Négociations syndicales des enseignants – la ministre Beauchamp dénonce le boycottage des activités culturelles

Stéphane Baillargeon
Édition du lundi 24 octobre 2005

La ministre de la Culture du Québec, Line Beauchamp, tire à boulets rouges contre les enseignants boycotteurs des activités culturelles. Pour dénoncer très clairement cette position qu’elle juge carrément «immorale», elle entend déposer dès demain à l’Assemblée nationale une motion pour demander officiellement aux syndiqués des écoles de renoncer «pour toujours» à ce moyen de pression.

«J’étais à Paris, à l’Unesco, quand les négociations ont été rompues entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, dit-elle en entrevue au Devoir. Une des cinq raisons données concerne le refus de renoncer à l’avenir au boycottage des activités culturelles comme moyen de pression. Je trouve ça incompréhensible, inacceptable, je peux même dire immoral. C’est le troisième boycottage du genre en quelques années. Les enseignants ne sont nullement pénalisés par cette tactique, qui équivaut à faire la grève sans perte de revenu.»

Elle souligne que, par contraste, les milieux artistiques payent très chèrement cette manoeuvre. Si elle perdure toute l’année, certains comédiens ou danseurs accuseront des pertes de plusieurs milliers de dollars. Des compagnies craignent pour leur survie. Dans certaines salles spécialisées, l’achalandage aux guichets pour les représentations en matinée a diminué du tiers, voire de moitié. «Surtout, ultimement, des enfants en sixième année du primaire vont avoir vécu trois boycottages, ce qui les aura privés de contacts essentiels avec la culture québécoise.»

La motion déposée demain va donc demander aux syndicats de l’enseignement de renoncer «pour toujours» au boycottage des activités culturelles en milieu scolaire. «Il n’y a aucune raison de quitter une table de négociation parce qu’on refuse de recourir à ce moyen de pression, ajoute la ministre. Il y a aussi une nécessité pour le gouvernement de faire en sorte que ce moyen ne puisse plus être utilisé à l’avenir. C’est même un des éléments de la convention collective que le gouvernement défend le plus vigoureusement.»

Les informations glanées autour des négociations patronales-syndicales laissent croire que Québec ratisse très large dans sa demande de concessions, en utilisant une définition des «activités parascolaires» qui inclut par exemple les sorties récréo-touristiques et les épreuves sportives, d’ailleurs elles aussi visées par l’interdit syndical. «On parle d’une table de négociation, répond la ministre de la Culture. Les détails pouvaient se discuter à la table, notamment sur le classement des activités multidisciplinaires, mais le principe même doit établir que les activités culturelles ne peuvent être utilisées comme moyen de pression.»

Après le premier boycottage, à l’automne 1999, les ministères de l’Éducation et de la Culture s’étaient déjà engagés à empêcher la réutilisation de ce moyen aux conséquences désastreuses pour les milieux culturels et les élèves. Québec a dédommagé les compagnies et les artistes touchés par la mesure. Mme Beauchamp répète que les personnes et les organismes touchés recevront encore une fois des indemnités.

Ses fonctionnaires ont d’ailleurs rencontré des représentants de différentes associations artistiques la semaine dernière pour établir une «structure de veille» afin d’accumuler les données concernant les pertes de tout un chacun. «Le ministre de l’Éducation tient le fort à la table, comme le premier ministre et la présidente du Conseil du trésor ont dénoncé cette situation inacceptable et confirmé que nous remettrons des compensations.»

Finalement, une fois la crise passée, Mme Beauchamp souhaite intensifier les liens entre les milieux culturels et le ministère de l’Éducation. Son gouvernement a déjà rendu obligatoire la réussite d’un cours dans une discipline artistique à la quatrième secondaire pour l’obtention du diplôme. «Cette réforme constitue une grande avancée, conclut Mme Beauchamp. Elle met les arts sur le même pied que les sciences. Mon gouvernement a adopté un nouveau plan pour le cinéma et a ouvert la Grande Bibliothèque. Mais, pour moi, je le dis, c’est la réalisation dont je suis le plus fière pour construire une société où la culture ait sa juste place et préparer le Québec de demain.»

http://www.ledevoir.com/2005/10/24/93330.html

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