© Sophie Castonguay, Isegoria, 2011.

Polyphonies, vernissage le samedi 18 avril à 15h à Optica

Véronique Leblanc, Commissaire

L’exposition Polyphonies réunit les œuvres de huit artistes, incluant deux duos, qui mettent en scène une pluralité de voix. Tantôt fondées sur des approches documentaires qui s’apparentent à l’exercice du terrain anthropologique (entrevue, questionnaire), tantôt axées sur l’invention de situations fictionnelles à l’intérieur desquelles on rejoue différentes formes d’archives, ces œuvres orchestrent la parole de façon à ce que les propositions des artistes créent un écart avec la réalité documentée. Elles s’approprient des manières de se raconter (au passé, au présent et au futur) pour problématiser les constructions identitaires et idéologiques qui prennent forme dans l’usage de la parole.

Le projet d’installation performative Penser le futur (2013-2015) élaboré par Anne-Marie Ouellet (Québec) procède à une réorganisation des résultats obtenus dans le cadre d’un sondage effectué auprès de 187 personnes portant sur les perceptions générales du futur. En manipulant les réponses qui lui ont été données, elle interroge les mécanismes de polarisation et de normativité qui agissent dans la fabrication de l’opinion publique.

Réalisé avec la collaboration d’un petit groupe de clients réguliers et d’employés d’un bar de quartier, La taverne (2015) d’Emmanuelle Léonard (Québec) montre une succession d’individus s’adressant à la caméra. Les préoccupations et les convictions exprimées par les protagonistes inscrivent l’expression de l’expérience personnelle dans la vie sociale de l’endroit en même temps qu’elle situe les individus entre marginalité et stéréotype.

Dans la vidéo Don’t do it Wrong (2007), Katarina Zdjelar (Serbie / Pays-Bas) pose un regard sur le moment où, chaque matin, les élèves d’une école primaire d’Istanbul chantent l’hymne national à l’entrée des classes. Alors que la formation des élèves en rangs évoque un « corps collectif » au sein duquel l’individu fait un avec la nation, le comportement des enfants contrevient sans cesse à l’unité qu’on tente de leur imposer.

L’installation vidéo The Negociation (2010), réalisée en duo par Kaya Behkalam (Allemagne / Égypte) et Azin Feizabadi (Iran / Allemagne), observe les rapports conflictuels qui s’instaurent entre les individus d’un groupe débattant de leur conception de la révolution. Dans une double projection, les voix des acteurs alternent avec celle d’un narrateur en plus de s’amalgamer à des éléments visuels et textuels qui infléchissent le discours. C’est par une sorte de stratification narrative que cette œuvre traite de représentation, de réinterprétation de l’histoire récente et d’élaboration de l’imaginaire.

Avec La part du lion (2015), Sophie Castonguay (Québec) convie le spectateur au déploiement d’un discours polysémique devant un ensemble de tableaux créés par ses pairs. Affirmant le rôle du langage dans l’acte même de percevoir, l’œuvre performée par un récitant place le visiteur dans une zone d’incertitude entre l’image peinte et l’image projetée, le visible et le dicible, bref, entre ce qui est là et le sens à fabriquer dans une situation donnée.

Le projet participatif Dinner Party (2011-2015) de Dave Ball et Oliver Walker (Royaume-Uni / Allemagne) fait appel à huit personnes ne s’étant jamais rencontrées et acceptant de se prêter au jeu d’une discussion « médiatisée » autour d’un repas servi par les artistes. Quatre des convives sont dissimulés dans des pièces différentes et sont chargés d’animer la discussion de quatre autres invités assis à la table de la pièce centrale à l’aide de téléphones et d’écouteurs. Réactualisée à Montréal du 15 au 22 avril 2015, cette expérience interrompt les modes de socialité habituels en dissociant communication verbale et non-verbale.

