comme artiste invitée à la San Francisco Art Institute (2002). Son travail est présenté de par le monde, dont au Centre Georges Pompidou (2010) et au Palais de Tokyo (2012) à Paris, à la Stephan Stoyanov Gallery à New York (2013) et au Muzej suvremene umjetnosti de Zagreb (2013). 

Auteure : Geneviève Bédard

Geneviève Bédard est auteure, commissaire émergente et coordonnatrice des expositions et de la médiation à VOX, centre de l’image contemporaine.

 
 
EXPOSITION GALERIE 2
 
Julie Lequin (Montréal)
Bibelots – Installation et vidéo
 
Julie Lequin fait de sa pratique un lieu où converge une multiplicité de médiums parmi lesquels prédominent le dessin, la performance, la vidéo, la sculpture et l’installation. Conceptuelles et bricolées, ses œuvres intègrent ses expériences de vie qui ont forgé son identité. Reproduisant des personnages de toute pièce qui meublent son existence, Lequin utilise l’humour, la satire, mais fait également appel à la nostalgie pour traiter de sujets identitaires et revoir les lieux qui l’ont façonnée et qu’elle a habité. Adepte du Do it Yourself (fais-le toi-même) et fascinée par la culture populaire, elle recrée à la main son environnement immédiat qu’elle documente, archive, manipule et bonifie à chaque intervention artistique.
 
Articulées autour d’une pratique interculturelle axée sur l’interaction et l’échange, ses œuvres constituent un laboratoire où l’artiste négocie sa relation au monde à la première personne. Reflet d’un monde globalisé, elles soulignent la complexité des relations entre individus et rendent compte des usages d’une langue étrangère qui permettent d’engager des identités nouvelles. Alternant le français et l’anglais, l’installation vidéo Top 30 (2012) magnifie cette dualité à l’œuvre; Lequin filme à rebours le jour de ses anniversaires dans les divers lieux où elle a vécu. Sans être présentée dans son intégralité, cette vidéo divisée par année expose une actrice à chaque fois différente personnifiant l’artiste. Fredonnant une chanson qui l’aurait marquée durant l’année, ces femmes partagent l’intimité de Lequin et incarnent par leur dissemblance l’évolution même de l’identité. 
 
L’installation Confabulatory Chronicles (2012 -)met pour sa part en scène, ou plutôt en boîte, les hommes marquants dans sa vie, tels que des enseignants et des amoureux. À l’image d’un diorama grandeur nature, cette plateforme lui permet d’en accentuer et d’en caricaturer certains traits. Lors d’une résidence réalisée à Mexico, Lequin a notamment appris des techniques artisanales et locales à base de papier mâché, cristallisées dans ce projet sous la forme de piñatas. Ce modus operandi affirme plus largement un processus dans sa pratique d’absorption et de représentation à la fois de codes culturels divers et d’observations quotidiennes. Il témoigne universellement de la nature hybride, poreuse et en constante transformation de l’identité au contact des autres et de leur univers.
 
 

Diplômée en arts visuels de l’Université Concordia et du Art Centre College of Design de Pasadena (Californie), Julie Lequin est la lauréate 2014 de l’atelier-résidence de la FONCA à Mexico en partenariat avec le Conseil des arts et des lettres du Québec. Ses œuvres ont été exposées au Centre Clark, à l’espace Art in General, New York et au Los Angeles County Museum of Art.
 
Auteure : Julie Alary Lavallée
Julie Alary Lavallée est coordonnatrice aux communications et aux archives au centre OPTICA. Également auteure, elle prépare sa thèse de doctorat sur l’art contemporain de l’Inde.
 
 

 

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