Rapport de la Rencontre sur le développement international des centres d’artistes

Les nouvelles alliances

Cette rencontre s’est tenue les 4 et 5 juin 2009 à Sainte-Thérèse, une ville située dans la grande région montréalaise, au Québec. Convoquée afin d’examiner autant des avenues de développement que certains projets actuels des centres d’artistes autogérés ou l’aide du gouvernement québécois dans ce secteur d’activité, douze conférenciers et intervenants ont livré leurs commentaires pendant ces deux jours. Plus de quatre-vingt-dix personnes ont participé à ces journées

Un premier conférencier, François Deck, a pris son auditoire par surprise en livrant des réflexions sur le marché de l’art international qui tendaient à en décrire les effets dévastateurs pour la création. Intitulée Brouillon général, il affirmait que le marché de l’art est discrédité depuis les événements de 2009 qui ont créé une crise de l’expertise et la dématérialisation de la valeur de l’économie de la connaissance, obligeant les acteurs à réexaminer leurs relations. D’après Deck, le marché de l’art suscite de graves problèmes, en liant la valeur de l’art au luxe et en focalisant sur la production d’objets matériels. D’autre part, le marché est dominé par quelques marchands, lesquels encouragent la disparition de la critique, l’œuvre alors n’étant certifiée que par le marché. Une curieuse citation de John Keynes concluait la conférence : Les marchandises ne doivent pas trop circuler, les idées et les hommes le plus possible, les capitaux pas du tout!

Par la suite, cinq expériences de collaboration et de développement international par les centres d’artistes québécois ont été portées à l’attention du public. L’événement biennal Viva http://vivamontreal.org/viva/ regroupe cinq centres d’artistes montréalais dans la production d’un Festival de performances dont la prochaine présentation est prévue en septembre 2009. Les centres d’artistes Engramme http://www.meduse.org/engramme/ et Le Lieu http://www.inter-lelieu.org/lieu_pres.html , tous deux situés à Québec, ont fait état de leurs réseaux, européens pour Engramme et regroupant beaucoup d’artistes de la performance pour Le Lieu et ce, dans pratiquement toutes les régions du monde. Langage Plus http://www.langageplus.com/ , qui, bien que situé dans une région éloignée, a développé un programme de résidences croisées avec la région d’Alsace, en France. L’Atelier Presse Papier http://sites.rapidus.net/atelier.presse.papier/PageAtelier/anglais.htm , situé à Trois-Rivières, une ville à mi-chemin entre Québec et Montréal, invitent fréquemment des artistes étrangers à faire une résidence dans leurs ateliers.

Nos deux invités finlandais avaient été choisis pour représenter un pays dont les productions artistiques, le soutien de l’État et la qualité des installations artistiques nous apparaissaient exemplaires. Timo Soppela est directeur de Muu, un centre d’art multidisciplinaire, géré par l’Association des artistes Muu dont il est également le directeur. Mitro Kaurinkoski, quant à lui, dirige le Centre photographique Hippolyte, spécialisé en photographie et dirige également l’Association des artistes photographes, qui gère le centre Hippolyte.

L’intérêt de leur présentation commune, intitulée The Internationalization of Contemporary Visual Artists based in Finland and the Work of Artist Associations était de nous faire connaître leurs centres, l’organisation du soutien de l’État et leurs réalisations communes en Finlande et hors Finlande. D’emblée, Mitro nous a signalé que les artistes vivent souvent en dehors de leur pays d’origine, ce qui serait le cas de 10% des membres de l’Association des artistes photographes. Il était intéressant d’entendre que se construire différents réseaux est une partie du travail d’un artiste en arts visuels. 80 à 90% des artistes finlandais sont membres d’une association professionnelle pour un total de 2 500 membres dans les cinq associations chapeautées par l’Association des artistes finlandais, fondée en 1864. De ce nombre, l’Association Muu compte 500 membres et l’Association des artistes photographes 330. Les galeries ont des activités semblables à celles des centres québécois : expositions, publications, conférences, centre d’information, échanges de résidences, concerts et performances, studio de production (Muu), ateliers, séminaires. De plus, chacun d’entre eux organise des événements d’envergure, une Triennale de la photographie, pour Hippolyte et une biennale de la performance, AMORPH!, pour Muu. Ensemble, ils réalisent annuellement une vente de 750 œuvres provenant de 150 de leurs membres, lors de l’événement, Art Fair Suomi. Il est intéressant d’entendre, à ce sujet, les raisons pour lesquelles les deux associations se mettent ensemble pour vendre des œuvres alors que ce sont des organismes sans but lucratif qui ne poursuivent pas de buts commerciaux et ne travaillent pas avec des réseaux de collectionneurs, tout en rappelant que la collaboration entre le secteur artistique et le secteur privé est rare. De plus, le marché de l’art en Finlande est petit. Les résultats de la vente de 2008 ont été mitigés, en raison du déclenchement de la crise économique. Parmi un ensemble d’activités et de conférences destinées à rapprocher les artistes et les acheteurs, plusieurs activités intéressantes lors de ces ventes pourraient nous inspirer, notamment, une conférence intitulée Five works I would buy, ou encore la publication de guides : How to buy Performance Art, How to buy Photographic Art, How to buy Video Art.