Construites selon des structures polyphoniques ou utilisant la polyphonie comme méthode, les œuvres de l’exposition sondent la complexité des rapports entre individualité et collectivité. Chacune des œuvres met en place un espace discursif dans lequel la conviction intime, l’expérience individuelle et la croyance rencontrent les sphères sociale et institutionnelle. De la normativité à la dissension, de l’assujettissement à l’autodétermination et surtout dans la négociation constante entre ces extrêmes, l’ensemble des œuvres se rapporte à la constitution d’espaces publics et politiques ainsi qu’aux conditions de possibilités du vivre-ensemble.

En accord avec la dimension polyphonique des œuvres, l’exposition propose d’envisager les œuvres comme autant de « voix » issues de contextes sociaux, politiques et historiques distincts, trouvant des échos les unes dans les autres et résonnant avec des préoccupations partagées à une échelle plus globale. En s’intéressant aux notions d’appartenance, de différence, de représentation, de normativité et de commun, elles problématisent les relations de pouvoir qui s’instaurent dans l’utilisation du langage et interrogent les processus par lesquels les constructions identitaires et idéologiques participent à l’articulation de la vie commune.

 

Événements connexes
 
On Projection – Conférence-performance de Kaya Behkalam et Azin Feizabadi 
 
Jeudi, le 16 avril 2015 à 19h
 
Cette conférence découle d’une recherche collaborative qui aborde de diverses manières la notion de projection. Conçue en janvier 2013 par Kaya Behkalam, Azin Feizabadi et Jens Maier-Rothe, elle a été présentée pour la première fois à la Video Vortex # 9 Conference à la Leuphana University de Lueneburg, Allemagne. 

La présentation prend comme point de départ les facettes philosophiques et psychologiques du terme « projection » de même que les pratiques culturelles et les dimensions politiques qui leur sont associées. Naviguant dans les interstices de la « réalité » et de la « fiction », cette recherche met en relation différents événements et mouvements historiques, cinématographiques et politiques depuis 1945, avec les interfaces spatiales et temporelles qu’ils révèlent. Ayant débuté au Caire lors du deuxième anniversaire de ce qu’on appelle aujourd’hui le Printemps arabe, le point de vue de cette recherche collaborative est constamment redéfini par le temps et le lieu spécifiques dans lesquels elle a d’abord été amorcée. 

 
Goethe-Institut Montréal 
1626, boulevard St-Laurent, bureau 100
 
– Performance dans l’installation Penser le futur d’Anne-Marie Ouellet 
 
Penser le futur met en scène un espace bureaucratique dont le potentiel narratif est contenu dans deux « journaux ». Dans la performance, le contexte consigné dans ces documents se transforme en une conversation entre deux protagonistes et un avatar sur l’avenir des espaces public, domestique et politique. 
 
Samedi, le 18 avril à 15h30
Samedi, le 25 avril à 14h
Jeudi, le 14 mai à 19h30
 
 
– Discussion à propos du Dinner Party avec Dave Ball et Oliver Walker 
 
Dave Ball et Oliver Walker vous invitent pour un apéro printanier afin de participer à une discussion dirigée au sujet du Dinner Party. Vous pourrez discuter des enjeux soulevés par le projet avec d’ex-participants. 
 
En anglais avec traduction simultanée par les participants. 
Réservation requise
514-874-1666 ou info@optica.ca 

Dimanche le 19 avril, 15h 
Broue Pub Brouhaha
5860 Avenue de Lorimier 

 
– Visites commentées 
 
Dimanche le 26 avril, 14h
Visite commentée de l’exposition Polyphonies avec la commissaire Véronique Leblanc. 
 
L’exposition Polyphonies regroupe des oeuvres basées sur des processus participatifs et performatifs où s’expose une pluralité de voix. La visite commentée offerte par Véronique Leblanc s’articule autour du rôle joué par les documents imprimés dans les œuvres de Kaya Behkalam et d’Azin Feizabadi, de Katarina Zdjelar et d’Anne-Marie Ouellet. 
 
 

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