Penthésilée (détail) © Andres Manniste

Penthésilée d’Andres Manniste, exposition du 31 janvier au 4 mars à la Maison de la culture Frontenac

Penthésilée (2011) est une peinture composée de 14 panneaux mesurant 2,7 m x 1 m chacun. Les personnages au premier plan sont de couleurs variant de l’argile au cadmium glissant sur un fond violet foncé. Une fois les panneaux assemblés, un paysage discontinu se dessine au bas de l’image et illustre des endroits réels et imaginaires liés à l’enfance de l’artiste qui se sert de la transparence pour suggérer un lieu onirique où les personnages se fondent aux souvenirs. Nous observons le monde des Dieux.

L’oeuvre Penthésilée se veut un hommage, bien que le terme soit trop fort, aux 14 jeunes femmes qui ont perdu la vie à l’Université de Montréal en décembre 1989. Andres Manniste explique sa démarche :
« Tout a commencé lorsque j’ai vu une plaque commémorative lors d’une promenade sur le campus en 2006. C’est alors que j’ai eu l’idée de créer une oeuvre à propos de la tragédie. Je me suis d’abord documenté au sujet de l’événement. Je voulais que mon art en rende compte – je ne le voulais pas moralisateur. Toutes ces questions n’étaient qu’abstractions jusqu’en septembre 2006 alors que j’étais présent lors de la fusillade qui a eu lieu au Collège Dawson. Il s’agit d’un événement marquant dans ma vie et j’ai exprimé mes sentiments dans Supercolumbine (2007), une oeuvre diffusée sur Internet. Au même moment, toutefois, une peinture a commencé à germer dans mon studio. Je me suis souvenu d’un mythe de l’âge du bronze où les femmes étaient indépendantes; mes pensées ont été personnifiées en Penthésilée.

Les 14 panneaux peints à l’acrylique racontent l’histoire de la Reine des Amazones qui a défié Achille à Troie. Avec Penthésilée, j’avais l’impression que je ne pouvais pas simplement reproduire 14 scènes à partir de poteries grecques classiques sur fond noir. Mon récit devait prendre racine dans quelque chose de plus profond, émerger de son propre monde et y avoir un sens. Dans Penthésilée, chaque panneau me poussait plus loin dans ma recherche sur l’histoire, l’histoire de l’art et des classiques. Au cours de ce processus, j’ai créé un site Web interactif dans lequel j’ai rédigé une nouvelle et où j’invitais les gens à modifier le projet par l’entremise d’un logiciel qui enregistrait leurs commentaires et révisions. Selon moi, la synthèse de ce processus m’a aidé à déterminer la forme ultime de l’oeuvre.

Je ne croyais pas qu’un monument conviendrait, particulièrement parce qu’un monument a tendance à être associé au monde masculin. J’ai plutôt peint Penthésilée comme un acte d’expiation pour n’avoir pas pu arrêter Marc Lépine ou Kimveer Gill. Penthésilée est morte aux mains d’Achille mais, dans mon allégorie, il n’est pas plus fort qu’elle; il est armé, là est la seule différence. Bien entendu, les Amazones n’auraient jamais pu exister parce qu’elles auraient été anéanties aussi rapidement et facilement que Marc Lépine a tué ces 14 femmes.
Selon ma version du mythe, Arthémis vainc Achille. Je prends mes distances d’avec la tradition, car je suppose que tous ceux et celles qui ont été victime de tragédies meurtrières fantasment de désarmer un peureux. Mon oeuvre illustre la naissance de Penthésilée, son adolescence, ses souhaits, sa vengeance puis le deuil. »

Andres Manniste est né à Sault Ste-Marie, en Ontario, en 1951, Après avoir obtenu son BFA en 1974, il déménage à Québec où il entame sa démarche artistique. Il présente sa première exposition solo en 1976 à l’Atelier de réalisations graphiques (maintenant Engramme). Après un court séjour au Labrador, il déménage à Montréal en 1978 pour poursuivre ses études de maîtrise à l’Université du Québec à Montréal. Sa première exposition à Montréal a été organisée à la Comédie nationale en 1980. Peintre, graveur et artiste médiatique, ses oeuvres se retrouvent dans des expositions individuelles et de groupe telles que Chimères (1999), Les OEuvres choisies de Phasis, Esthésio art contemporain, Québec (2002), Drunken Boat PanLiterary Award for Web Art à New York (2006), Cacophonie des esprits, Galerie Joyce Yahouda (2007) et Urban Jealousy the 1st International Roaming Biennial of Tehran (2008-2010). Ses oeuvres ont été acquises par le Musée d’art contemporain de Montréal, la Rhizome artbase (New York), la Collection patrimoniale de la Bibliothèque nationale du Québec, la Collection patrimoniale d’Ontario ainsi que par la banque des oeuvres du Conseil des Arts du Canada.

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