En conclusion, nos deux invités ont signalé que la valeur de l’échange culturel est trop souvent négligé, et que l’accent devrait être mis sur le financement des exportations. En terminant, ils se sont dits prêts à connaître les modes de collaboration et les défis que doivent relever les associations et centres d’artistes au Québec et au Canada.

Laurent Moszkowicz est coprésident de la Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens (FRAAP), basée à Paris et responsable des Arts plastiques à La Malterie, à Lille http://www.lamalterie.com/online/index.html . La ville de Lille, en effet, est située à égales distances de Paris, Bruxelles, Londres et Amsterdam. Une situation géographique et politique également favorable aux échanges européens d’abord, ce dont il nous a entretenu. Quant à la Malterie, ce sont trente ateliers, une galerie, une salle de concert, des résidences, le tout en place depuis 1995. Le développement international s’est enclenché en 2004, alors que Lille était capitale culturelle européenne. Moszkowicz  en a d’ailleurs profité pour indiquer les limites des capitaux investis dans une ville qui inscrit des activités culturelles dans ce cadre de capitale culturelle, en affirmant que « le financement disponible va aux lieux institutionnels avant d’aller aux lieux associatifs. »

Pour terminer, nous avions invité deux représentants d’organismes publics québécois. Carl Johnson, directeur de la Direction des arts visuels au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) nous a entretenu du Plan d’action internationale que s’est donné le CALQ en 2005 et qui se déploie selon quatre orientations : assurer une présence sur la scène internationale des productions québécoises ; accueillir les productions étrangères dans une intention de réciprocité ; mieux développer la contribution du CALQ à ces actions ; et enfin assurer une certaine synergie avec les autres partenaires gouvernementaux. Il a également mentionné la politique de mise en place de studios-résidences dans plusieurs capitales étrangères : Paris, New York, Londres, Tokyo, Barcelone, etc. Il a déploré le fait que les centres d’artistes font peu circuler leurs expositions à l’étranger.

Fabienne Bilodeau travaille à New York dans une Délégation diplomatique du Québec où elle est Directrice des services culturels. Elle nous a entretenu de l’importance et des particularités de la scène new-yorkaise, d’où elle constate que les artistes québécois y sont presque absents, malgré la proximité de cette métropole avec le Québec. Elle a distribué un Guide pour les artistes qui veulent exposer à New York que l’on peut trouver sur le site du RCAAQ. http://www.rcaaq.org/html/fr/developpement_international_details.php?id=10048 Elle signale que les galeries de New York acceptent les propositions en provenance de commissaires. Elle conseille également de développer des projets avec les « not for profits » et les galeries universitaires, même si ces organismes n’ont pas d’argent à verser aux artistes ou pour payer les frais des expositions. Hors de New York, elle a signalé d’autres villes intéressantes : Buffalo, Philadelphie, Pittsburg, Atlanta.

Des ateliers de discussion suivaient chacune des tables rondes ou présentations et ont élaboré un certain nombre de recommandations, dont les plus significatives sont les suivantes :

  1. Établir un code d’éthique de l’accueil d’artistes en résidence
  2. Développer des résidences d’artistes à Montréal d’où elles sont pratiquement absentes
  3. Mettre sur pied un programme d’invitations à des commissaires et journalistes étrangers
  4. Augmenter les échanges avec les autres régions du Canada
  5. Améliorer le soutien financier du CALQ aux événements internationaux en le rendant pluriannuel
  6. Encourager le RCAAQ à continuer ses efforts de réseautages internationaux.

 

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